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CIAO DATE: 11/2008

The Expansion and the Subcontracting of EU’s Logic of Confinement : the Case of Morocco

Cultures & Conflits

A publication of:
Cultures & Conflits

Volume: 57, Issue: 0 (Spring 2005)


Abdelkrim Belguendouz

Abstract

The political evolution of Europe, the anti-migration policies of European States, and those called "justice, liberty, security" (JLS) weight more and more on the Maghreb countries. Through cooperation and dominated partnerships, Europe imposes its neighbours to subcontract the tracking down, dissuasion and moving away of migrants. Having a financial interest in such collaboration Morocco becomes, as its neighbour countries, an advanced experimentation terrain for the logics of repression and locking of those who exile towards Europe. The euro Mediterranean relations are therefore increasingly oriented by this fight against immigration.

Full Text

Expansion et sous-traitance des logiques d’enfermement de l’Union européenne : l’exemple du Maroc

 

L'évolution des politiques d'immigration au sein des pays européens concernés et de manière plus générale dans le cadre même de l'Union européenne a nécessairement un impact sur les pays-tiers. Mais selon quelles logiques ?

La présente contribution1 analysant des faits en pleine évolution, on ne s'offusquera pas si, malgré une actualisation en janvier 2005, certains éléments ne sont pas à jour, en raison notamment de la rétention de l'information par l'administration marocaine dont la pratique du secret et de la confidentialité illustre le déficit démocratique. Notre texte montre que dans un contexte de mondialisation sécuritaire, exacerbée par les évènements majeurs du 11 septembre 2001 et ceux qui ont suivi (en particulier le 11 mars 2004), l'Union européenne accentue sa sanctuarisation en externalisant le contrôle des frontières au niveau des pays du Sud.

Jouant la fonction de réceptacle de leurs ressortissants indésirables au sein de l'UE et le rôle de gardes frontières pour être de « bons élèves » et satisfaire aux exigences de l'Europe, ces pays-tiers sont désormais chargés d'une part de la mission de réadmission, de rétention ainsi que d'assignation à résidence de leurs nationaux, et d'autre part du travail de contrôle, de dissuasion, de traque, de mise à l'écart, de barrage, de refoulement et de renvoi des étrangers vers leurs pays d'origine et notamment des subsahariens désirant se rendre dans « l'eldorado » européen.

A ce titre, cette contribution aborde le cas du Maroc, à la fois comme pays d'émigration, de point de départ de la migration irrégulière, de pays de transit et de destination. Cette « déterritorialisation » de l'analyse ne doit pas surprendre. Elle correspond à l'expansion et à la sous-traitance des logiques de verrouillage et d'enfermement de l'Union européenne qui renvoient à une réalité très vaste de situations ainsi que de formes d'éloignement et d'isolement des extra-communautaires. L'UE considère en effet le Maroc, dans sa dimension migratoire, comme un champ d'expérimentation « JAI »2, un « laboratoire Schengen », qui, comme toute expérience de laboratoire, aura des effets d'entraînement.

De ce fait, on est très loin de la vision idyllique du Maroc, telle qu'elle fut présentée à Bruxelles le 9 décembre 2004 à travers le « Plan d'action UE-Maroc » dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV)3. Ce plan n'a-t-il pas été qualifié de « révolutionnaire » par certains responsables européens ?4 Par ailleurs, certains journaux marocains n'ont-ils pas exulté après la décision du Conseil européen d'adopter ce plan le 17 décembre 2004 ? Prenons quelques exemples significatifs dans ce sens : « Le Maroc plébiscité à Bruxelles »5 ; « Le sommet européen de Bruxelles adopte les plans d'action du voisinage. Le cap marocain de L'UE. Le Maroc chef de file d'une intégration adaptée de l'Union avec les pays du Sud »6 ; « Le sommet européen a choisi le Maroc comme chef de file d'une intégration plus poussée des structures économiques et sociales de sept pays voisins de l'Europe que sont (outre le Maroc) la Tunisie, l'Autorité palestinienne, la Jordanie, Israël, l'Ukraine et la Moldavie à celles de l'Union européenne »7.

Soucieux d'apporter des éléments concrets et de mettre en évidence la réalité de ce fonctionnement, cette contribution examinera le contexte historique, juridique et géostratégique régional des nouveaux rapports entre l'UE et le Maroc au plan migratoire. La question principale est la suivante : comment la politique européenne a-t-elle été conduite pour aboutir à la dérive sécuritaire et comment la politique menée par un Etat-tiers comme le Maroc en est-elle arrivée à partager cette démarche et à tendre à adopter avec l'UE, dans le domaine migratoire, un partenariat d'essence sécuritaire ? Dans cette perspective nous aborderons successivement quatre points : le Maroc, terrain d'une expérimentation « JAI » précoce ; l'instrumentalisation du partenariat euro-méditerranéen ; le Maroc : glacis migratoire, « no migrant's land » et pays-impasse ? ; les « 5+5 » ou l'obsession de réadmission des frères maghrébins par les sœurs latines.

Le Maroc terrain d'une expérimentation « JAI » précoce

A l'heure où le partenariat euro-méditerranéen est sur le point de célébrer son dixième anniversaire en novembre 2005 et où son troisième volet - le volet culturel, social et humain - est considéré comme l'une des principales innovations dans les relations euro-méditerranéennes, il est bon d'avoir en arrière plan les présupposés et représentations qu'avait l'Union européenne de la rive sud de la Méditerranée à ce moment-là.

Déjà à cette époque, l'impératif sécuritaire prédominait dans la prise en considération de la question migratoire et il ne fera que se renforcer dans le cadre de la logique Schengen et des mesures qui s'en sont inspirées. Les migrations sont envisagées non pas comme une interdépendance positive entre les deux rives, mais comme une interdépendance négative.

