Columbia International Affairs Online: Journals

CIAO DATE: 11/2008

Le paradoxe humanitaire ? Normes et pratiques

Cultures & Conflits

A publication of:
Cultures & Conflits

Volume: 60, Issue: 0 (Winter 2005)


Wolf-Dieter Eberwein

Abstract

Le point de départ de l'article est le décalage manifeste entre la théorie, c'est-à-dire le droit, et la pratique dans le champ d'action politique humanitaire. L'auteur pose la question de savoir si la guerre contre le terrorisme n'est pas en train d'entraîner la déconstruction de l'ordre international humanitaire. Il propose une explication basée sur une modification de l'hypothèse de l'action rhétorique (concernant les états) selon laquelle celle-ci joue un rôle central dans le respect les normes. Il la combine avec une modification de l'hypothèse du piège de compétence (concernant les ONG) qui, de son côté, implique le fait que la professionnalisation croissante entraîne forcément une tendance à privilégier la dimension pratique et une érosion de la base normative. En conclusion, l'auteur explique que le système est en train de se piéger dans une hypocrisie humanitaire qui privilégie la morale, au détriment du droit et l'activité sur le terrain plutôt que la revendication pour le maintien du droit.

 

The starting point of the article is the divergence between theory, that is to say the law, and practice in the issue area of humanitarian action. The author raises the question of the contribution of the war against terrorism in the deconstruction of the international humanitarian order. He suggests an explanation based on a modified version of the hypothesis on rhetorical action (concerning the States), which postulates that it is central for the respect of norms. He combines it with the modified version of the hypothesis on the competence trap which implies that the increasing professionaliation favours the practical dimension of humanitarian action, whereas, at the same time leads to the erosion of its normative basis. The overall conclusion is that the humanitarian system has in fact trapped itself leading to a humanitarian “hypocrisy” emphasizing morality rather than norms and the action in the field, rather than the advocacy for the respect of humanitarian law.

Full Text

Ignorer les contraintes imposées par les normes du droit international en général, et du droit international humanitaire en particulier, n'est pas une pratique inhabituelle des Etats1. Dans leur « guerre contre le terrorisme » les Etats-Unis ont démontré leur volonté « de terminer ce qu'ils [l'administration Bush] considèrent comme une soumission au droit international »2. Se pose alors le problème général du rôle que les gouvernements attribuent à l'humanitaire dans leurs stratégies politiques. Pour les gouvernements, l'humanitaire fait partie des politiques publiques. La manière dont cette politique est exécutée détermine l'ordre humanitaire international tel qu'il a évolué depuis la première Convention de Genève en 1864. Cet ordre repose sur un système élaboré à partir de normes définissant les droits et les obligations des parties aux conflits armés, des gouvernements dans leur totalité en tant que parties aux conventions et des organisations humanitaires.

Notre hypothèse d'une « déconstruction de l'ordre international humanitaire » contemporain peut sembler paradoxale en soi. Cette proposition ne s'accorde pas avec les efforts mesurables en termes de budgets croissants pour l'aide d'urgence attribuée par les Etats à titre individuel, et par des organismes internationaux3. Elle ne s'accorde pas non plus avec la progression du processus de régulation au niveau international en général, et dans le domaine humanitaire en particulier4.

Avant d'élaborer en détail cette hypothèse d'un paradoxe humanitaire, nous développerons d'abord brièvement le cadre conceptuel permettant de concrétiser cette proposition générale qui concerne aussi bien les acteurs étatiques que non gouvernementaux. Ce n'est qu'ensuite que nous préciserons les deux hypothèses centrales de cette analyse. La première concerne les Etats. Leur politique peut être légitimée par le droit ou par la morale, ce repli sur la morale pouvant aller à l'encontre des principes humanitaires tels qu'ils sont formulés dans le droit international humanitaire (DIH). Cette hypothèse est fondée sur la proposition de l'action rhétorique développée par Schimmelfennig5.

La deuxième hypothèse concerne les acteurs non gouvernementaux. Si les gouvernements ne respectent pas ou ignorent les normes existantes, les ONG humanitaires se trouvent confrontées à un dilemme inévitable. Nous reprenons ici l'hypothèse, quelque peu modifiée, du piège de compétence proposée par March et Olson en 19986. Selon ceux-ci, les ONG contribueraient, ne serait-ce qu'involontairement, à l'affaiblissement de l'ordre international humanitaire fondé sur le droit.

Le cadre conceptuel

Afin d'analyser la problématique de l'humanitaire du point de vue des relations internationales, nous proposons un cadre conceptuel fondé sur le rôle des normes. Le point de départ est tout simplement le constat qu'il existe un certain nombre de normes internationales régissant l'action humanitaire en général. En conséquence, nous pouvons parler d'un ordre humanitaire international. Cet ordre partiel régi par les normes spécifiées dans le complexe du DIH, qui comprend bien plus que les conventions de Genève, prescrit des règles précises de comportements aux parties en cas de conflits armés7.

Ce système est constitué de trois différents types d'acteurs : les gouvernements, les organisations non gouvernementales humanitaires, et les parties aux conflits armés8. Les parties au conflit sont tenues d'observer les règles et principes du DIH. Les Etats ont la responsabilité de veiller à ce que l'ordre humanitaire soit respecté, ce qui implique l'obligation de mise à disposition des moyens matériels nécessaires à l'aide aux victimes. Les ONG contribuent elles aussi au maintien de l'ordre international humanitaire. Leur rôle, défini en termes de subsidiarité9, consiste à porter assistance aux victimes en suivant le DIH. Les ONG sont tenues de respecter les principes de l'action humanitaire, principes dérivés directement des principes humanitaires.

La politique humanitaire et l'action humanitaire se jouent simultanément dans les trois arènes constitutives de ce système10. La première est l'arène du terrain, où l'action humanitaire a lieu. Les acteurs centraux dans ce domaine sont les parties aux conflits armés et les ONG. La deuxième est l'arène du système international où devrait se manifester la volonté collective des Etats de garantir le respect des principes humanitaires. Dans ce cadre on pourrait assigner aux ONG - en tant qu'acteur collectif - le rôle de conscience collective. Il s'agit, d'un côté, de faire pression sur la communauté internationale afin que des moyens suffisants soient mis à disposition pour l'aide d'urgence. De l'autre, il s'agit de rappeler aux Etats comme aux parties aux conflits armés leurs obligations découlant du DIH. Bien évidemment, cette volonté et cet engagement collectif des Etats comme des ONG ne sont qu'un postulat et non une donnée empirique. Finalement, on peut analyser le système national politique comme la troisième arène dans laquelle la politique humanitaire nationale est définie, c'est-à-dire la politique spécifique que chaque Etat poursuit et entend mettre en œuvre individuellement et au niveau international. On peut donc postuler que dans cette arène, les ONG ont pour fonction d'influencer leur gouvernement pour qu'il poursuive une politique conforme aux principes humanitaires.

La complexité de ce champ d'action politique, souvent mal identifié est définie d'un côté par sa structure, et de l'autre par les processus au sein des trois arènes, et entre elles. Le problème central ne se situe pas dans une arène mais se définit par le degré de connectivité ou d'interdépendance entre ces trois arènes ou par le manque de connectivité. Cette interdépendance se manifeste à travers deux dimensions. La première est justement la dimension normative : le processus de diffusion des normes, le processus de socialisation au sein de ces normes, ainsi que leur internationalisation par des acteurs sont constitutifs de cette dimension. Selon les analyses théoriques et empiriques disponibles, ce processus de diffusion et de socialisation est un processus complexe qui présuppose aussi bien une complicité entre acteurs non gouvernementaux et gouvernements, qu'une confrontation entre Etats et ONG11. La deuxième, la dimension matérielle, concerne toutes les activités relatives à l'aide concrète : comment celle-ci est organisée et coordonnée au niveau national, comment elle est organisée et coordonnée au niveau international et finalement comment elle se concrétise sur le terrain défini par cette connectivité. Ceci inclut donc la possibilité que ces trois arènes soient déconnectées ou simplement partiellement intégrées. Si tel est le cas, il peut en résulter des effets paradoxaux non désirés par les acteurs.

