CIAO DATE: 05/2014
Volume: 78, Issue: 0
Summer 2010
Biopolitique et gouvernement des populations (PDF)
Cette nouvelle livraison de la revue Cultures & Conflits présente un dossier consacré à des usages variés de la « biopolitique », issue des travaux de Michel Foucault. Au-delà de cette notion, cet ensemble est à replacer dans le cadre plus large des discussions portant sur les transformations contemporaines de l’exercice du pouvoir. D’un point de vue général, il entend en cela prolonger un certain nombre de réflexions initiées depuis une dizaine d’années dans la revue, au sujet des formes contemporaines de l’exception politique (n° 58, 61 et 68), des technologies de contrôle et de surveillance des individus (n° 53, 55, 64, 74 et 76) ou des pratiques de marquage et de mise à l’écart de certaines catégories de population (n° 49, 57, 69, 71, 72 et 73). D’un point de vue particulier, il s’agit ici, conformément à la vocation de la revue, de se placer sur le plan de l’analyse des relations internationales.
Gouvernement, économie et biopolitique (PDF)
Michael Dillon
A partir d’une lecture de Sécurité, territoire, population et de Naissance de la biopolitique, cet article se propose d’examiner la transformation historique des liens entre gouvernement, économie et biopolitique. Il cherche à les démêler dans le cadre de la problématisation historico-conceptuelle de Foucault, au seuil de la modernité politique, mais aussi dans la perspective d’une analyse des mécanismes biopolitiques et des dispositifs de sécurité à l’époque contemporaine. Pour ce faire, il tente d’apprécier les thèses développées entre 1977 et 1979 à la lumière de l’« analytique de la finitude » présentée dans Les mots et les choses, conçue comme un cadre de compréhension fondamental de ce qui constitue la modernité. En parallèle de la constitution de la population comme objet de gouvernement, il revient également sur l’intégration d’une rationalité économique dans l’art de gouverner moderne, par laquelle on passe d’une économie à gouverner à une économie qui gouverne. Pointant des zones d’ombre ou des ambiguïtés dans les Cours au Collège de France, l’article tente à la fois d’apporter un éclairage philosophique et de proposer des compléments historiques.
La biopolitique et le dressage des populations (PDF)
Alexandre MacMillan
Michel Foucault, dans ses travaux sur les relations de pouvoir contemporaines, a identifié deux modes principaux de fonctionnement du pouvoir politique : la discipline et la biopolitique. D’abord, les travaux de Foucault sur la discipline ont décrit les sociétés modernes comme des sociétés basées sur le modèle d’un espace clos et quadrillé. Selon une perspective « micropolitique », la forme que revêt le pouvoir moderne ne peut être limitée à l’Etat. L’espace disciplinaire est caractérisé par une relation asymétrique qui traverse la vie des individus et informe l’usage qui sera fait des « corps dociles » ainsi constitués. Les travaux ultérieurs de Foucault sur la biopolitique pointent vers un autre modèle, qui semble mieux à même de rendre compte des problèmes traditionnels de l’analyse politique, à savoir l’Etat, et le rapport entre gestion politique et exercice gouvernemental. En effet, là où la discipline rendait compte de la « micropolitique » du pouvoir, des relations locales dans le cadre d’un milieu clos où les relations de pouvoir vont tout réglementer, la biopolitique implique quant à elle « l’étude de la rationalisation de la pratique gouvernementale dans l’exercice de la souveraineté politique 1 ». La biopolitique permet donc avant tout de rendre compte de la logique qui informe l’Etat souverain moderne, ainsi que des transformations de l’action gouvernementale dans le cadre d’une économie de type libéral.
Gouverner le choix procréatif : biopolitique, libéralisme, normalisation (PDF)
Luca Paltrinieri
Cet article analyse la relation entre l’émergence du concept de population dans la France du xviiie siècle et l’essor de la « normalisation » comme pratique de gouvernement indirect sur une certaine « nature » du social. Dans le sillage de Foucault, la naissance de la biopolitique moderne est ainsi située dans l’histoire du gouvernement libéral entendu comme « conduite des conduites ». Dans ce contexte, la population moderne ce n’est pas seulement une collection des sujets, mais une réalité montrant l’apparition d’une nouvelle « forme de vie » réflexive. Ainsi, pour saisir cette émergence dans le cadre d’un diagnostic historique de notre actualité, il faut pouvoir étudier autant les pratiques libérales de gouvernement que les pratiques des gouvernés, notamment en ce qui concerne la maîtrise de la reproduction.