Prenons un seul exemple parmi tous ceux que l'histoire des politiques européennes, depuis dix ans, permettrait d'égrener. Faisant écho en mai 1995 à une communication antérieure de la Commission des Communautés européennes, le rapporteur à l'époque de la Commission des Affaires Etrangères et de la Sécurité et de la Politique de défense du Parlement européen, le député allemand S.P.D. Jannis Sakallariou, reprend à son compte ce type d'arguments :

« La nécessité d'une politique méditerranéenne globale et cohérente se fait de plus en plus pressante (...). On assiste aux frontières sud et sud-est de l'Union européenne, à une multiplication des facteurs de déstabilisation parmi lesquels : la croissance démographique rapide (...), l'influence accrue des fondamentalistes (...). La précarité de la situation risque de provoquer d'énormes flux migratoires, qui pourraient, à leur tour, être à l'origine d'une déstabilisation des Etats membres de l'Union européenne dans le bassin méditerranéen »8.

C'est cette crainte de l'Europe de voir que les tensions au Maghreb ne se traduisent par de vastes mouvements d'émigration vers son territoire, qui l'a amenée, d'abord, à concevoir l'établissement d'un partenariat avec les pays du Maghreb, puis à l'étendre à d'autres zones de la Méditerranée comme on le constate dans le projet de Barcelone.

Le « Groupe de Haut Niveau Asile-Migrations » : le Maroc dans l'œil du cyclone européen

Le 1er juillet 1998, alors qu'il accède à la présidence de l'UE, le gouvernement autrichien a proposé aux instances européennes un document informel de réflexion, qui fut en fait officialisé par la suite. Ce « papier autrichien », qui a eu le mérite de dévoiler au grand jour certaines tendances inquiétantes de la politique européenne, était intitulé : « Document de stratégie sur la politique de l'Union européenne en matière de migrations et d'asile »9. Ce document de travail a été élaboré pour « mettre au point une stratégie spécifique en matière de migration et d'asile au niveau européen et en vue de définir les éléments clés d'une maîtrise efficace des migrations et de renforcer la capacité d'action de l'UE dans ce domaine »10.

Le document appelait une « approche pluridisciplinaire, complète et de coopération » qui impliquait aussi des actions concertées, dans les domaines de la politique étrangère et de la défense. S'agissant des rapports avec les pays d'origine ou de transit, le document proposait une politique « de la carotte et du bâton », en instrumentalisant l'aide au développement pour réduire de manière significative la pression migratoire : « Des accords, avec les pays d'origine peuvent s'avérer un moyen dissuasif très efficace dans la gestion des migrations ». Cet autre passage du même document autrichien est encore plus significatif : « La quasi-totalité des accords bilatéraux de l'Union avec des Etats-tiers devrait incorporer l'aspect migratoire... Par exemple, l'aide économique devrait être rendue dépendante de la question des visas, l'amélioration des passages de frontières de garanties pour la réadmission, les correspondances aériennes de la qualité du contrôle aux frontières et l'accord pour fournir une aide économique de mesures réelles pour réduire les causes d'émigration »11.

C'est sur la base de ce document que le gouvernement néerlandais a proposé la création d'un groupe de travail pluridisciplinaire ou « transpiliers » (constitué de hauts fonctionnaires), qui effectuerait une analyse horizontale pour un nombre restreint de pays d'origine de demandeurs d'asile et d'immigration et formulerait ultérieurement des propositions d'actions concrètes. Celles-ci sont destinées, soit à arrêter l'émigration en direction de l'UE en provenance de ces pays, en permettant notamment un triage ou un filtrage à la source des demandeurs d'asile, soit par le biais des accords de réadmission, à réadmettre vers ces pays les illégaux ou bien ceux qui n'ont pu bénéficier du statut de l'asile en Europe. Dans cet esprit, le Groupe était chargé d'indiquer également les possibilités de coopération avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et d'autres organisations intergouvernementales (comme l'Office International des Migrations), gouvernementales ou non gouvernementales, non pas dans les pays d'accueil européens, mais dans les régions d'origine.

La proposition néerlandaise a été agréée par le Conseil européen de Vienne de décembre 1998 par l'institution d'un Groupe de Haut Niveau Asile et Migration, destiné à dégager une approche commune intégrée et interpiliers, ciblée en particulier sur certains des principaux pays d'où viennent des demandeurs d'asile et des migrants.

L'Irak ayant déjà bien avant la seconde guerre menée par les Etats-Unis d'Amérique et leurs alliéscontre son régime - fait l'objet d'un plan d'action concernant les flux migratoires (26 janvier 1998), le Groupe de Haut Niveau Asile Migration a retenu lors de ses réunions du 17 décembre 1998 et du 11 janvier 1999, cinq autres pays : l'Albanie (et la région avoisinante), l'Afghanistan (et la région limitrophe comprenant en particulier l'Iran et le Pakistan), la Somalie, le Sri Lanka et le Maroc comme pays pilotes, en vue de l'élaboration d'un plan d'action, destiné à arrêter des mesures de lutte contre l'émigration clandestine et/ou à stopper l'afflux de demandeurs d'asile.

Si l'Albanie ainsi que le Maroc sont des pays à la fois d'émigration et de transit vers l'UE, les quatre autres cibles sont des pays uniquement d'émigration. Pour ces quatre derniers cas, les raisons peuvent être variées compte tenu du contexte, mais elles se sont ramenées pour l'essentiel à des guerres civiles pour des raisons ethniques ou religieuses. Celles-ci entraînent un effondrement de l'économie et des persécutions qui engendrent à leur tour, dans un premier temps, des mouvements de réfugiés vers les pays limitrophes, et dans un deuxième temps, des demandes d'asile dans les pays européens, elles-mêmes suivies par le regroupement familial lorsque l'asile est accepté.

Pour ce qui est de l'Albanie, une première version du Plan d'Action en date du 7 juillet 1999, préconisait déjà le financement par l'Union européenne de « camps de transit » sur le territoire albanais. Ces camps « devraient dissuader les émigrants clandestins qui cherchent à pénétrer en Europe »12. Dans la seconde version en date du 23 septembre 199913, ce dernier passage ainsi que le terme « camps de transit » ont été retirés, sans doute pour désarmer les militants des droits humains opposés à l'existence de ce genre de camps d'enfermement pour étrangers14.

S'agissant du plan d'action « Maroc », dont la coordination a été assurée « à la demande expresse de l'Espagne »15, une seule mesure sur dix-huit concerne l'aide à l'intégration des ressortissants marocains qui séjournent légalement dans les Etats membres de l'UE16. Encore faut-il préciser que cette mesure, que l'on retrouve d'ailleurs avec la même formulation dans les autres plans des pays cibles, se présente comme un vœu pieux, vu l'absence de volonté politique européenne en la matière, en dépit de certaines velléités.

