CIAO DATE: 09/2014
Volume: 85, Issue: 85-86
Spring/Summer 2012
L'institutionnalisation du Parlement européen (PDF)
Antonin Cohen, Anna-Christina L. Knudsen
Texte intégral en libre accès disponible sur le portail Cairn. Le texte intégral en libre accès sera disponible à cette adresse en janvier 2016. Consulter cet article Aperçu du début du texte Lors de la dernière élection présidentielle, en France, trois candidats sur dix étaient membres du Parlement européen – Eva Joly, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ayant tous été élus ou réélus lors des élections européennes de 2009 . Mieux. Les six principaux candidats à la présidence de la République étaient ou avaient été membres du Parlement européen – François Bayrou, François Hollande et Nicolas Sarkozy ayant siégé, il est vrai peu de temps, durant la cinquième législature . L’attraction manifeste que le Parlement européen exerce ainsi sur les professionnels de la politique ne manque pas de contraster avec le désintérêt croissant que ce même Parlement suscite chez les électeurs, en France [Graphe 1], comme dans la plupart des pays membres de l’Union européenne, à l’image du Danemark [Graphe 2] ou, plus encore, du Royaume-Uni [Graphe 3].
L'autonomisation du « Parlement européen » (PDF)
Antonin Cohen
Les organisations intergouvernementales européennes restent trop souvent analysées de manière isolées les unes des autres. Cet article entend au contraire illustrer le processus d’institutionnalisation du champ du pouvoir européen en prenant pour objet les interdépendances évolutives entre ces différentes organisations. En analysant le recrutement parlementaire des quatre assemblées supranationales du Conseil de l’Europe, des Communautés européennes, de l’Union de l’Europe occidentale et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord des années 1950 aux années 1970, cet article montre que le cumul des sièges au sein de ces assemblées tend à décroître au fil des années, contribuant à l’autonomisation de ce qui est alors rebaptisé « Parlement européen », ainsi qu’à la socialisation d’un nombre toujours croissant de parlementaires nationaux à la politique européenne supranationale. Il montre, en outre, la corrélation entre longévité, cumul des sièges et capital juridique, en isolant un petit groupe de parlementaires multipositionnés connus pour avoir joué des rôles très variés dans la construction européenne, comme Fernand Dehousse, Pierre-Henri Teitgen et bien d’autres… Cet article repose sur une base de données regroupant plusieurs centaines de parlementaires.
L'Europe est-elle un État comme les autres ? (PDF)
Guilloaume Sacriste
La polity communautaire, plutôt que d’avoir autonomisé une sphère du politique à l’image des processus d’émergence des États-nations occidentaux, apparaît comme un système politique institutionnalisant sa propre hétéronomie socio-économique. C’est l’hypothèse défendue dans cet article en prenant comme point d’entrée le travail des parlementaires européens de la commission juridique de l’Assemblée communautaire des années 1960. Les logiques sociales ainsi mises en évidence permettent de conclure sur la nature des outputs de cette commission : ces derniers brouillent la distinction public/privé au principe des États-Nations.
Ann-Christina L. Knudsen
Cet article analyse les modes de recrutement et de circulation des 95 parlementaires britanniques et danois membres du Parlement européen (MPE) avant l’instauration du suffrage universel direct en juin 1979. Il s’appuie sur une étude prosopographique approfondie des biographies collectives et relationnelles des parcours de carrières politiques de ces députés, avant et après leur double mandat en tant que MPE. L’étude comparative montre la façon dont les parlementaires européens ont circulé dans la politique nationale et européenne, et comment des possibilités élargies de carrières politiques furent ainsi intégrées dans la vie politique de ces deux populations de parlementaires.
Réinventer l'institution parlementaire européenne (PDF)
Aurelie Elisa Gfeller
Cet article offre un éclairage sur la réinvention de l’institution parlementaire communautaire à la suite de l’introduction du suffrage universel direct en 1979. Il analyse la stratégie discursive des élus et de leur présidente, Simone Veil, qui firent valoir leur nouvelle légitimité démocratique pour asseoir leur autorité face aux fractions des élites européennes associées aux autres institutions communautaires ou à d’autres institutions transnationales. Il montre aussi comment les nouveaux élus mobilisèrent diverses ressources pour renforcer leur stratégie de légitimation : leurs compétences budgétaires limitées, mais aussi les visites et voyages officiels orchestrés par leur présidente et leur engagement sur un thème porteur dans l’opinion, les droits de l’Homme.
