Columbia International Affairs Online: Working Papers

CIAO DATE: 01/2009

Biélorussie 2006. Manipulation électorale dans une dictature post-soviétique

Jean-Charles Lallemand

June 2006

Centre d'Etudes et de Recherches Internationales

Abstract

Lors de l’éclatement de l’Union soviétique en 1991 et de la chute du parti unique, les élites dirigeantes des quinze républiques nouvellement indépendantes semblaient converties au principe démocratique de l’élection libre et pluraliste. Quinze ans plus tard, plusieurs Etats post-soviétiques connaissent au contraire le renforcement de régimes présidentiels autoritaires. Tout en organisant des scrutins pseudo-concurrentiels à échéances régulières, les élites au pouvoir manipulent sans scrupule les élections pour renforcer leur emprise autoritaire. Parmi ces pays, la Biélorussie d’Alexandre Loukachenko est un modèle du genre : elle n’a pas connu de scrutin libre et honnête depuis 1996.

Ancien directeur de sovkhoze devenu député au Soviet suprême de la République de Biélorussie en 1990, Alexandre Loukachenko a été élu en juillet 1994 premier président du pays, au suffrage universel direct. Sur fond de crise économique profonde, il a adopté un discours populiste anti-corruption, renvoyant dos-à-dos l’ancienne nomenklatoura communiste et les réformateurs d’après 1991. Fort de ses 81% de suffrages acquis au second tour, il écrasa tant les nationalistes biélorusses que les apparatchiks pro-Moscou et enchaîna aussitôt les mesures d’exception et les référendums plébiscitaires, jusqu’au coup d’Etat constitutionnel de novembre 1996 : prolongation de deux ans du premier mandat présidentiel de cinq ans ; dissolution du Soviet suprême élu en 1995, remplacé par un Parlement bicaméral avec des membres nommés par le président ; nomination par le président des responsables des plus hautes juridictions.