Par ailleurs, le contexte socio-économique de l'émigration au niveau du pays d'origine n'est que très marginalement abordé, alors que, selon même le discours volontariste de Tampere (conseil européen du 15-16 octobre 1999), il devrait être au centre de la réflexion pour l'action, en particulier pour la lutte contre la pauvreté et pour l'amélioration du niveau de vie des populations défavorisées (essentiellement celles du rural). Ceci n'a pas empêché le secrétaire d'Etat espagnol chargé à l'époque de la politique extérieure de l'UE, de qualifier ce document comme « un plan de dialogue qui comporte une forte dimension de développement »17. Une appréciation similaire a été faite par le sénateur français Paul Masson qui estime dans un rapport que ce plan d'action, au même titre que les autres plans concernant les autres pays pilotes, « a étudié les moyens de lutter contre les facteurs à l'origine de l'immigration : pauvreté, conditions de vie... »18.

En fait, plus de la moitié des mesures arrêtées par le plan d'action « Maroc » portent le sceau exclusif de la répression ou de la simple prévention de l'immigration clandestine, montrant ainsi une orientation sécuritaire manifeste, qui constitue la toile de fond de la démarche. Dans l'arsenal proposé par ce plan, relevons les mesures suivantes :

- Soulignant les hésitations du Maroc à appliquer les accords bilatéraux de réadmission avec certains Etats membres de l'UE, le plan d'action préconise la mise en œuvre effective par le Maroc des accords de réadmission existants19.

- Signature de nouveaux accords de réadmission pour les catégories suivantes de personnes ne répondant pas aux conditions en vigueur pour pouvoir accéder au territoire des Etats membres ou y séjourner : ressortissants marocains et ressortissants des pays-tiers et apatrides qui, venant du Maroc, sont entrés ou restés illégalement sur le territoire des Etats membres.

- Mettre à profit la coopération UE/CE avec le Maroc pour régler la question du retour des ressortissants qui sont entrés illégalement sur le territoire de l'Union20.

- Rétablissement par le Maroc des visas pour les ressortissants des pays suivants : Sénégal, Mali, R.P du Congo, Côte d'Ivoire, Guinée (Conakry), Niger...

En vue de mettre en application cette disposition du plan d'action, la délégation de la Commission européenne accréditée à Rabat, a même fait une « offre » au ministre marocain des Finances par une lettre en date du 25 janvier 2000, consistant à inscrire une provision de trois millions d'euros sur le sujet « migration » dans le programme indicatif national de MEDA21 ; cette « carotte » étant destinée à porter assistance au Maroc pour le rétablissement des visas pour les ressortissants de tous les pays subsahariens.

- Rendre plus efficace l'action des agents de liaison des compagnies aériennes par une analyse détaillée des mouvements migratoires et par l'envoi d'officiers de liaison dans les principaux aéroports afin d'améliorer les contrôles aux portes d'embarquement.

La subordination des relations UE-Maroc à la lutte anti-migratoire

Devant les réticences du Maroc à appliquer le plan d'action du Groupe de Haut Niveau le concernant, l'Union européenne a utilisé d'autres moyens, en inoculant le virus sécuritaire et en « contaminant » l'agenda de développement, en schengénisant MEDA, et de manière plus générale le partenariat social euro-marocain22. La schengenisation de MEDA dont nous parlons ici, ne renvoie pas bien entendu à l'espace Schengen lui-même, conçu de manière ouverte comme espace de liberté, de sécurité et de justice, un espace sans frontière intérieure. Ce que nous visons, c'est l'autre facette qui suppose des mesures compensatoires, avec notamment l'existence de frontières extérieures relativement verrouillées et hermétiques. De cette manière, l'UE a réintroduit par d'autres biais et en les inscrivant même dans une logique d'ensemble, les principaux éléments du plan d'Action qui furent même enrichis, affinés et complétés par d'autres initiatives. MEDA, qui est issu de la Conférence de Barcelone de novembre 1995, a ainsi connu ces dernières années une dérive par rapport à sa vocation initiale.

Par rapport aux migrations et dans le cadre de l'acquis Schengen, nous verrons que MEDA II est en fait utilisé non pas pour des besoins socio-économiques de développement ou de renforcement de l'Etat de droit, mais dans une problématique ou une optique de plus en plus sécuritaire. Ce financement d'un programme Justice-Affaires Intérieures (JAI) répond à la logique institutionnelle euro-européenne. Il porte préjudice à d'autres projets programmés ou à lancer concernant des domaines socio-économiques très importants. Désormais, MEDA est instrumentalisé dans la logique de Schengen, à travers les mesures policières et répressives décidées en matière migratoire pour les pays « partenaires » et qui plus est, touchent à leur souveraineté. Ce sont ces exigences draconiennes qui s'imposent dorénavant aux pays-tiers, impliqués de plus en plus directement dans le contrôle des frontières extérieures de l'UE.

Dans sa communication en date du 13 février 2002, la Commission a clarifié ses objectifs dans ce domaine et décliné certaines recommandations à faire entériner par la conférence de Valence qui eut lieu deux mois plus tard. Le chapitre intitulé « Liberté, justice et gouvernance » mérite d'être largement sollicité :

« Le dialogue entre les partenaires en matière de politique et de sécurité concerne non seulement la politique extérieure, mais requiert également une étroite coopération administrative et judiciaire pour aborder la dimension transfrontalière de questions telles que la lutte contre la criminalité organisée, l'immigration clandestine et la traite des êtres humains, la gestion des flux migratoires légaux et le traitement réservé aux immigrés. Les événements du 11 septembre ont mis en lumière de façon dramatique notre vulnérabilité face aux actes terroristes et ont fait ressortir la nécessité d'une étroite coopération internationale pour lutter contre ce fléau. Tous ces éléments ont des conséquences directes sur la population de nos pays et concernent de nombreux domaines de la politique gouvernementale, notamment les questions ultrasensibles de la sécurité nationale et des affaires intérieures. La coopération dans ces domaines témoigne de la nouvelle maturité et du resserrement des relations euro-méditerranéennes ; toutefois, de nouvelles approches devront être adoptées en matière de coopération administrative »23.