Francisco Roa Bastos
Cet article revient sur l’introduction dans le traité de Maastricht de 1992 d’une catégorie politique nouvelle, celle des « partis politiques au niveau européen ». S’intéressant prioritairement aux acteurs mobilisés en faveur de ce « label », il cherche à décrire le plus précisément possible leurs mobilisations, tout en mettant en évidence les conditions de possibilité de cette codification particulière. Fondé sur une enquête empirique approfondie, il propose les éléments d’une sociogenèse de cette catégorie politique.
Des eurodéputés « experts » ? Sociologie d'une illusion bien fondée (PDF)
Willy Beauvallet, Sebastien Michon
Au sein du Parlement européen (PE), comme de l’Union européenne, la figure de l’expert apparaît comme une dimension incontournable de la définition des rôles et de la structuration de l’espace politique européen. Cet article vise à montrer que la figure de l’eurodéputé expert correspond à une illusion bien fondée, une simplification dont la crédibilité est assise sur des processus sociaux institutionnalisés. Cette construction institutionnelle est le produit de la rencontre entre un contexte et des propriétés sociales et politiques qui se cristallisent dans le rôle de l’expert. Si cette définition dominante de la fonction d’eurodéputé emporte un certain nombre de conséquences et de contraintes, elle n’en demeure pas moins soumise à des tensions et des investissements concurrents qui font de l’institutionnalisation du PE un processus dynamique.
Logiques partisanes, territorialisation et capital politique européen (PDF)
Reni Lefebvre, Guillarme Marrel
L’article analyse le processus d’investiture des candidats aux élections européennes de 2009 pour le parti socialiste français. Il montre que la constitution des listes obéit à des logiques endogènes fortes et prend peu en compte le capital européen des impétrants. En articulant sociographie qualitative et entretiens, il s’agit ici de saisir le plus finement possible les logiques multiples et contradictoires qui président à la fabrication des listes. La faible prise en compte de l’européanisation des candidats est liée à des variables conjoncturelles et situationnelles, mais aussi à des logiques plus structurelles. La multiplication des critères en jeu en 2009 décuple les incertitudes pesant sur le processus de négociation.
Francois Dauce, Amanine Regamey
Basé sur une enquête menée en 2010 auprès de responsables associatifs et administratifs, cet article analyse la manière dont la violence contre les femmes est abordée et prise en charge en Russie. Il s’interroge d’abord sur les conditions de connaissance du phénomène : alors que les chiffres des violences domestiques donnent l’image d’une Russie particulièrement violente, c’est surtout le manque de fiabilité et le flou entourant les statistiques qui est à souligner ; quant aux facteurs économiques, sociaux et culturels, ils agissent surtout comme des facteurs aggravants – tout autant que le manque de prise en charge par l’Etat. En effet, alors que se sont constituées dans les années 1990 des ONG soutenues par les organisations internationales et qui mettent en avant un modèle légaliste de l’action publique, la réponse étatique reste dispersée et fragmentaire (absence de loi, de mesures de prévention ou de protection). Dans les années 2000, alors que les associations sont affaiblies, c’est le paradigme familialiste qui semble prendre le pas en Russie, portant l’attention moins sur la violence contre les femmes que sur la violence contre les mères.
À propos de la complexité des révoltes dans les pays arabes (PDF)
Nizar Messari
Pour m’atteler à la tâche d’essayer de comprendre les bouleversements dans le monde Arabe au cours de l’année 2011, je me propose dans cet article d’analyser ces événements à la lumière de quelques modèles théoriques qui visent à expliquer les mobilisations sociales et populaires, d’abord pour fournir une clé pour comprendre ces événements et ensuite pour analyser ce que ces mobilisations ont apporté aux modèles théoriques préexistant. Deux questions différentes mais liées s’imposent : pourquoi plusieurs peuples arabes se sont-ils soulevés au cours de l’année 2011 ? Pourquoi l’ont-ils fait d’une façon presque simultanée ? D’un point de vue théorique, la littérature qui existe nous dirige vers deux concepts explicatifs : le premier est l’existence de structures d´opportunités politiques préalables qui ont balisé le chemin pour plus de réformes, alors que le second est l’existence d’un réseau d’événements, non pas liés mais mutuellement influençables, et dont l’évolution influence les événements dans les autres pays. Dans le cas des révoltes de 2011 dans les pays Arabes, les leçons à tirer sont que, si parler de structures d’opportunités politiques indique une inclinaison vers la structure au détriment de l’acteur, les révoltes de 2011 dans le monde Arabe ont indiqué le rôle central que les acteurs peuvent jouer dans les mobilisations, et obligent ainsi à une certaine adaptation du modèle des structures d’opportunités politiques.