Nous allons d'abord nous tourner vers l'aspect structurel de ce système, central pour la dimension normative. Il s'agit de démontrer ici que le paradoxe humanitaire est le résultat du mode de légitimation de la politique humanitaire des Etats.

L'ordre humanitaire, les Etats et l'action rhétorique

La notion d'ordre est en elle-même une conception normative. Ce terme, « ordre » peut inclure non seulement une dimension descriptive des normes (principes, règles, etc.) le déterminant, mais aussi une dimension normative dans le sens de « bon ordre ». Sans vouloir nier l'importance de cette dimension morale, celle-ci n'a pas de valeur ajoutée au niveau analytique car la valeur de ce qui est « bon » est prescrit par le DIH - auquel les Etats eux-mêmes ont souscrit. La problématique de l'humanitaire consiste donc en premier lieu dans le paradoxe que Rieff a exprimé de la façon suivante : « aucun siècle [le XXe siècle] n'a connu de meilleures normes et de pire réalité »12. Ce décalage entre normes et pratiques constitue comme toujours un problème central dans la recherche en relations internationales13, mais la question centrale est bien la constitution et le maintien de l'ordre international.

Nous définissons l'ordre international en nous appuyant sur la conception proposée par Holsti14. Sa conception peut être théorisée grâce à trois éléments de sa liste de critères : légitimité, moyens, et conception du monde15. La légitimité implique un consensus collectif des Etats concernant les normes existantes. Les moyens indiquent la capacité et la volonté des Etats de respecter et de faire respecter ces principes. La « conception du monde » implique, elle, une conception d'un ordre partiel humanitaire international en ce qui concerne la conduite des conflits armés. Pour notre analyse, nous nous concentrerons sur les deux concepts de conception du monde et de légitimité, centraux du point de vue de la structure du système humanitaire.

La conception de cet ordre humanitaire est fondée sur ce que nous appelons l'axiome humanitaire : l'obligation de sauver la vie des victimes d'un conflit armé ou d'une catastrophe naturelle. Cette obligation morale se retrouve dans toutes les grandes cultures. C'est la raison pour laquelle personne ne conteste sa validité à ce niveau d'abstraction. Les principes humanitaires, inscrits dans le droit international humanitaire, sont fondés sur le principe de l'humanité qui a pour conséquence l'obligation d'assistance et de protection des victimes potentielles (les populations civiles en général) et actuelles (combattants comme populations civiles). Inscrits dans le DIH, ces principes impliquent non seulement des obligations et des droits des belligérants mais aussi de tous les Etats, comme le postule le premier article commun des Conventions : « Les Hautes Parties contractantes s'engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances ».

Comment expliquer que les principes humanitaires soient si souvent ignorés par les belligérants16 ? Et comment expliquer que ces droits et obligations ne soient pas systématiquement revendiqués ? En tenant compte du modèle de diffusion des normes de Finnemore et Sikkink 17, nous avançons l'hypothèse selon laquelle le processus de socialisation de l'internationalisation des normes du DIH est en cours. La validation de cette hypothèse suppose donc qu'un nombre croissant d'Etats en général, et de parties aux conflits armés en particulier, observent les principes humanitaires. Si tel est le cas, l'hypothèse de Schimmelfennig sur l'action rhétorique18 devrait être corroborée. Selon lui, le processus de socialisation se manifeste par l'action rhétorique : blâmer les adversaires en fonction de la norme pour que leur comportement s'y conforme19. Ce type d'action vise à la délégitimation des comportements non conformes.

Suite à nos recherches, nous contestons la validité générale de cette seconde hypothèse. Afin d'être effective, l'action rhétorique comme mode de légitimation présuppose deux conditions spécifiques : premièrement, un noyau dur d'Etats qui respectent les normes et les fait respecter ; deuxièmement, l'absence de mode de légitimation alternatif.

L'action rhétorique et la dimension structurelle

Comme nous venons de le remarquer, pour être effective, l'action rhétorique suppose qu'un groupe d'Etats s'engage à faire respecter certaines normes, c'est-à-dire des principes humanitaires. Le mode de légitimation ne peut donc se référer exclusivement au droit. Dans le champ d'action politique de l'humanitaire, l'action rhétorique en tant que mode de légitimation d'un comportement conforme (ou non) aux normes, a recours à deux facteurs : le droit, c'est-à-dire à un nombre de normes (les principes humanitaires) prescrivant certains comportements aux acteurs étatiques ou parties aux conflits armés ; et la morale qui met en avant le motif de venir en aide aux victimes pour pallier les conséquences des conflits armés. Alors que le premier mode de légitimation cible le comportement non conforme au droit des parties aux conflits armés, le deuxième mode de légitimation peut être utilisé par les parties au conflit armé comme par les Etats détournant ainsi l'attention du problème central (le comportement des parties aux conflits armés) vers un problème dérivé (l'assistance aux victimes). C'est le recours à cette dernière stratégie qui met en cause la conception du monde de l'ordre humanitaire. Par le recours à la morale, les Etats évitent de s'engager pour le respect du droit.

Cette distinction entre morale et droit suggère qu'il s'agit de deux concepts mutuellement exclusifs. Ce n'est pourtant pas le cas. La morale légitime inconditionnellement toute action qui contribuerait à sauver la vie de victimes, tandis que le droit définit en revanche des critères plus restreints. Accepter l'accès restreint aux victimes, par exemple, sera un comportement conforme à la morale car cela permet toujours de venir au secours d'un certain nombre de personnes en détresse. Cette restriction n'est pas en accord avec le droit qui garantit l'accès à toutes les victimes, ce qui permet de leur venir en aide selon le principe d'impartialité et de proportionnalité. Ceci signifie que la morale est compatible avec le droit mais qu'elle peut toujours justifier des comportements non conformes à celui-ci.

Si deux modes de légitimation sont reconnus comme acceptables dans la pratique, nous sommes confrontés à l'un des problèmes structurels de la politique humanitaire. L'action rhétorique pourra légitimer l'action humanitaire non conforme au droit. Le paradoxe en est la conséquence des variations des stratégies de légitimation. Le processus de diffusion des normes, tel que le décrivent Risse, Ropp et Sikkink20 avec leur modèle en spirale, suppose qu'en concertation avec des ONG, un groupe important d'Etats tiers peut avoir recours à la stratégie du shaming. Cette stratégie semble fonctionner avec un certain succès pour les droits de l'Homme, mais pas dans le cas du droit humanitaire.

Avec la signature des Conventions de Genève, la majorité des Etats reconnaît de facto la coexistence de la puissance (faire la guerre) avec le droit (de tuer) dans les conflits armés. Par le recours alternatif au droit ou à la morale, les Etats expriment donc leurs préférences individuelles au sujet de leur comportement dans ces conflits. En ce qui concerne les parties aux conflits armés, s'ils ne se tiennent pas au droit, ils le feront soit par calcul rationnel soit par manque de connaissance du droit humanitaire. Ceci semble être le cas en particulier dans des conflits comme celui du Sierra Leone, de la Colombie et du Sri Lanka21.