La Commission précise alors le champ concret dans lequel elle propose d'atteindre l'adhésion des Etats-tiers partenaires du processus euro-Med :

« A la suite des contacts pris en 2001 et 2002, les partenaires devraient convenir à Valence d'un cadre général de coopération dans les domaines susmentionnés. Si tel est le cas, la Commission est prête à lancer, en 2002, un programme régional visant à promouvoir la liberté, la justice et la bonne gouvernance pour aider ses partenaires à coopérer dans ces domaines. Ce programme devrait faciliter le dialogue et permettre de déterminer les activités pouvant être reprises au niveau national ou infra-régional. L'UE est disposée à fournir une aide financière au titre du programme MEDA, afin de couvrir l'assistance technique et la formation nécessaire pour aider ses partenaires à aborder tous ces sujets délicats et à établir, de cette manière, des relations administratives de travail à long terme entre les experts et les gouvernements, susceptibles de favoriser le développement d'une zone stable de justice et de liberté dans la région »24.

Le document d'encadrement, intitulé « Programme régional de coopération en matière de justice, lutte contre la drogue, contre le crime organisé et contre le terrorisme et de coopération en matière d'intégration sociale des migrants, de migrations et de circulation des personnes », a bien été approuvé par la Conférence de Valence. Il prévoit un catalogue de mesures et/ou une série d'initiatives qui pourraient être prises avec une participation des deux rives. Ces initiatives sont volontaires, et la mise en œuvre du programme retenu au niveau régional, sub-régional ou national, devra s'effectuer de façon concertée et progressive.

Parmi les multiples objectifs à atteindre dans les divers champs auxquels le titre même du document d'encadrement renvoie, on peut citer les deux suivants :

« Mise en place de systèmes modernes et efficaces de contrôle et de surveillance des frontières, notamment en renforçant les infrastructures administratives, en assurant une assistance technique pour la formation du personnel qui y est affecté et en coopérant en matière d'utilisation des moyens techniques appropriés. Dans cet esprit, il faudra prévoir la formation des policiers des frontières et des agents des compagnies aériennes et maritimes dans le domaine de la détection des faux documents » ;

« Promouvoir, autant que possible, des accords bilatéraux entre l'Union européenne et les partenaires méditerranéens, ainsi qu'entre les partenaires méditerranéens eux-mêmes, de réadmission des personnes en situation irrégulière conformément aux règles du droit international public et, le cas échéant, aux obligations contenues dans les accords d'association et les accords bilatéraux entre les partenaires euro-med »25.

Si la formulation a été assouplie à Valence par rapport au document initial « JAI » et si un rééquilibrage relatif a été opéré, en sauvegardant le caractère volontaire des mesures à prendre et la nécessité d'une réelle concertation préalable, nous constatons que la Commission européenne n'a pas attendu que ce cadre général de coopération soit adopté pour le mettre à exécution. Dans le cas du Maroc, il ne s'agit pas de simples contacts pris en 2001-2002, comme l'avance la communication de la Commission du 13 février 200226, mais de décisions déjà adoptées par l'UE, et dont le financement était déjà arrêté.

Certes, en préparation de la Conférence de Valence, le Maroc avait bien formulé quelques commentaires et propositions sur le document initial européen27, mais on relèvera que les dimensions JAI, introduites auparavant dans le programme MEDA, n'ont pas suivi la démarche et l'esprit préconisés par le plan d'Action de Valence et le document d'encadrement sur les matières « JAI » auxquelles il renvoie. L'UE aurait même pu se prévaloir de l'acceptation par le Maroc du « Programme Indicatif National 2002-2004 » pour essayer de faire passer une position plus « musclée » à Valence dans le domaine migratoire...

On peut se poser la question du pourquoi de cette acceptation. Il s'agit essentiellement d'une absence de vigilance des autorités marocaines qui ont été piégées, et voici pourquoi.

En octobre 2001, à l'occasion de la tenue du Comité d'association Maroc-UE à Bruxelles, la partie marocaine avait présenté une demande de financement de l'ordre de 80 millions d'euros pour l'acquisition de matériel (radars, vedettes rapides, jeeps, etc.) destiné à renforcer la lutte contre l'émigration clandestine. Or, au lieu d'en faire un dossier technique à part, les services de la Commission européenne l'ont immédiatement intégré dans le cadre du Programme Indicatif National (PIN) pour le Maroc 2002-2004, qui était sur le point d'être finalisé par les services de la Commission à Bruxelles. Tout en réduisant la somme à 40 millions d'euros et en l'imputant sur le budget global de MEDA pour le Maroc (plutôt qu'en débloquant un financement exceptionnel), Bruxelles a présenté sa démarche et la rapidité avec laquelle elle avait répondu, comme un signe de grande ouverture sur le Maroc, comme le signe du renforcement du partenariat privilégié entre le Maroc et l'UE.

Mais s'agissant du domaine migratoire et des aspects sécuritaires qui en constituent la priorité dans le « PIN », peut-on dire, comme ceci figure dans l'accord signé le 24 janvier 2002 à Rabat entre le ministre des Finances Fathallah Oualalou et l'Ambassadeur Sean Doyle, alors chef de la Délégation de la Commission européenne au Maroc, que « le programme indicatif national 2002-2004 entre également dans le cadre de la réalisation des objectifs de développement économique et social du gouvernement du Royaume du Maroc, tels que ces objectifs ont été déclinés dans le Plan quinquennal 2000-2004 et tels qu'ils découlent des différentes initiatives prises par les pouvoirs publics au Maroc » ?28

Ces formules enrobées diplomatiquement lors de la préparation du projet d'accord par la partie européenne doivent être décryptées. Le contrôle frontalier, tel qu'il est conçu par la partie européenne, comme nous le verrons plus loin, figure-t-il parmi les priorités nationales arrêtées par la planification marocaine dans le cadre du Plan quinquennal 2000-2004 ? Sinon, de quelles initiatives des pouvoirs publics marocains s'agit-il ? Le Maroc aurait-il demandé à faire l'objet d'un contrôle par l'UE à ses propres frontières ? Le Maroc aurait-il pris l'initiative de demander à l'UE qu'il fasse l'objet d'une immixtion dans ses affaires intérieures et que sa souveraineté soit bafouée avec son propre consentement ?

