CIAO DATE: 05/2014
Volume: 84, Issue: 0
Winter 2011
Le « nexus » sécurité, frontière, immigration : programme et diagramme (PDF)
Didier Bigo
La cohérence de ce numéro – construit à partir de divers articles soumis indépendamment à la revue – se trouve dans l’exploration d’un nexus sémantique, organisationnel, technologique et de pratiques quotidiennes qui associe sécurité, contrôle des frontières à distance, détention, immigration et asile. Il se situe dans la prolongation de recherches précédentes qu’il approfondit et met en relation. Il revient sur la biopolitique et le gouvernement des populations que nous avions discutés dans le numéro 78 (2/2010), et sur les frontières, marquages, disputes et logiques de passage des numéros 72 (4/2008) et 73 (1/2009). Il discute aussi les mécanismes de suspicion et d’exception ainsi que les pratiques de détention qui leur sont associées et que nous avions analysées dans les numéros 56 (4/2004), 57 et 58 (1 et 2/2005). Il fait le lien avec les différentes facettes de l’insécurité et la mise à l’écart des étrangers des numéros 49-50 (1-2/2003) et 51 (3/2003). Et il le fait de manière t...
L'Organisation internationale pour les migrations et le gouvernement international des frontières (PDF)
WIlliam Walters, Rutvica Andrijasevic
Les premières recherches sur la question de la mondialisation considéraient cette dernière comme une tendance forte rendant progressivement obsolètes les frontières des États. Cette vision a récemment été remise en question par de nouvelles analyses suggérant que la mondialisation et la (re)frontiérisation évoluent souvent de pair pour culminer en une sorte de mondialisme clôturé (gated globalism). Le rôle joué par certaines agences internationales dans le façonnage des normes et des formes du régime de contrôle des frontières tel qu’il émerge a été quelque peu négligé. Pour tenter de répondre, partiellement, à cette lacune, cet article analyse plus particulièrement l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et son implication dans la promotion de ce qu’elle nomme une meilleure «gestion des frontières». L’étude de l’OIM est intéressante car elle illustre comment le contrôle des frontières est devenu un objet d’expertise technique et d’intervention au sein de programmes et de plans d’envergure internationale. L’article aborde dans un premier temps les récents travaux sur la gouvernementalité néolibérale en ce qu’ils permettent d’éclairer les formes de pouvoir et les mécanismes d’influence subtils qui caractérisent les tentatives de l’OIM d’inclure des éléments de gestion dans les politiques frontalières de pays aussi divers que l’Arménie, l’Ethiopie et la Serbie. Dans un second temps, cet article s’intéresse au gouvernement international des frontières et aux pratiques diverses et hétérogènes qui le caractérisent, allant de l’accueil de séminaires de formation pour les agents locaux de sécurité et d’immigration à la promotion de plans d’achat et d’installation de matériel de surveillance à la pointe de la technologie. Cela nous permettra d’observer en des termes matériels comment le projet de transformation de la frontière en un problème de «gestion» entre en conflit avec une perception des frontières en tant que lieu politique et de luttes sociales.
Invasions, subversions, contaminations (PDF)
Marc Bernardot
Il s’agit d’interroger à partir de formes d’inscription spatiale des étrangers dans les démocraties occidentales trois motifs récurrents de menaces auxquelles sont censés se préparer les pouvoirs publics pour protéger la société. J’étudie principalement les cas australien, nord-américain et français et cela dans une perspective socio-historique. L’objectif est principalement de montrer à partir de différents territoires d’exception les variétés et les convergences dans les représentations de l’altérité menaçante, dans l’établissement des frontières physiques et symboliques et dans les dispositifs d’anticipation et/ou de luttes contre ces menaces.
Entre faits et fiction : l'instruction de la demande d'asile en Allemagne et en France (PDF)
Johanna Probst
Depuis les années 1980-90, le nombre d’accords de statuts de protection internationale a radicalement baissé proportionnellement au nombre de demandes d’asile introduites dans les pays européens. L’évolution des dispositifs d’asile étatiques et de leurs pratiques décisionnelles sont bien entendu déterminées par les politiques nationales et européennes. Comprendre pleinement cette évolution suppose cependant une prise en compte de la mise en œuvre pratique de ces politiques par les institutions instruisant la demande d’asile. À partir de l’exemple des dispositifs d’asile français et allemand, il s’agit ici d’éclaircir les aspects microsociologiques du déroulement de la procédure d’asile, de porter la réflexion sur les acteurs du dispositif et d’interroger la relation administrative qui s’y enracine.
Florent Blanc
Partant de l’analyse des discours tenus, aux États-Unis, sur la menace terroriste au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, cet article s’attache à démontrer comment avocats et bibliothécaires ont investi le champ de la sécurité. Face à l’entreprise de sécurisation en poupées russes du traitement militaire de la question terroriste, ces acteurs particuliers, de par leur vocation et les normes éthiques liées à leurs professions respectives, ont mobilisé les arguments du droit pour contraindre l’Administration américaine à s’engager dans un débat public à propos de deux mesures en particulier: l’impact du Patriot act sur les dossiers de bibliothèques et le traitement des prisonniers de Guantanamo. L’article montre comment, en période de crise de sécurité, ces professionnels mettent en œuvre un répertoire d’action qui, par le biais d’actions publiques et de recours en justice, va restreindre la capacité de l’Administration à gouverner par l’exception. En donnant la parole à ces acteurs particuliers, cet article contribue à donner les contours d’une sociologie de ceux qui résistent en période d’exception.
Olivier Palluault
La homeland security, mise en place aux États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, incarne la transformation contemporaine de la sécurité. Son apparition n’est pas directement liée à la chute du World Trade Center mais relève plutôt d’une dynamique de sécurité qui s’est cristallisée au milieu des années 1990. Cette dynamique repose sur la conjonction de cinq processus : la formation d’un consensus autour de la promotion d’une Amérique forte et vigilante (processus ontologique), un changement des pratiques stratégiques tournées vers la réduction des vulnérabilités (processus stratégique), la création d’un espace bureaucratique de sécurité situé au-delà du militaire et du policier (processus bureaucratique), l’avènement de nouveaux acteurs de la sécurité spécialisés dans la gestion des risques (processus sociologique), la prégnance d’une appréhension de l’innovation technologique comme source de la menace et remède face à celle-ci (processus technologique).
Dans les décombres du carnava (PDF)
René Depestre
Aperçu du début du texte René Depestre est né en 1926 en Haïti. Il a participé à la fondation du Parti Communiste haïtien et au renversement du dictateur Élie Lescot avant d’être condamné à l’exil en 1946. Il traversera alors différents pays (Tchécoslovaquie, France, Cuba, URSS, Brésil, Chili…), au contact de divers gouvernements socialistes, avant de s’installer dans les Corbières, où il « met en ordre le chaos de sa vie » à travers l’écriture. C&C : Cher Monsieur Depestre, vous dites que vous êtes à l’heure du bilan, de « l’organisation du chaos », comme vous nommez votre vie. Je crois que vous opérez cette mise en ordre sur deux niveaux : poétique et réflexif. Ce sont d’un côté vos romans oniriques (Hadriana dans tous mes rêves, Le mât de cocagne, Eros dans un train chinois…) ainsi que vos œuvres poétiques , de l’autre vos conférences et essais (Bonjour et adieu à la négritude, Ainsi parle le fleuve noir, Le métier à métisser, Encore une mer à traverser) , qui se rapportent aux entreprises politiques aux...