En revanche, les Etats sont tous censés connaître le DIH. Néanmoins ils peuvent avoir recours à plusieurs stratégies. La plus simple consiste à ne pas prendre position. Une deuxième option que la plupart des Etats semble préférer est celle de l'action rhétorique. Finalement, un ou plusieurs des Etats tiers peut passer de l'action rhétorique à l'action concrète par une intervention militaire (faussement intitulée humanitaire) afin de mettre fin aux violations graves (comme le génocide) des principes humanitaires. Elle peut aussi bien être légitimée par la référence au droit comme à la morale. Comme l'indique le terme « intervention militaire », la légitimation fait en premier lieu référence à la morale.

L'action rhétorique implique que la fonction primaire, que lui attribue Schimmelfennig, se prête aussi bien à légitimer le non-respect des normes que leur respect. En conséquence, si dans le domaine humanitaire elle a recours à la morale, ceci pourrait correspondre à ce que Krasner a appelé « l'hypocrisie organisée » en analysant la théorie et la pratique de la souveraineté22.

Nous pouvons donc retenir de cette première partie qu'un ordre partiel humanitaire existe en termes de principes fixés dans des conventions internationales. Ces normes définissent les obligations et les droits des acteurs qui sont en partie des Etats impliqués directement ou indirectement dans les conflits armés. La condition nécessaire au maintien de cet ordre et de la diffusion des normes (des principes humanitaires) est en premier lieu l'action rhétorique comme forme servant à sanctionner verbalement les acteurs qui ne respectent pas ces normes. Si notre hypothèse est valable, le processus du shaming peut être présent. Mais comme cette forme d'influence peut aussi bien faire référence au droit qu'à la morale, cette stratégie ne peut a priori être considérée ni comme moyen efficace pour renforcer l'ordre humanitaire, ni comme élément constitutif dans le processus de diffusion des normes.

C'est la raison pour laquelle l'hypothèse d'une forme d'hypocrisie potentielle peut se concrétiser à n'importe quel moment dans la pratique. On pourrait en déduire qu'il s'agit d'un déterminisme structurel inhérent au système humanitaire, mais nous contestons cette idée !

 L'action rhétorique et le contexte changeant du politique

L'action rhétorique en tant que stratégie pour faire respecter certaines normes suppose un processus évolutionniste de la diffusion des normes. Mais dans son analyse de l'institution de la souveraineté, Krasner23 montre que ce n'est pas forcément le cas. Il introduit alors une distinction entre durabilité de la souveraineté comme institution, et niveau d'institutionnalisation. Par institutionnalisation, il entend le respect à l'égard des normes propres à cette institution. Au niveau empirique, il s'avère que les principes et les normes de la souveraineté ont toujours été transgressés24. L'explication la plus simple serait que durant les trois cents ans d'existence de cette institution, le processus de socialisation25 n'a jamais abouti.

L'ordre international humanitaire, lui aussi, peut être considéré comme institution. Fondé sur un système de principes et de normes retenus par le DIH, sa durabilité est considérable, si l'on prend comme point de départ la première Convention de Genève de 1864. Le degré d'institutionnalisation, en revanche, semble plutôt faible étant donné les violations récurrentes des principes humanitaires. Ceci pourrait donc entraîner un phénomène comparable à celui de l'institution de la souveraineté : l'humanitaire comme hypocrisie organisée. Ce serait le cas seulement si de nouveaux phénomènes n'émergeaient pas (d'autres types de conflits) et que la conception de la souveraineté elle-même n'était redéfinie (le principe de non-ingérence). S'ensuit le constat trivial que ces deux conditions ne sont pas réunies. Mais comme le contexte de l'action humanitaire a changé26, quelles ont été les conséquences ?

Résumons en quelques mots cette transformation avant d'en tirer les conclusions. Avec sa création, l'ordre humanitaire se limite aux combattants d'un côté, aux guerres interétatiques de l'autre. Après 1945, deux changements importants eurent lieu : la protection de la population civile (Convention IV de Genève) et, durant la période de la Guerre Froide, la signature des deux protocoles additionnels des Conventions de Genève en 1977. Ils inclurent comme parties légitimes au conflit les forces de libération dans le processus global de décolonisation. Ces luttes sont traitées dans le premier protocole additionnel en termes de conflits armés internationaux. Furent inclus aussi les conflits non internationaux. Ceci signifie en principe l'extension du droit humanitaire à tous les conflits armés, externes comme internes27.

Selon Stockton28, on peut parler durant cette période d'un mélange de « Realpolitik, d'insurrection et de solidarité humanitaire ». Selon cette interprétation, le DIH ne jouait pas de rôle central. En revanche, une politique humanitaire domina, se légitimant par les intérêts stratégiques, voire idéologiques et voilés par une morale sélective. Cette interprétation est aussi partagée par MacFarlane et Macrae29. Le droit international humanitaire restait plus ou moins le domaine réservé du CICR en tant que gardien de ce droit, quoique le nombre de conflits armés ait varié dans cette période entre cinq et quinze par an30.

Avec la chute du mur, le respect des principes humanitaires comme la gestion des conflits armés externes ou internes revint à l'ordre du jour. Une nouvelle phase s'annonça, que Stockton31 nomma « la fin de l'histoire » et qui est une période de construction de la paix nourrie par l'aide. Pendant la Guerre Froide, la possibilité de sanctions prévues par la Charte est restée lettre morte. Après 1989, la conception wilsonienne qui promettait la paix démocratique par la démocratisation renaît de ses cendres. Cela signifie, au niveau le plus concret, la possibilité, sinon la nécessité, de l'intervention dans les conflits armés. Elle fut justifiée par le concept de « prévention » proposé par le secrétaire général des Nations Unies, Boutros Ghali32 et qui semblait à l'époque promettre une solution à l'émergence de ces nouveaux conflits33.

La Somalie et le Rwanda démontrèrent très vite que cette politique symbolique ne serait traduite qu'en « peace building lite » comme l'exprime Stockton. Cette période voit donc émerger d'abord l'idée d'intégrer l'aide d'urgence, soit dans les politiques de développement, soit dans une stratégie politique de pacification ce qui ne fait que souligner la tendance à instrumentaliser l'aide humanitaire à des fins politiques, pour ensuite progresser jusqu'au point où elle fut directement utilisée comme moyen de substitution d'une politique de sécurité conséquente.

Ce n'est qu'avec la guerre contre le terrorisme qu'un nouveau tournant de l'ordre international humanitaire s'annonça. Cette guerre a fait la lumière sur toute la problématique de cet ordre partiel et du système humanitaire. L'intention (et la pratique) d'intégrer l'aide humanitaire dans la politique de sécurité fut finalement formulée de façon explicite (« pax americana and humanitarian regime change »34 pour citer encore une fois Stockton). Du point de vue politique, cette tendance s'explique non plus par la volonté politique d'intégrer en général l'action humanitaire dans les stratégies politiques soit de démocratisation, de développement ou de pacification, mais de l'intégrer directement dans la guerre contre le terrorisme35.

Cette intention se traduit par une forme de légitimation fondée sur la morale (on pourrait même dire d'une vision de l'ordre international) qui essaye d'y intégrer le droit de façon à le vider de son sens. Rivkin et Casey36 peuvent être considérés comme représentants de ce nouveau courant de pensée de provenance américaine et pratiqué par l'administration Bush. Ils attaquent ce qu'ils considèrent comme une interprétation problématique de ces normes37. En principe, personne ne conteste la nécessité d'un ordre humanitaire. En revanche, l'interprétation de ces principes et de leur application est au centre du débat.