La réalité est toute autre. Comment la partie marocaine au comité d'association Maroc-UE a-t-elle pu souscrire aux conclusions de la réunion de ce comité tenue à Rabat le 13 mars 2002 et qui énoncent que « concernant la coopération financière, le Comité s'est félicité de l'accord intervenu sur le programme indicatif national 2002-2004 »29 ? Pourquoi n'a-t-on vu que l'aspect purement financier, sans se préoccuper des enjeux stratégiques et des implications politiques qui sont derrière certaines nouvelles rubriques de MEDA, tel le contrôle frontalier ? Par ailleurs, le Comité « a convenu de rédiger un programme de travail pour l'année 2002 au sujet [notamment] de la réadmission »30.

Dans une démarche de récupération, Sean Doyle a tenté dans certaines déclarations médiatiques, de banaliser la question, en orientant l'interprétation dans un sens déterminé. Il indiquait fin mars 2002 : « Le Maroc a compris que l'immigration clandestine posait des problèmes politiques majeurs au sein des pays de l'Union européenne et il commence à faire des pas importants pour convertir les flux clandestins en flux légaux, avec l'aide de plusieurs Etats membres et du programme MEDA »31.

En définitive, on ne peut que regretter l'absence de vigilance politique des départements ministériels marocains concernés, qui ont donné le feu vert à la signature d'une convention-cadre qui renvoie en fait à une annexe constituant une véritable bombe dans le domaine migratoire. Il est vrai que les passages explosifs et très « sécuritaires » du « PIN » ayant trait au contrôle des frontières figurent en anglais dans un volume rédigé pour le reste en français et que leur sens ait pu par conséquent échapper... Dès lors, l'attitude que voudrait faire adopter l'Europe au Maroc, tendant à réduire ou à supprimer les facilités d'accès à son territoire et à renforcer les mesures de contrôle, d'éloignement et de réadmission est une démarche irrecevable.

Cette démarche qui place le Maroc devant le fait accompli est loin de constituer un processus de réflexion concertée devant mener le pays à un statut avancé. L'UE continue toujours à définir les normes et à décider pour Rabat, dans le cadre d'un partenariat de plus en plus eurocentrique et asymétrique. Le Maroc reste dans la position d'outsider et de partenaire dominé et n'apparaît nullement, comme le laisserait entendre l'analyse optimiste de son ancienne ambassadrice auprès de l'UE, comme une partie « qui participe à la conception, l'élaboration et l'exécution des projets décidés dans le cadre euro-méditerrannéen »32.

A cela, et à l'encontre des principes qui doivent guider l'action dans le cadre du processus de Barcelone, il faut ajouter le fait qu'au nord et surtout au sud de la Méditerranée, y compris au Maroc, on néglige d'associer pleinement la société civile à la formulation et la mise en œuvre des politiques migratoires, de même qu'aux critères d'évaluation des actions entreprises. Concernant la dimension migratoire, le gouvernement marocain marginalise non seulement la société civile à l'intérieur du pays, mais également le mouvement associatif au sein de la communauté marocaine établie à l'étranger.

L'instrumentalisation du partenariat euro-méditerranéen

S'agissant du Maroc, la démarche de la Commission décrite précédemment33 n'est pas restée au niveau des seules intentions. Elle a même été « budgétisée » et inscrite dans le Programme indicatif national MEDA (2002-2004) pour le Maroc, approuvé officiellement par le Conseil le 27 décembre 2001 et ayant fait l'objet d'un accord signé à Rabat le 24 janvier 2002 entre le chef de délégation de la Commission européenne au Maroc et le ministre de l'Economie, des Finances, de la Privatisation et du Tourisme, pour une enveloppe financière indicative globale de 426 millions d'euros34.

De même, le « document d'encadrement » de Valence concernant le domaine migratoire a été mis à exécution, mais dans une version plus verrouillée et sécuritaire encore, comme le révèle l'analyse du tableau du « PIN » (Programme indicatif national) pour le Maroc pour les années 2002-2004. La problématique migratoire a été en effet appréhendée à travers trois projets d'une enveloppe globale de 115 millions d'euros, se décomposant comme suit : provinces du nord (70 M), circulation des personnes (5 M), contrôle frontalier (40 M).

On ne s'étendra pas sur le premier projet, sauf pour observer que c'est la première fois que les provinces du nord apparaissent en tant que zone géographique. Dans les financements précédents, c'était le critère sectoriel qui prévalait (eau potable, infrastructure routière, etc.), en identifiant ce qui, dans les projets assumés à l'échelle nationale par des départements ministériels ou autres organismes, pouvait concerner la zone nord et qui sont coordonnés par l'Agence pour la promotion et le développement économique et social des préfectures et provinces du nord. C'est ainsi que sur les 630 millions d'euros consacrés jusqu'à la période considérée par MEDA au Maroc, 228,25 millions d'euros ont été affectés par diverses administrations marocaines à des projets comportant pour la plupart une composante « Provinces du nord », soit 45% du total. Par conséquent, la nouveauté n'existe que par rapport au critère géographique, les Provinces du nord constituant de fait le passage privilégié pour les candidats à l'émigration vers l'Union européenne.

Qu'en est-il des projets « circulation des personnes » et « contrôle frontalier », quels sont leur contenu et la philosophie sous-jacente ?

La circulation des personnes, un simple euphémisme

Un second projet prévu par le « PIN » Maroc dans le cadre de MEDA concerne un programme d'appui institutionnel à la circulation des personnes. Par cet euphémisme, une confusion conceptuelle est introduite entre circulation des personnes et émigration/immigration. Par ailleurs, ce projet n'a pas seulement pour but de « créer une structure étatique chargée de canaliser l'émigration légale vers l'extérieur du pays en fonction de la demande », pour reprendre une formule officielle, mais il a un autre objectif inavoué, celui de constituer un moyen d'information et d'observation sur l'émigration illégale, afin de mieux maîtriser les flux migratoires et de prévoir dans le détail les moyens concrets de cette gestion musclée.