Rroms de France, quelles résistances collectives ? (PDF)
Paul Le Bas
Lecture et compréhension de l’actuel traitement des Rroms de France gagnent significativement en clarté en mobilisant les travaux de Michel Foucault portant sur la relation entre pouvoir et résistance, traversée par la notion de biopolitique qu’il a développée. Dans une perspective foucaldienne, si le seul déchiffrement des relations de pouvoir engageant les populations Rroms ne suffit pas, il prend alors tout son sens en contribuant à l’élaboration de processus de résistances. Mais résister contre quoi ? Comment et pourquoi ? Cet article propose d’examiner, à travers l’actualité biopolitique, comment peuvent se penser et s’opérer des formes de résistances collectives des populations rroms de France. Il s’agit alors pour nous de voir comment ces dernières peuvent ainsi initier des processus de désassujettissement, en se constituant sujets réactifs et inventifs, opposant à un pouvoir-savoir dominant qui les marginalise des formes alternatives de subjectivation.
La biopolitique dans le plus simple appareil (PDF)
Gregory Salle
Confrontons les deux objets. Le premier est extérieurement d’un gris quasi uniforme ; dépourvue d’image, sa couverture est parcourue de traits verts et de caractères blancs. Ses 112 pages mesurent 160 cm sur 110, pour un poids de 90 g. Elles ont été publiées en 2000, alors que leur auteur était en pleine thèse. Le second objet, le successeur, est jaune vif et une barbe – de barbelé s’entend – orne sa couverture. Au dos, le texte de présentation a entièrement changé. Le nouvel éditeur (Flammarion ayant pris le relais des recommandables éditions La Fabrique 1) annonce une version « revue et très largement augmentée » : la promesse, on le verra, est tenue. On y croise au passage le nom de Foucault, et l’ouvrage est en effet traversé par un dialogue avec l’auteur de Surveiller et punir. Le signataire de cette Histoire politique du barbelé est toujours philosophe, mais depuis son premier coup d’essai et coup de maître, une petite décennie plus tôt, sa bibliographie s’est nettement étoffée, à commencer par l’ouvrage tiré de la thèse déjà évoquée 2. Si le livre de 2009 est à peine plus haut que son prédécesseur, il est en revanche sensiblement plus épais et presque deux fois plus lourd, et l’on s’aperçoit en le feuilletant qu’il est rempli d’une typographie plus petite et plus dense. L’ouvrage remis sur le métier compte aussi une bonne dizaine d’illustrations. C’est un peu plus que dans la précédente version, bien que certaines d’entre elles aient été abandonnées en chemin. Parmi celles-ci, l’une montrait des couvertures de livres traversées du motif du barbelé, pour illustrer la façon dont celui-ci fonctionne comme emblème exprimant à lui seul l’oppression. Ironie du sort, cette nouvelle couverture le confirme tacitement. Le sous-titre originel (« La prairie, la tranchée, le camp »), lui, a disparu. Il est en fait devenu le titre de la première partie d’un livre qui en compte désormais trois au lieu de deux. La deuxième (« Le barbelé et la gestion politique de l’espace ») a été augmentée, tandis qu’une nouvelle partie, intitulée « Les nouvelles délimitations de l’espace », prolonge et approfondit les réflexions de l’auteur sur l’investissement politique de l’espace en général et sa virtualisation en particulier.
« Dans l'adversité, un soutien sans réserve à l'UNESCO ? » (PDF)
Meryll David-Ismayil
En 1984 les États-Unis quittent l’UNESCO, l’Organisation des Nations Unies pour la Science, l’Éducation et la Culture, basée à Paris. Si beaucoup d’ouvrages et d’articles ont été consacrés aux raisons du retrait américain et à la crise qui s’en est suivie à l’UNESCO puis au sein des Nations Unies dans leur ensemble, aucune étude n’a abordé les conséquences de celle-ci sur les routines bureaucratiques de cette organisation, ni la réaction de son « staff », voire le rôle joué par lui lors de cet épisode crucial pour l’institution. C’est ce qu’on se propose de faire dans cet article en s’appuyant sur des matériaux inexploités jusqu’à présent, comme les archives des associations du personnel de l’UNESCO. En traitant non pas d’une organisation internationale au coeur d’une crise mais d’une crise au coeur d’une organisation internationale, nous voudrions montrer tout l’intérêt qu’il y a à étudier à la loupe le rôle de ces « indéracinables acteurs de la politique mondiale » que sont les fonctionnaires internationaux.