Ce contexte changeant a donc vu en l'espace de quinze ans deux changements fondamentaux. Le premier peut être décrit comme permissif en ce qui concerne le principe de non-ingérence au niveau de la sécurité internationale. Ceci est allé de pair avec la notion de prévention d'un côté, et de l'autre une grande préoccupation pour les problèmes humanitaires en tant que conséquences. Après l'échec de l'intervention en Somalie, l'engagement politique se « refroidit ». Un tournant radical a eu lieu à la suite des événements du 11 septembre 2001. La rhétorique de la démocratisation fut remplacée par celle de la guerre contre le terrorisme légitimant aux yeux des Etats-Unis un unilatéralisme contesté par une majorité de la communauté internationale. Les conséquences à moyen ou long terme ne sont pas prévisibles. En revanche, à court terme, le DIH, c'est-à-dire l'ordre humanitaire, est clairement menacé car cette guerre est utilisée comme mobile, non seulement pour remettre en cause les principes humanitaires, mais aussi pour intégrer l'action humanitaire dans la stratégie sécuritaire.

Nous pourrions donc conclure de manière préliminaire qu'au lieu d'être face à une politique de démocratisation globale fondée sur une politique de prévention inconditionnelle, nous nous retrouvons dans une phase de mise en place d'une politique sélective contre un ennemi mal défini (le terrorisme) et des Etats « voyous », ce qui implique une nouvelle polarisation du système international, entre les « bons » et les « mauvais » d'un côté, les interventionnistes et les « réalistes » de l'autre. Dans le cadre de cette nouvelle configuration, l'humanitaire est redécouvert soit comme instrument d'une stratégie de pacification, voire de combat, soit comme instrument de substitution à une politique de sécurité conséquente38. En fin de compte, l'évolution du contexte politique international a favorisé un mode de légitimation fondé sur la morale qui a contribué en même temps à un recul du droit.

Se pose alors la question du rôle des ONG dans ce développement. Selon la théorie en vigueur, celles-ci seraient l'ingrédient indispensable pour la diffusion, le renforcement et le respect des normes au niveau international. Mais le sont-elles vraiment ?

L'ordre humanitaire, les ONG et le piège de la compétence

March et Olson39 développent l'hypothèse du piège de  compétence comme facteur de développement des institutions. Selon eux, le processus d'adaptation des institutions entraîne une professionnalisation croissante des acteurs collectifs avec, comme résultat, une perte croissante de leur capacité d'innovation40. Nous postulons en revanche que la professionnalisation va de pair avec la préoccupation croissante d'améliorer la performance, avec le « output », pour reprendre un terme de Boerzel et Risse41. La performance inclut la dimension « technique » (meilleurs soins thérapeutiques ou meilleure qualité nutritionnelle des dons distribués aux bénéficiaires dans un cas d'urgence, etc.). Mais elle inclut aussi la dimension déontologique42. Dauvin, de son côté, craint que cette professionnalisation ait pour conséquence un mode d'opération « managériale » qui entraînerait une perte de ce qu'on appelle au CICR « l'âme de l'humanitaire »43. La professionnalisation technique est indispensable en fonction de la logique de marché à laquelle doivent se plier les ONG. Ceci n'entraîne pas forcément une perte de la dimension déontologique, quoique des effets pervers peuvent émerger. C'est le cas si les normes que les ONG s'imposent, en signant un code de conduite par exemple, ne peuvent être respectées. Cette possibilité intervient si les gouvernements eux-mêmes ne respectent pas les principes humanitaires. Dans ces conditions, elles sont vulnérables à la critique, qu'elle soit d'origine politique ou médiatique !

La professionnalisation, dans ce double sens, peut donc mener au piège de compétence, ce qui expliquerait ce paradoxe humanitaire, c'est-à-dire le décalage entre normes et pratiques44. C'est le cas si les ONG ne sont pas indépendantes, voire autonomes, aussi bien des parties aux conflits armés que des Etats en général.

Le champ d'action politique, les ONG, et la structure

Les ONG contribuent au maintien et à l'institutionnalisation de cet ordre en s'en tenant aux principes de l'action humanitaire. Suivant la logique des principes fondamentaux de la Croix Rouge élaborés par Jean Pictet45, le principe essentiel est celui de l'humanité. Il est suivi des principes substantiels de la non-discrimination et de la proportionnalité (les deux sont inclus dans le principe de l'impartialité). Suivent alors les principes dérivés : neutralité et indépendance. Ces principes concernent donc la responsabilité des ONG au niveau opérationnel, c'est-à-dire sur le terrain. Comme ces derniers principes sont logiquement dérivés des premiers, le non-respect des principes humanitaires par les Etats ou les parties aux conflits armés a pour conséquence l'impossibilité pour les ONG de les respecter dans leur intégralité ! Limiter l'accès aux victimes, par exemple, est une infraction au droit et aux principes humanitaires. Dans une telle situation, quelles peuvent être les conséquences pour les ONG sur le terrain ? Elles se retrouvent face à un dilemme insoluble : soit elles acceptent les restrictions imposées par les parties aux conflits et restent sur le terrain, soit elles se retirent. Dans le premier cas elles violent le principe de l'humanité, dans le second cas la violation du principe d'impartialité est inévitable. En conséquence, sur le terrain, le comportement conforme des parties aux conflits est une condition nécessaire au respect de l'ordre humanitaire.

Ce dilemme peut être le résultat d'un manque de connaissances du DIH par les acteurs, ce qui est probablement le cas de forces armées soi-disant irrégulières46, ou d'une absence du processus de socialisation, d'apprentissage ou d'expérience des parties aux conflits armés dérivée elle-même de l'absence de continuité dans le champ d'action politique47. Mais il se peut également que les intérêts des parties aux conflits soient déterminés par des considérations stratégiques ou des questions de puissance. Dans ce cas, il ne s'agit que de la démonstration de la subordination de l'action humanitaire à la politique. Quelles que soient les explications, le dilemme est inévitable. Ce dernier se manifeste sur le terrain, mais son origine est à trouver dans l'absence d'exigences de respect des principes humanitaires au niveau du système international.

Reste un autre problème : si les acteurs humanitaires élargissent leur domaine de compétence en incluant des activités qui ne sont pas couvertes par le DIH - c'est-à-dire des activités à finalité politique (résolution de conflits, développement, prosélytisme, etc.) - ils se piègent eux-mêmes. Contrairement au témoignage, qui est compatible avec le principe de neutralité, comme le pratique MSF, le principe général « Do no Harm » de Mary Anderson n'est en revanche pas compatible avec le cadre normatif qu'impose le DIH48.

Le dilemme humanitaire est donc la conséquence du manque d'autonomie des acteurs non gouvernementaux. Si les Etats tiers sont partis pris ou indifférents aux conflits armés49, leur préoccupation primaire n'est pas la promotion du respect des principes humanitaires, mais la sécurité ou la stabilité nationale, régionale, voire internationale. Dans ce cas, on peut faire le choix d'une stratégie de légitimation fondée sur la morale. Cette approche, qu'on peut qualifier de « moraliste » peut alors se traduire en termes de sélectivité du financement des actions d'urgence. Le financement est le deuxième facteur de dépendance des ONG à l'égard des gouvernements. Cet engagement matériel démontre que ce n'est pas la demande qui préoccupe les Etats mais leurs intérêts qui déterminent leur générosité.

En conséquence, le refus des Etats de s'engager en faveur du droit peut s'expliquer par différents facteurs : indifférence, intérêts politiques, ou autres. Le dilemme des organisations humanitaires est le résultat du lien logique entre les principes humanitaires et les principes de l'action humanitaire d'un côté, de la dépendance des organisations humanitaires à l'égard des parties aux conflits et des Etats, de l'autre. Cette argumentation semble suggérer que le dilemme est dû à la réticence des Etats à s'engager pour l'ordre humanitaire. Mais reste le constat selon lequel elles peuvent renforcer cette tendance moralisatrice en élargissant leur rayon d'activité en dehors du domaine exclusif de l'action d'urgence.