De plus, ce second projet tel que formulé initialement, fait peu cas de l'existence de structures étatiques au Maroc qui ont organisé l'émigration vers l'étranger depuis l'indépendance. Pour les auteurs de la proposition, tout se passe comme si le ministère de l'Emploi n'existait pas avec ses structures centrales et régionales et que la gestion des recrutements et des départs vers l'étranger de manière légale en application de plusieurs conventions de main-d'œuvre, n'avait jamais eu lieu35. Bien entendu, l'organisation du ministère a évolué et conformément à la loi n°51/99 promulguée le 4 juin 2000 et portant création de l'Agence Nationale de Promotion de l'Emploi et des Compétences, les attributions en matière d'émigration relèvent, depuis cette date, de cette institution qui dépend elle-même du ministère de l'Emploi36. Ce n'est que plus tard, que le projet a tenu compte de l'existence de cette structure. Dès lors, on peut se poser la question de la crédibilité et du degré de sérieux de la démarche de Bruxelles concernant le Maroc, dans la mesure où la réalité institutionnelle marocaine est pratiquement ignorée...

Par ailleurs, l'aide mémoire de la fin de mission établi à propos de l'Anapec en octobre 2004, ne tient toujours pas compte du contexte de l'environnement de cette agence pour l'emploi37. « Il s'agit aux dires de sources internes à l'Anapec, non pas de propositions qui découlent d'une enquête de terrain, mais d'un travail de 'copier-coller' de plus en plus commode pour rédiger de tels rapports »38. Le rapport a même suscité une grève nationale des fonctionnaires de l'institution en raison du plan de restructuration proposé, conçu comme une « condition essentielle » au financement de la seconde phase par MEDA 239.

Le contrôle frontalier, une ingérence manifeste

Dans le PIN-Maroc, le projet contrôle frontalier est présenté comme renvoyant à « un programme institutionnel de lutte contre l'immigration illégale qui devra aider le gouvernement marocain à renforcer le contrôle des frontières, via la fourniture des équipements et l'assistance technique nécessaire »40. Les objectifs de ce programme de gestion des contrôles frontaliers auxquels est initialement accordé 40 millions d'euros, et dont la programmation a été arrêtée pour l'année 2003, sont doubles : d'une part établir une plus grande sécurité des frontières internationales afin de diminuer la criminalité transfrontalière et la migration illégale ; ceci concerne les points de passages terrestres ainsi que les frontières maritimes et aériennes ; d'autre part renforcer la capacité de recherche et d'investigation pour lutter contre le trafic des êtres humains, en y incluant le matériel et l'entraînement adéquats. Les groupes vulnérables doivent être prioritaires dans cette action.

La description du programme permet de dévoiler le cadre général de l'action et sa philosophie. Compte tenu de la complexité du domaine, précise le document « PIN », le Maroc a besoin de développer une stratégie très détaillée dans laquelle il est expliqué comment il se propose de résoudre le problème de la lutte contre la migration illégale. Une assistance européenne pourrait être fournie dans ce contexte, qui va bien au-delà de la simple livraison du matériel. Une mission composée d'experts d'Etats membres de l'UE a été prévue pour mener une analyse destinée à identifier les éléments spécifiques du programme. Elle a été composée ultérieurement par l'Espagne, l'Italie, les Pays Bas, le Portugal, la France et a effectué entre les mois de juillet et d'octobre 2002 une « mission d'identification », consistant notamment en visites sur le terrain (aéroports, ports...)41. Trois objectifs ont été assignés à cette mission par le PIN.

1- Aider à la mise en place d'une institution qui sera chargée d'appliquer les lois sur les opérations par la police des frontières, de développer des méthodes de travail adéquates, de réaliser une coordination entre toutes les forces de sécurité agissant aux frontières, de développer une stratégie et des techniques de contrôle visant à éliminer les risques aux frontières et de s'aligner graduellement, s'agissant du système des visas, sur les standards de l'UE. Ceci doit être la même approche vis-à-vis de tous les autres organes chargés de lutter contre le trafic des êtres humains.

2- Organiser un entraînement. Des stages sont à assurer pour la police des frontières et pour toutes les autres forces de sécurité pour l'utilisation des techniques et du matériel modernes afin d'éviter les risques aux frontières.

3- Assurer l'investissement et la subvention du matériel pour les points de passages et les frontières maritimes et maîtriser toutes les autres techniques nécessaires en vue de réaliser un contrôle efficace. Il est essentiel, ajoute le rapport, que l'institution chargée d'appliquer les lois sur les frontières soit mise en place avant que l'aide matérielle ne soit fournie.

Les résultats attendus de ce programme sont les suivants : application de la loi marocaine sur les frontières ; équipement et entraînement de la police des frontières ; application effective de la sécurisation des frontières avec une meilleure intégration au système national de police ; utilisation à grande échelle des techniques d'analyse du risque ; organisation adéquate des frontières « vertes » et maritimes ; mise en place graduelle aux points de passages frontaliers d'un système de contrôle effectif rapide.

Les indicateurs de performance ont été identifiés comme suit : mesurer le crime transfrontalier par le nombre d'arrestations ; une analyse adéquate sur les risques sera mesurée par le nombre d'opérations qui ont eu un succès contre le trafic des êtres humains ; nombre de trafiquants arrêtés ; efficacité de la coordination entre les législations des différents pays concernés ; facilitation et réduction du temps de passage des commerçants légaux et autres passagers, amélioration de la fluidité des passages aux frontières ; assurer une bonne utilisation des procédures pour une gestion efficace.

