CIAO DATE: 09/2014
Volume: 89, Issue: 0
Spring 2013
Militantisme et répression (PDF)
Daniela Cuadros, Daniella Rocha
Consacré aux rapports entre militantisme et répression, ce dossier thématique invite à étudier les transformations des pratiques et des savoir-faire militants dans les contextes répressifs, à travers l’étude des histoires de vie et des milieux militants. Il s’agit de prêter une attention particulière aux dynamiques d’adaptation et de reconversion de l’engagement politique compris comme un continuum au prisme de l’avant, du pendant et de l’après répression. Depuis trente ans, la littérature sur la répression fait état des effets réciproques entre violence d’État et contestation . Dans les années 1990, la littérature se penche plus directement sur le binôme répression-contestation, en particulier au regard des conditions de possibilité de la répression, mais ses effets dissuasifs font aussi l’objet de nombreux travaux . Divers auteurs constatent ainsi la diversification des organisations d’opposition, l’entrée en politique de nouvelles couches de la population et le renforcement de rés...
Lorsque la répression est un plaisir : le militantisme au Parti National Bolchévique russe (PDF)
Vera Nikolski
L’article explore la relation entre militantisme et répression à partir du cas du Parti National Bolchevique (NBP) russe. Partant de la thèse selon laquelle l’effet globalement décourageant de la répression sur la masse des militants est contrebalancé par la radicalisation d’une minorité d’entre eux, il montre que cet effet incitatif peut être décomposé en deux mécanismes distincts. Des travaux antérieurs ont ainsi montré que la répression peut avoir un rendement extérieur en termes d’image, de notoriété ou de stratégie d’alliances ; mais elle peut également avoir un rendement intérieur considérable, en alimentant l’engagement. Nourrissant une représentation héroïque de soi chez les militants, la répression est au principe d’une rétribution spécifique du militantisme – que l’on qualifie d’escapiste – fondée sur le plaisir retiré de la mise en jeu de scénarios d’action romantique, exaltante et anti-routinière.
Expériences répressives et (dé)radicalisation militante (PDF)
Vanessa Codaccioni
Cet article, centré sur les effets de la répression sur les jeunes membres du Parti communiste français pendant la guerre froide et la guerre d’Algérie (1947-1962), vise à saisir le processus de « déradicalisation » qui touche l’organisation dès la fin de la guerre d’Indochine. Dans le même temps, il tente de dégager ce que la répression fait aux liens partisans, qu’elle les renforce dans les contextes de radicalité militante, ou qu’elle les distende dans les périodes légalistes. À ce titre, c’est aussi la question des rétributions et du coût de la répression qui est plus généralement posée.
Répression, transition démocratique et ruptures biographiques (PDF)
Daniela Cuadros
Cet article analyse les effets des processus de radicalisation sur le militantisme des membres du PC chilien à partir de la fin des années 1980. Nous montrons que l’adoption d’une stratégie insurrectionnelle sous le régime autoritaire a donné lieu à l’affaiblissement de l’emprise partisane sur le corps militant et à la formation d’une nouvelle génération militante au sommet de la mobilisation antidictatoriale (1983-1986). Prenant la forme d’une crise des vocations militantes, la déradicalisation entamée avec la transition démocratique (1988-1989) oblige les membres de cette génération à une reconstruction douloureuse de leur attachement partisan. L’étude des trajectoires individuelles montre ainsi comment ces militants formés à la violence révolutionnaire sont amenés à normaliser leurs pratiques dans la nouvelle démocratie, leur déradicalisation laissant paradoxalement libre cours à certaines radicalités militantes sur fond de transformation de l’organisation partisane comme composante de l’opposition aux nouvelles autorités démocratiques.