Le professionnalisme des ONG va de pair avec deux modes de légitimation alternatifs : celui reposant sur une interprétation « fondamentaliste » du droit, et celui reposant sur la morale. Selon N. Leader, l'hétérogénéité des ONG50 - qui se traduit par une affinité plus ou moins grande avec un de ces deux pôles - se retrouve sous forme de trois alternatives : « neutrality elevated », « neutrality abandonned » et « third way humanitarianism »51. Seule la première alternative tente d'établir une cohérence systématique entre les principes humanitaires et les principes de l'action humanitaire. L'abandon de la neutralité implique en revanche que l'action humanitaire doit être subordonnée à des fins politiques jugées « bonnes », comme le développement et la construction de la paix. La troisième option, quant à elle, tente de réconcilier l'action humanitaire avec des buts politiques. Elle implique l'abandon du principe de neutralité en voulant combiner l'action humanitaire avec le développement et une stratégie de gestion et de solution des conflits.

Nous pouvons finalement retenir à ce stade de l'analyse que le paradoxe humanitaire est la conséquence du comportement des parties aux conflits et des Etats. La professionnalisation des ONG humanitaires n'est pas reliée à ce paradoxe. Confrontées à un dilemme, les ONG sont forcément contraintes de s'adapter à leur environnement. Si elles n'acceptent pas ces contraintes, cela ne change rien. Si en revanche elles les acceptent, elles tendent à renforcer le paradoxe humanitaire créé par les Etats et les parties aux conflits armés. Se pose alors la question de la valeur explicative de cette hypothèse du piège de compétence.

Piégées par le processus d'institutionnalisation ?

Au niveau international, la politique de l'humanitaire ne vise plus en premier lieu ce que l'on a appelé un « humanitarianisme de principe » mais plutôt son intégration dans une politique de création ou de maintien de la paix52. Les recommandations du rapport Brahimi démontrent à quel point ce système a évolué depuis la chute du mur. Ce n'est qu'un élément dans le processus de la croissance du système des ONG humanitaires qui ne s'est développé qu'à partir des années 1970. On observe en effet une croissance exponentielle des ONG, avec l'émergence d'un très grand nombre d'organisations humanitaires islamiques53. Bien que leur nombre reste difficile à établir54, cette croissance est non seulement observable dans le domaine de l'humanitaire, mais elle s'applique également à presque tous les champs d'action politique, comme le développement, les droits de l'Homme, l'écologie ou la lutte contre la corruption55. Au fur et à mesure, cette institutionnalisation correspond à l'intégration de l'action humanitaire dans les politiques publiques. Cette montée en puissance se reflète dans la croissance parallèle des moyens mis à disposition par les Etats pour les actions d'urgence, comme le montre entre autres le rapport de Development Initiatives56. Elle va de pair avec la création d'agences spécialisées au sein des Nations Unies : l'OCHA, (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs), précédé par le Department of Humanitarian Affairs), dans l'Union Européenne (European Community Humanitarian Office - ECHO) mais aussi au niveau national57.

Ce processus d'institutionnalisation est également observable au sein des ONG. Jusqu'à ce jour, aucune description systématique de ce système dans son intégralité n'existe. Les ONG nationales se sont créées à partir des organisations internationales comme MSF, MDM, Oxfam ou CARE. Au niveau national et international, parallèlement aux ONG, des plateformes ont été créées, comme Coordination Sud en France58, InterAction aux Etats-Unis ou - au niveau international - des réseaux comme VOICE (dans le cadre de l'Union Européenne) ou ICVA (au niveau international). Nous retrouvons également des organisations adressant en premier lieu les questions concernant la profession elle-même : SPHERE, ALNAP (The Active Learning Network for Accountability and Performance in Humanitarian Action) ou HAP-I (Humanitarian Accountability Partnership International). SPHERE s'occupe essentiellement des aspects techniques tandis que ALNAP ou HAP-I s'intéressent surtout à des questions déontologiques. Reste finalement à mentionner une organisation faisant l'interface entre pratique et recherche : le Humanitarian Policy Network (HPN), intégré dans le Overseas Development Institute à Londres59. Cette institution joue un rôle central dans le débat et l'analyse de la problématique humanitaire au niveau international.

Ces institutions que nous avons appelées groupes de pression et organisations professionnelles démontrent clairement la volonté de la communauté humanitaire de progresser dans la professionnalisation de leur métier et ceci dans un double sens. D'un côté, une professionnalisation dans le sens pratique, voire technique. Toutes ces activités servent à accroître la compétence des acteurs humanitaires pour atteindre un niveau optimal d'efficacité. Ces activités sont en partie la conséquence logique du marché à laquelle sont aussi soumises les ONG humanitaires et les exigences des bailleurs de fonds. Cette activité est directement reliée à la volonté des ONG de clarifier et d'expliciter la déontologie de l'action humanitaire. Cet effort a pour but de renforcer le fondement normatif de l'action d'urgence. Contrairement à la thèse de Cooley et Ron, selon laquelle la concurrence produit finalement l'inefficacité de l'action60, la réalité démontre non seulement des efforts considérables de la part des ONG pour accroître la qualité de leur services, mais en même temps pour assurer et expliciter leur déontologie. C'est ainsi qu'elles veulent réconcilier les deux logiques auxquelles elles sont soumises : une logique humanitaire et une logique de marché dictée par l'impératif de la survie de l'organisation.

L'hypothèse du piège de compétence suggère que la professionnalisation, tout au moins indirectement, entraîne un processus d'adaptation qui subordonne la logique humanitaire à la logique du marché. Selon Williams, l'aide est un objectif qui est de plus en plus dépendant d'une approche d'ingénierie61. Mais supposons que toutes les ONG partagent la même logique humanitaire avec un niveau de professionnalité variable. Selon la logique du marché, les plus performantes sont les plus compétitives. La concurrence entre elles sera exclusivement déterminée par leur degré de professionnalisation. Les parties aux conflits armés et les Etats se verront alors confrontés à un groupe homogène d'ONG ne se distinguant que par leur niveau de compétence. Or, ce n'est pas ce qui se passe. Supposons alors que les ONG aient toutes un niveau de compétence identique mais qu'elles diffèrent au niveau de la logique humanitaire. Dans ce cas, la concurrence entre elles sera déterminée en premier lieu par leur conception humanitaire. C'est cette dernière hypothèse, fondée sur une représentation simplifiée, qui correspond le mieux à la réalité.

Si, comme c'est le cas, ce champ d'action politique est intégré au fur et à mesure dans les politiques publiques, l'action humanitaire en devient une partie intégrale. En conséquence, elle peut se transformer en un instrument de la politique extérieure. Il est normal que les gouvernements soient concernés par le niveau de compétence des ONG, qui sont les exécutants de l'action sur le terrain. Ils sont responsables pour les fonds publics déboursés à ces fins. En conséquence, la compétence des ONG est une condition nécessaire pour l'ordre international humanitaire. L'accord de la stratégie qu'ils poursuivent avec les principes humanitaires constitue la condition suffisante. Le directeur de USAid, Natsios, a exprimé de façon claire et nette le rôle de la puissance en tant que donateur : « NGOs and contractors are an arm of the U.S. government »62.  Ceci signifie que les Etats ont tendance à reléguer les ONG en sous-traitants. L'ironie réside dans le fait que les gouvernements font de la professionnalisation une condition pour le soutien des ONG en imposant des règles strictes à leurs activités sur le terrain. Ces conditions peuvent être qualifiées d'instruments de contrôle.