La formulation du projet prévoit également les risques encourus par le programme. En vue d'atteindre les objectifs tracés, l'administration marocaine se doit de concentrer ses efforts en vue de renforcer et de soutenir sa propre capacité de lutte contre l'intelligence criminelle et la corruption. Si ces efforts sont insuffisants, il y a de grands risques que les buts du programme ne soient pas atteints. Le document du PIN conclut sur ce point en précisant que les mesures à appliquer doivent être équilibrées et intégrées à d'autres mesures concernant les migrations, pour que des résultats tangibles soient atteints. En août 2003, une convention de financement du projet (ou sorte de contrat avec le bénéficiaire qu'est le Maroc) a été préparée, ouvrant la voie à une finalisation, permettant le démarrage des activités et l'élaboration d'un système de mise en œuvre. La signature a eu lieu à Rabat le 20 décembre 2004. Pour Wali, directeur général des affaires intérieures au ministère marocain de l'Intérieur, elle constitue « l'aboutissement d'un processus dynamique mené depuis deux ans qui a permis aux deux parties d'étoffer et d'ancrer une culture de travail commun et concerté entre deux partenaires responsables. Avec la concrétisation de ce projet, le Maroc et l'UE posent un nouveau jalon au niveau de la coopération exemplaire, privilégiée et multidimensionnelle entre les deux parties et qui exprime toute sa vitalité et son intensité dans le statut avancé qui est aujourd'hui au centre de notre démarche et vision stratégique commune »42.

Cette convention de financement du programme maroco-communautaire, relatif à la gestion des contrôles frontaliers et dotée de 40 millions d'euros, a intégré les aspects liés à l'appui institutionnel, à la formation des unités en charge de la lutte contre la migration clandestine, à la sensibilisation et à l'équipement. Cette dernière composante renvoie aux moyens mobiles de détection (radars), d'observation et d'identification (caméras infrarouges), de détection de passage (senseurs électromagnétiques, sismiques ou acoustiques), de transmission (moyens fixes, mobiles et portatifs), de surveillance (jumelles), d'intervention (véhicules 4 x 4 et deux roues), de transports (camions 4 x 4) et de secours43.

Bien après l'incorporation de l'acquis Schengen dans les structures de l'UE, le « laboratoire Schengen » continue ainsi à fonctionner avec de nouveaux terrains d'expérimentation avancée, situés cette fois-ci à l'extérieur même de l'Europe, en déplaçant les frontières sud de l'UE, vers l'Afrique du Nord. Ainsi, du point de vue de l'Union européenne, les enjeux de sécurité comme la maîtrise des flux migratoires, de transit que connaît le Maroc, nécessitent un travail d'adaptation, non seulement de la législation marocaine et des normes en vigueur dans ce pays, mais aussi des instruments et des pratiques administratives et policières y prévalant, et imposent au Maroc d'apporter sa contribution, en la plaçant dans l'esprit et la philosophie conçus par l'Europe sécuritaire.

C'est la signification à donner à l'annonce, le 10 novembre 2003, (confirmée un an plus tard par l'approbation au Conseil des ministres du 22 décembre 2004) des décrets relatifs aux attributions et à l'organisation du ministère marocain de l'Intérieur, officialisant la création en son sein de deux nouvelles entités : Direction des Migrations et de la Surveillance des frontières et Observatoire des Migrations44. Le rôle principal de la première structure est la mise en œuvre opérationnelle d'une stratégie nationale dans le domaine de la lutte contre les réseaux de trafic d'êtres humains et la surveillance des frontières. Sa mission est prise en charge par la Brigade Nationale de Recherche et d'investigation chargée de lutter contre l'im(é)migration illégale. Celle-ci a en particulier comme attribution l'instruction des dossiers concernant le trafic d'êtres humains dans tout le Maroc. Pour mener son action, elle s'appuie sur sept délégations régionales (Laâyoune dans les provinces sahariennes du Maroc, Larache, Tanger, Tétouan, Al Hoceima, Nador, Oujda) situées dans les régions à forte émigration et aux frontières extérieures du Maroc. Les délégations chargées d'empêcher les départs vers l'Europe appliquent régionalement la politique décidée nationalement, celle « d'investigation, de surveillance, de détection, de coordination et d'intervention »45.

L'Observatoire des Migrations a, quant à lui, pour mission d'élaborer une stratégie, d'entreprendre des études, de collecter, centraliser, traiter et diffuser les statistiques et les informations sur les migrations à l'échelle nationale, et de présenter des propositions concernant la lutte contre l'émigration illégale. Dans sa composition attendue, on relève quelques ministères concernés (Intérieur, Affaires Etrangères, Justice, Emploi, Finances), ainsi que la Direction des douanes, mais également les représentants des forces de sécurité : Forces Armées Royales, Gendarmerie Nationale, Forces Auxiliaires, Direction Générale de la Sûreté Nationale.

Le projet d'accord de réadmission : le Maroc gendarme de l'Europe en Afrique du Nord

Le projet d'accord de réadmission avec le Maroc s'est référé tout d'abord à deux reprises à l'accord d'association euro-méditerranéen entre la Communauté et ses Etats membres, d'une part, et le Maroc d'autre part, conclu le 26 février 1966 et entré en application le 1er mars 2000. La référence est faite à l'article 69 et à la déclaration commune concernant la réadmission dans l'Acte final s'y rapportant, qui stipule notamment que « les parties conviennent d'adopter bilatéralement les dispositions et les mesures appropriées pour la réadmission de leurs ressortissants qui ont quitté leur pays ».

Le projet a pour but « d'établir des procédures rapides et efficaces d'identification et de renvoi des personnes qui ne remplissent pas, ou ne remplissent plus les conditions d'entrée, de présence ou de séjour sur les territoires du Maroc ou l'un des Etats membres de l'Union européenne et faciliter le transit de ces personnes dans un esprit de coopération »46. Ce qui est recherché, c'est la célérité et l'efficacité de la réadmission des nationaux marocains qui ne doit souffrir d'aucune entrave de procédure, aussi bien pour ceux entrés illégalement, que pour les personnes qui ne répondent plus aux critères fixés par la législation en cours concernant le séjour dans les pays européens d'immigration. L'alinéa 1 de l'article 2 énonce que « le Maroc réadmet, à la demande d'un Etat membre et sans formalité, toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'Etat membre requérant, ne remplit pas, ou ne remplit plus les conditions d'entrée, de présence ou de séjour en vigueur, lorsqu'il est établi ou valablement présumé, sur la base du commencement de preuve fournie, la nationalité du Maroc »47.