Passer puis renoncer à l'action violente (PDF)
Gilda Zwerman, Patricia G. Steinhoff
Cette étude examine les trajectoires de vie des militants de la nouvelle gauche aux États-Unis et au Japon à la fin des années 1960, qui ont investi l’action armée, sont entrés en clandestinité ou ont connu l’exil au sommet du cycle de protestation. Basée sur des données collectées pendant plusieurs années auprès de plus de 100 militants engagés dans 12 organisations armées clandestines, l’analyse est centrée sur la relation conflictuelle de ces militants avec les agents étatiques du contrôle social. L’étude identifie les principales tendances de l’interaction de ces militants avec d’autres acteurs du mouvement protestataire qui ont rendu possible leur entrée et leur maintien en clandestinité, facilitant ultérieurement leur désengagement de la violence, en se concentrant particulièrement sur le rôle du réseau de soutien juridique (RSJ).
Guya Accornero
Le but de cet article est d’analyser la façon dont l’État Nouveau portugais (Estado Novo, 1933-1974) a transformé les institutions politiques héritées de la république parlementaire et a fondé de nouveaux organismes destinés au contrôle et à la punition de la dissidence politique. Pour décrire ce processus de « transition autoritaire », on analyse en premier lieu la création de lois et d’institutions répressives afin d’introduire une problématisation de ses effets contradictoires sur le militantisme. Si la description de la législation et des institutions d’ordre publique est d’ordre général, les effets sont analysés plus précisément dans le cas de la répression et du contrôle de l’activisme estudiantin et de la gauche marxiste (parti communiste et gauche radicale). On analyse enfin les effets sur les trajectoires des militants, de la chute du régime au début de la transition démocratique.
La fierté noire en images : une infra-politique du film (PDF)
Melvin van Peebles, Jerome Beauchez
Né à Chicago en 1932, Melvin Van Peebles est l’un des artisans du cinéma noir indépendant. Tout à la fois scénariste, acteur, réalisateur et monteur de ses films dont il composait aussi les musiques, ce créateur protéiforme a consacré son existence à documenter les cultures et les conflits qui animent les Africain-Américains des quartiers pauvres. Les « siens », comme il dit, apparaissent ainsi comme l’indéfectible motif de ses engagements. Ils sont ceux qui permettent de rassembler les faisceaux d’une vie multiple, mais toujours orientée par une même visée politique : celle des résistances africaines-américaines face aux dispositifs de la domination blanche. Bien plus qu’un appel à un simple retournement du stigmate sur fond de racisme inversé, les créations de Melvin Van Peebles apparaissent dès lors comme autant de regards portés sur une Amérique noire dont les acteurs n’entendent plus se contenter des seconds rôles.
Les rouages de la guerre contemporaine (PDF)
Christophe Wasinski
Les cinq ouvrages que nous présentons ici apportent des éclairages particulièrement bienvenus concernant la problématique des guerres contemporaines. Certes, ces textes abordent la question sous des angles variés. Les travaux de Caroline M. Croser et James Der Derian s’inspirent d’auteurs habituellement qualifiés de poststructuralistes, tels que Gilles Deleuze, Michel Foucault ou encore Paul Virilio. Mikel Vedby Rasmussen s’appuie largement sur la notion sociologique de risque développée par Ulrich Beck. Mark Duffield s’intéresse aux structures économiques internationales et aux représentations politiques pour développer un point de vue de type sociologique critique. Martin Shaw développe une sociologie de la guerre portant sur les effets concrets des conflits modernes. En d’autres termes, il existe des similarités avérées entre les ouvrages, des références croisées se retrouvent dans leurs bibliographies et la plupart de ces études prennent en considération les interrogations critiques et constructivistes sur les représentations guerrières et leurs effets. Pourtant, l’échantillon rassemblé ne constitue pas une école de pensée ou une approche théorique unifiée. Toutefois, et c’est probablement plus important, la juxtaposition de ces travaux souligne une sensibilité commune et met en évidence un fil conducteur. Sans permettre une compréhension exhaustive de la guerre, tous exposent avec justesse certains des rouages essentiels au maintien et à l’adaptation des capacités belliqueuses dans notre monde 1