Quelle importance donner à la deuxième dimension de la professionnalisation, à savoir la déontologie, c'est-à-dire la dimension normative ? Cette dimension normative n'est pas au centre de la préoccupation des Etats63. En conséquence, les ONG ne peuvent mettre en œuvre leur déontologie humanitaire que dans le cadre résultant et délimité par la logique définissant le comportement des Etats comme des parties aux conflits armés. Ceci n'exclut pas qu'un nombre d'ONG humanitaires partage une logique de la morale incompatible avec une logique du droit. Les Etats auraient-ils piégé les ONG ? Une autre conséquence peut être déduite directement de ce constat : la nécessité incontournable d'investir beaucoup plus de moyens au niveau national et international pour des activités d'« advocacy » et, au-delà, essayer de forcer les Etats pour que la logique de la morale converge vers la logique du droit.

Un système piégé

Comme nous l'avons démontré, le système international humanitaire est un champ d'action politique en pleine mutation. Ce n'est pas étonnant vu que le contexte international change. Ces changements se résument en termes de causes de l'action humanitaire d'urgence, d'opportunités et capacités politiques de venir en aide, et des stratégies politiques d'intervention. Mais contrairement à la thèse courante selon laquelle les Etats perdent systématiquement le contrôle de leurs relations extérieures, une thèse que le politiste allemand Czempiel a caractérisé de « Vergesellschaftungsprozess », d'un processus d'appropriation des relations extérieures par la société 64 dans ce champ d'action politique spécifique, une tendance opposée se dessine : la prise de contrôle des acteurs non gouvernementaux par les Etats.

Le fondement normatif de ce champ d'action politique, l'ordre international humanitaire, est alors remis en question. Nous avons offert une explication reposant sur deux hypothèses interdépendantes, celle de l'action rhétorique et celle du piège de compétence. Notre analyse démontre qu'elles doivent être modifiées pour s'appliquer au domaine de l'humanitaire. En ce qui concerne l'action rhétorique, il s'avère que le recours à la morale permet aux Etats de légitimer leur politique humanitaire, ignorant ainsi les contraintes imposées par le droit. Pire encore, les Etats-Unis ont démontré leur volonté d'adapter ce droit aux exigences politiques en rejetant certaines normes (proscription de la torture, traitement des prisonniers en respectant leur dignité, etc.). Ce discours fondé sur la morale résonne dans le public et permet en même temps de voiler les intérêts stratégiques de la part de la politique.

Tant que les Etats ne respectent pas le droit ou ne s'efforcent pas de le faire respecter, les ONG sont forcément confrontées au dilemme de devoir violer au moins un des principes de l'action humanitaire qui est logiquement relié aux principes humanitaires. Comme nous l'avons démontré, ce n'est pas la professionnalisation en tant que telle qui est la cause de ce phénomène. Le lien est autre. Avec l'intégration de l'humanitaire dans leurs politiques publiques, les Etats dépendent des ONG car ce sont elles qui la mettent en œuvre sur le terrain. Mais d'autre part, de leur côté, les ONG sont de plus en plus dépendantes des Etats pour leurs activités. Cette dépendance mutuelle fait que les ONG se voient piégées par les Etats car elles sont performantes et incontournables. Il faut ajouter que le comportement de certaines ONG contribue lui aussi à cette tendance « moraliste » : pour la majorité des acteurs de l'humanitaire ou desdits « relief workers », le DIH a été une faible référence de leurs actions65.

On pourrait certes objecter que les Etats eux aussi se sont piégés. Mais il semble qu'ils se sont établis confortablement dans ce piège car, contrairement aux ONG, ils disposent d'un choix entre une politique fondée sur le droit et une politique fondée sur la morale. Aujourd'hui le but de l'ordre humanitaire de vouloir humaniser la guerre se voit donc dépassé par la nécessité déclarée de vouloir démocratiser le monde mais aussi de vouloir combattre à tout prix le mal. Le problème central pour le maintien de l'ordre humanitaire international sera la croissance complémentaire des compétences normatives des ONG par rapport à leurs compétences professionnelles, c'est-à-dire leur capacité à avoir des compétences d'« advocacy » en faveur des principes humanitaires qu'elles pourraient exercer de façon plus audible et efficace aussi bien au niveau national qu'international.

Il est certainement trop tôt pour annoncer l'éclipse d'un ordre international humanitaire. Il est possible qu'il ne s'agisse que d'un phénomène transitoire. La recherche indique que, pour la diffusion des normes dans le système international, l'une des conditions absolument nécessaires pour la résolution du paradoxe humanitaire réside dans un engagement actif des ONG pour le droit. Du point de vue théorique, aucun argument n'exclut a priori un mariage entre puissance et droit, ce qui est aussi nécessaire à une convergence entre morale et droit. Mais, comme nous l'avons vu, la politique semble éprouver moins de difficultés à se légitimer par la morale que par le droit. Tant que ce sera le cas, cet ordre partiel humanitaire restera inachevé.

Notes

 

1. Je remercie Benoit Faraco, Sabine Saurugger, Yves Schemeil ainsi que les critiques anonymes pour leurs commentairesLe contenu n'engage, il en va de soi, que ma responsabilité exclusive.

2. « to halt what they [l'administration Bush] viewed as the United State's submission to international law » Golden T., « After Terror, a Secret Rewriting of Military Law », New York Times, 24 octobre 2004Notre traductionVoir aussi Harmer A., Macrae J(dir.), « Beyond the continuumThe changing role of aid policy in protracted crises », HPG Report 18, Londres, Juillet 2004, rapport dans lequel ils décrivent les développements récentsEt comme le démontre entre autre Patrick Sutter, « la position des Etats-Unis de ne pas appliquer ce droit dans ce 'combat' ne peut être justifiée »Voir « Das humanitäre Völkerrecht in der Krise ? », Aus politik und zeitgeschichte B 43/2004, 18 octobre 2004, pp30-36.

3. Development Initiatives (dir.) Global Humanitarian Assistance 2003Voir le site Internet : www.globalhumanitarianassistance.org

4. Voir l'excellent article de synthèse du développement de la juridicisation dans le système international par List Met Zangl B., « Verrechtlichung internationaler Politik », in Hellmann G., Wolf K.D., Zürn M(dir.), Die neuen Internationalen Beziehungen, Baden-Baden, Nomos, 2004, pp361-399.

5. Schimmelfennig F., « The Community Trap: Liberal Norms, Rhetorical Action, and the Eastern Enlargement of the European Union », International Organisation, vol.55, n°1, 2001, pp47-80.

6. March J.G., Olsen J.P., « The institutional dynamics of international political orders », in International Organization, vol.52, n°4, automne 1998, pp943-969.

7. Une liste complète se trouve sur le site du CICR : http://www.icrc.org/dih

8. Nous n'incluons pas les victimes ou bénéficiaires à ce stade de l'analyse

9. Leader N., « Proliferating PrinciplesOr How to Sup with the Devil without Getting Eaten », in Disasters, 1998, 22(4), p300Le principe de subsidiarité est en effet de nature récente et va à l'encontre du principe de la Croix-Rouge qui repose sur le consentement des acteurs aux conflitsIl a été invoqué pour la première fois par le sans-frontiérisme durant le conflit du Biafra

10. Nous préférons ce terme à celui de « sous-systèmes » qui serait trop ambitieux au niveau théorique.

11. Voir ces auteurs qui proposent le modèle de spirale : Risse T., Ropp S.C., Sikkink K(dir.), The Power of Human Rights. International Norms and Domestic Change, Cambridge, Cambridge University Press, 1999Voir également ces auteurs qui suggèrent le modèle plus simple du boomerang : Keck M.E., Sikkink K., Activists beyond borders: Advocacy networks in international politics, 1998, Ithaca, New York, Cornell University PressFinnemore M., Sikkink K., « International Norm Dynamics and Political Change », International Organization, vol.52, n°4, automne 1998, pp887-917Ces auteurs, enfin, présentent un modèle général de l'émergence des normes jusqu'à leur internationalisation par les Etats

12. « No century has had better norms and worse realities », Rieff D., A Bed for the NightHumanitarianism in Crisis, New York, Simon & Schuster, 2002, p70.

13 Voir la note de bas de page n°4List M., Zang B., « Verrechtlichung internationaler Politik », in Hellmann G., Wolf K.D., Zürn M(dir.), Die neuen Internationalen Beziehungen - Froshcungsstand und Perspektiven in Deutschland, Baden-Baden, Nomos, 2004, pp361-399Voir également Schimmelfenning F., « Internationale Sozialisation : Von einem 'erschöpften' zu einem produktiven Forschungsprogramm », in Hellmann Get al., opcit., pp401-427

14. Voir K.JHolsti, Smith S., Biersteker T(dir.), The State, War, and the State of War, Cambridge Studies in International Relations, n°51, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.

15. Les éléments sont les suivants : Légitimité : un système de gouvernance, d'assimilation et d'auto-détermination, et le consensus de guerre (a system of governance, assimilation and auto-determination, and consensus on war) ; Moyens : un système de dissuasion, de mécanismes de résolution des conflits, et de procédures en vue de changement pacifique (a deterrence system, conflict resolution mechanisms, procedures for peaceful change) ; Vision : anticipation de problèmes futurs (anticipation of future problems)

16. Voir MacFarlane N.S, « Politics and humanitarian action », Thomas J.,Watson JrInstitute for International Studies, Occasional Paper, n°41, Providence, RI, 2000Voir également MacFarlane N.S., « Humanitarian action : The conflict connection », Thomas JWatson JrInstitute for International Studies, Occasional Paper, n°43, Providence RI, 2001Ces deux publications donnent une très bonne description historique de l'action humanitaire dès ses débuts.

17. Finnemore M., Sikkink K., « International norm dynamics and political change », in International Organization, vol.52, n°4, automne 1998, pp887-917.

18. Schimmelfennig F., « The Community Trap: Liberal Norms, Rhetorical Action, and the Eastern Enlargement of the European Union », opcit.

19. « to shame the opponents into norm conforming behavior », ibid., p48.

20. Risse T., Ropp S.C., Sikkink K(dir.), The Power of Human RightsInternational Norms and Domestic Change, Cambridge, Cambridge University Press, 1999.

21. Selon les informations que nous tenons de la délégation du CICR, en Colombie, c'était le cas au départ avec les FARC et l'ELN, considérés par le gouvernement comme terroristes et non pas comme partis « réguliers » à un conflit armé non international.

22. Krasner S., Sovereignty - Organized Hypocrisy, Princeton NJ,  Princeton University Press, 1999.

23Ibid.

24Ibid., p58.

25. On peut aussi penser que les Etats individuels se voient contraints de respecter les normes parce que les autres Etats les respectentIl n'est donc pas nécessaire de présumer que certaines normes ont été internalisées.

26. Voir Stockton qui présente un bref sommaire de cette période (pp9-36).

27. Mais ce protocole laisse une ouverture qui permet de réduire son applicabilité en excluant dans l'article 2 toute forme de conflit comme ceux de Tchétchénie et qui peuvent être considérés plutôt comme des actes d'insubordination illégitime, voire criminelsEn fait, la guerre contre le terrorisme a facilité, entre autres pour la Russie, une telle stratégie de « criminalisation »C'est aussi le cas en Colombie où le gouvernement ne considère pas les FARC et l'ELN comme des parties au conflit mais comme des terroristes

28. Stockton N., « Afghanistan, War, Aid, and International Order »in Donini A., Niland N., Wermester K(dir.), Nation-Building Unraveled ? Aid, Peace, and Justice in Afghanistan, Bloomfield CT, Kumarian Press, 2004, pp9-36.

29. MacFarlane N.S., « Humanitarian action : The conflict connection », Thomas JWatson JrInstitute for International Studies, Occasional Paper, n°43, Providence RI, 2001Voir aussi Macrae J., (dir.), The New Humanitarism : A Review of Trends in Global Humanitarian Action, HPG Report n°14, Londres, 2003

30. Voir Chojnacki S., « Anything New or More of the Same ? Types of War in the Contemporary International System », article préparé pour la 5e Conférence pan-européenne « Constructing World Orders », les 9-11 septembre 2004.

31. Stockton N., « Afghanistan, War, Aid, and International Order », opcit

32. « An Agenda for Peace - Preventive diplomacy, peacemaking and peace-keepingReport of the Secretary-General pursuant to the statement adopted by the Summit Meeting of the Security Council on 31 January 1992 »

33. Cette dernière catégorie a été popularisée entre autres par Mary Kaldor dans son ouvrage New and old wars : Organized violence in a global era, Stanford, Stanford University Press, 1999 en Grande Bretagne, et en Allemagne par Hertfried Münkler dans son article « Asymmetrische GewaltTerrorismus als politisch-militärische Strategie », Merkur, vol.56, n°1, 2002, pp1-12Voir également les travaux de Sven Chojnacki (opcit) et Henderson E.A, Singer J.D., « 'New wars' and rumours of 'new wars' », International Interactions, n°28, 2002, pp. 165-190, contestant avec de solides arguments la valeur analytique de cette catégorisation

34. Stockton N., opcit., p27

35. C'est aussi le cas de l'Union EuropéenneVoir Solana X., European Security Strategy - A Secure Europe in a Better World, Bruxelles, The European Institute for Security Studies, 12 décembre 2003 ; Barcelona Report of the Study Group on Europe's Security Capabilities: A Human Security Doctrine for Europe, Barcelone, le 15 septembre 2004.

36. Rivkin D.Bet Casey JrL.A., « Leashing the Dogs of War », The National Interest, 73 automne 2003, pp. 57-69.

37. Ils postulent que « les contraintes juridiques tendent également à devenir de plus en plus inégales et affectent en priorité les Etats-Unis et les quelques pays alliés qui continuent à prendre la guerre sérieusement (Legal restraints are also becoming increasingly one-sided, and primarily affect the United States and those few of our allies that continue to take warfare seriously) »Ils constatent qu'aujourd'hui « nous avons virtuellement quatre normes qui concernent l'utilisation des forces armées : les structures traditionnelles, souscrites par les Etats-Unis et certains de ses alliés ; le modèle de policing suivi en priorité par les Européens et les Canadiens ; les normes plus permissives, (...) adoptées par la Russie, la Chine, l'Inde et quelques autres ; et l'approche du 'tout va', avec une emphase particulière sur les attaques délibérées sur les populations civiles orchestrées par les Etats voyous et les organisations terroristes (we now have virtually four norms governing the use of armed force: the traditional strictures, subscribed by the United States and some of its allies; the policing model embraced primarily by the Europeans and Canadians; the more permissive norms, (...), embraced by Russia, China, India and a few others; and the 'anything goes' approach, with the particular emphasis on the deliberate attacks on civilians practiced by the rogue states and terrorist organizations...) », ibid, p68Il faudrait aussi mentionner l'intention de justifier la torture aux Etats-Unis (voir Liptak A., « Legal Scholars Criticize Memos on Torture », New York Times, 25 juin 2004) ou le transfert de prisonniers détenus par ce pays dans des pays tiers où la torture est pratiquéeVoir Jehl D., « Petagon seeks to transfer more detainees from Base in Cuba », New York Times, 11 mars, 2005

38. C'est l'intention du militaire en Afghanistan, par exemple, dans sa stratégie de « gagner les cœurs et les esprits » (« to win the hearts and minds ») selon la formule classiqueVoir aussi Slim H., « With or Against ? Humanitarian Agencies and Coalition Counter-Insurgency », Refugee Survey Quarterly, vol.23, n°4, 2004, pp34-47.

39. March J.Get Olsen J.P., op cit

40. Prenons l'exemple de l'ingénieur qui développe des mines antipersonnellesGrâce à son savoir faire il développe des mines de plus en plus performantes et dévastatrices sans se poser la question des effets qu'aura cette invention.

41. Börzel T., Risse T., « Die Wirkung internationaler Institutionen: Von der Normanerkennung zur Normeinhaltung », Preprints aus der Max-Planck-Projektgruppe Recht der Gemeinschaftsgüter, Bonn 2001/1, pp3-4

42. Il n'y a pas de doute que le système s'est professionnalisé depuis sa montée en vigueur à partir des années 1970Mais ce n'est que depuis le désastre du Rwanda que ce problème occupe une place centraleVoir en particulier l'analyse de Buchanan, 2003, mais aussi le rapport d'évaluation du Rwanda : « Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda : Humanitarian Aid and Effects », vol.III, « The International Response to Conflict and Genocide : Lessons from the Rwanda Experience », mars 1996Ce problème se retrouve dans la critique des ONG françaises du programme SPHERE concernant les standards minimum établis et leur développement de critères alternatifs qui tiennent compte de la dimension normativeNéanmoins cette critique n'est que partiellement justifiée, car SPHERE inclut la charte humanitaire qui formule clairement les principes de l'action humanitaireLes standards minimums sont plutôt à lire comme indicateurs de standard minimum comme l'a expliqué justement Margie Buchanan-Smith dans son article intitulé « How the Sphere Project Came into Being : A Case Study of Policy-Making in the Humanitarian Aid Sector and the Relative Influence of Research », Overseas Development Institute, Working Paper 215, Londres, juillet 2003.

43. Dauvin P., « Etre un professionnel de l'humanitaire ou comment composer avec le cadre imposé », Revue Tiers Monde, vol.XLV, n°180, octobre-décembre 2004, pp825-840.

44. Voir note 42.

45. Pictet J., The Fundamental Principles of the Red Cross - Commentary, Genève, Henri Dunant Institute, 1979.

46. On peut prendre l'exemple des forces armées FARC, qui ont été sensibilisées au fur et à mesure à ce droit par les délégués du CICR avec un certain succès, selon un responsable du CICRInterview durant une mission d'évaluation pour le CICR en septembre 2002 à Bogota.

47. Voir le cas qui a créé un précédent, en 2004, lors d'un débat public au Danemark : un officier avait transféré des prisonniers en Irak aux forces armées britanniques sans en informer ses supérieursGrâce au soutien d'un journal, la Croix-Rouge Danoise a finalement obtenu gain de cause, le Premier ministre annonçant publiquement le respect des Conventions de Genève.

48. Anderson M., « Do no harm - How aid can support peace - or war », Boulder CO, Lynne Rienner, 1999

49. Indifférence dans le sens de désintérêt ou, comme c'était le cas au Rwanda, dans le sens de réticence à s'engager dans une situation considérée comme trop risquée (voir l'historique du conflit du Rwanda).

50. Voir Stoddard A., « Humanitarian NGOs : Challenges and trends », in Macrae J., Harmer A(dir.), Londres, Overseas Development Institute, HPG Report n°14, juillet 2003pp25-36Cette analyse distingue ceux qui sont proches d'une conception Wilsonienne et ceux qui sont proches de DunantLa distance du gouvernement constitue la deuxième dimension.

51. Leader N., « The politics of principle : the principles of humanitarian action in practice », Londres, Overseas Development Institute, HPG Report n°2, mars 2000, p2.

52. Voir par exemple le « Report of the Panel of the United Nations Peace Operations (Brahimi Report) », A 55/305-S 2000/809, http://www.un.org/peace/reports/peace_operations

53. Ce développement a commencé avec l'invasion de l'Afghanistan par l'Union Soviétique, aujourd'hui critiquée au regard de l'actuelle guerre contre le terrorismeVoir l'ouvrage de Benthall Jet Bellion-Jourdan, Islamic CharitiesVoir l'article de Jonathan Benthall dans ce même numéro de Cultures & Conflits.

54. Ryfman P., Les ONG, Paris, La Découverte, 2004, p34.

55. Cette expansion s'explique non seulement par une demande croissante définie par les ONG elles-mêmes mais aussi par une offre croissante de la part des gouvernements pour une sous-traitance d'un certain nombre de fonctions, et ainsi de se libérer de certaines activités.

56. Development Initiatives (dir.), Global Humanitarian Assistance 2003

Voir http://www.globalhumanitarianassistance.org

 

57.  En Allemagne est créé le comité de coordination de l'aide humanitaire incluant ministères, ONG et experts ; voir Eberwein W.-D., « Gibt es eine Politik der humanitären Hilfe ? », in Eberwein W.-D., Runge P(dir.), opcit., 2002, pp60-89 ; pour la France, voir Ryfmann P., « Vers une 'Ecole française' d'analyse de l'humanitaire? », La revue internationale et stratégique, n°47, automne 2002, p.133Voir aussi la synthèse de Block Y., « Whoever Pays the Piper Calls the Tune: Gleichklang oder Polyphonie? Humanitäre Konzeptionen und die Bandbreite humanitärer Hilfe der GeberländerDiscussion Paper P 02-302, Arbeitsgruppe Internationale Politik, Wissenschaftszentrum Berlin, 2002.

58. Coordination Sud (dir.), Les ONG dans la tempête mondiale, Paris, Editions Charles Léopold Mayer, 2004.

59. Il faudrait aussi mentionner le Humanitarianism and War ProjectA l'origine, initiative indépendante de recherche appliquée à la Brown University, ce projet fait maintenant partie du Feinstein International Famine Center à la Gerald Jand Dorothy RFriedman School of Nutrition Science and Policy, Tufts UniversityVoir http://hwproject.tufts.edu/about.html

60. Cooley A., Ron J., « The NGO scramble », International Security, vol.27, n°1, pp5-39Ils appliquent au niveau théorique le modèle convaincant du « principal-agent »Les études de cas sont en revanche plus que discutables du point de vue méthodologique.

61. « Relief is an objective and accomplishing it seems to be increasingly a matter of an engineering approach », Williams H.R., « The Changing Understandings of the Nature of Humanitarian Assistance and the Longer-Term Implications for the Role of the International Humanitarian Law », Humanitäres VölkerrechtInformationsschriften, 3/2003, p120Comme l'observent les auteurs du Travail humanitaire, le fait d'« appartenir à une ONG passe plus, sur le terrain, par l'adhésion ou le rejet de certains comportements que par des discussions autour de la culture doctrinale ou des prises de parole publiques définies par le siège »Voir Dauvin P., Siméant J& C.A.H.I.E.R., Le Travail humanitaire, Paris, Presses de Sciences Po, p. 343.

62. Natsios A.S., « NGOs Must Show Results ; Promote Ties to U.SOr We Will 'Find New Partners' », InterAction Forum 2003, 15 janvier 2005, voir le site Internet suivant : http://www.interaction.org/forum2003/panels.html#Natsios

63. Il est intéressant de noter que ce n'est qu'en 2003 qu'eut lieu la première conférence d'un nombre limité d'Etats  sur le thème du « good donorship »Les détails se trouvent sur le site du Relief Web http://www.reliefweb.int/ghd/ et sont décrits dans le rapport d'Adele Harmeer, Lin Cotterrell, Abby Stoddard, « From Stockholm to Ottawa - A progress review of the Good Humanitarian Donorship initiative », HPG Briefing Papers, n°18, octobre 2004.

64. Czempiel E.-O., « Vergesellschaftete Außenpolitik », Merkur, n°48, 1994, pp1-14.

65. « For the majority of humanitarian or so-called relief workers, IHL [international humanitarian law] has been a little-mentioned background to their activities », Williams H.R., 2003, opcitp119.