Par conséquent, une présomption ou début de preuve suffit pour exécuter la réadmission. Le Maroc doit dès lors établir « sans tarder les documents nécessaires à la reconduction des personnes à réadmettre »48, pour une période valable à au moins six mois, délai largement suffisant pour le retour des concernés. Si pour une raison quelconque (maladie ou autre), la personne n'est pas réadmise durant la période de validité du document de voyage, un autre document recouvrant la même période de validité doit être remis dans les deux semaines. En cas de défaillance et quelle que soit la raison qui puisse être invoquée, le Maroc se doit d'accepter un formulaire établi de manière uniforme à l'échelle de l'Union : « Si le Maroc n'a pas répondu à la demande d'un Etat membre dans les 15 jours, il sera supposé accepter l'utilisation du document type d'expulsion »49.Voilà pourquoi, selon la Commission européenne, les officiers de liaison qui sont chargés de l'immigration et sont en poste dans les pays d'origine ou de transit pourraient aussi être employés à des tâches liées au retour50.

Cependant, le projet d'accord de réadmission que l'Union européenne voudrait faire entériner au Maroc ne concerne pas uniquement les nationaux marocains, mais vise également la réadmission de ressortissants de pays-tiers ou même d'apatrides « qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions d'entrée, de présence ou de séjour en vigueur sur l'Etat membre requérant, lorsqu'il est établi ou valablement présumé, sur la base du commencement de preuve fournie que ces personnes : a) sont en possession d'un visa ou d'un permis de séjour en cours de validité par le Maroc, ou b) sont entrées sur le territoire des Etats membres de manière illégale en provenance du territoire du Maroc »51.

Dans ce cas, la même procédure de délivrance des documents de voyage que pour les ressortissants marocains doit être suivie par le Maroc, sinon l'UE lui imposera un document type de voyage aux fins d'expulsion. L'annexe 3 du projet d'accord énumère la liste commune des documents qui sont considérés comme une preuve des conditions de réadmission des ressortissants de pays-tiers et des apatrides :

- « timbres d'entrée/départ ou aval similaire dans le document de voyage du sujet ;

- billets, ainsi que certificats et notes de tout genre (par exemple des notes d'hôtel, des cartes de rendez-vous pour les médecins/dentistes, cartes d'entrée pour les institutions publiques/privées, etc.) qui montrent clairement que le sujet est resté sur le territoire de l'Etat requis ;

- informations montrant que le sujet a utilisé les services d'un courrier ou d'une agence de voyage, etc. »52.

L'annexe 4 fournit quant à elle la liste commune des documents qui sont considérés comme un commencement de preuve des conditions de la réadmission des ressortissants des pays-tiers et des apatrides :

- « déclarations officielles faites, notamment, par le personnel de l'autorité de frontière et d'autres témoins qui peuvent témoigner à propos du sujet concerné par la traversée de la frontière ;

- description du lieu et des circonstances dans lesquelles le sujet a été intercepté après son entrée sur le territoire de l'Etat requérant ;

- informations se rapportant à l'identité et/ou au séjour d'une personne qui ont été fournies par une organisation internationale ;

- rapports/confirmation d'information par des membres de la famille, des compagnons de voyage, etc. ;

- déclaration du sujet, etc. »53.

Précisons ici, que selon l'article 13 du projet d'accord décrivant la procédure de transit, celui-ci peut ne pas se limiter au Maroc, mais aller jusqu'à la frontière de l'Etat de destination finale. Ceci sous-entend que l'UE (ou bien le Maroc avec « l'aide » de l'UE) va dans le cadre d'un « réseau », établir des accords de « libre-échange » particuliers, à l'intérieur de la zone migratoire potentielle pour pouvoir organiser le transit. Deux situations pour le Maroc peuvent se présenter : « Si le transit est effectué par voie aérienne, la personne à remettre et les escortes éventuelles sont exemptées du devoir d'obtention d'un visa de transit d'aéroport »54. Si le transit est effectué par d'autres voies, « les autorités compétentes de l'Etat requis, [le Maroc], sous réserve des consultations mutuelles, soutiennent le transit, notamment par la surveillance des personnes en question et la mise à disposition d'équipements appropriés à cet effet »55.

Dès le conseil d'association Maroc-UE tenu le 9 octobre 2001, une inflexion dans la démarche marocaine a été ressentie. Est-ce l'impact de la pression exercée par José Maria Aznar sur le Maroc qui n'a pas reconduit l'accord de pêche avec l'UE, amenant Madrid à instrumentaliser la question de la migration clandestine, ou bien ceci est-il dû également à des effets précoces du 11 septembre ? Toujours est-il qu'après que le Maroc ait fait part officiellement aux représentants de l'UE à Rabat d'une demande de soutien communautaire pour la lutte contre l'immigration clandestine (radars de pointe, vedettes rapides, jeeps, etc.), un document technique conséquent fut soumis le jour de la réunion aux instances concernées. Par ailleurs, dans un document, déclaration au Conseil d'association, « le Maroc marque sa disponibilité à entamer avec l'UE un dialogue constructif en matière de réadmission sur la base des intérêts mutuels et dans le respect des dimensions juridiques et humaines de cette question »56. Et bien que ce soit l'Union européenne elle-même qui reconnaisse que « les accords de réadmission sont dans le seul intérêt de la Communauté »57, ceci n'a pas empêché le gouvernement marocain de donner son accord de principe pour accueillir les clandestins d'Europe58 ni d'ouvrir à ce sujet dès le 8 avril 2003, le premier round officiel de négociation, après les trois rounds informels étalés sur près de deux ans, « permettant au Maroc et à l'UE de dégager un consensus sur les grands principes devant présider à l'action commune des deux parties dans ce domaine »59. Le 23 septembre 2003 à Bruxelles, au cours d'une seconde réunion formelle, le Maroc a même donné sa vision et formulé certaines remarques par rapport au projet européen60. Dans une interview accordée au printemps 2004, Fathallah Sejelmassi, alors ambassadeur du Maroc auprès de la Commission de l'Union européenne et du Conseil de l'UE avant d'être accrédité à Paris, confirmait « la volonté et l'affirmation des deux parties [dont celle du Maroc] de conclure un accord de réadmission », et « de pouvoir aboutir le plus rapidement possible à un accord »61. La brèche a ainsi été ouverte, activée par les événements terroristes du 11 septembre 2001, ceux du 11 mars 2003 à Madrid et l'accélération du rythme d'acceptation et/ou d'exécution de mesures qui faisaient l'objet de résistances. Cependant, la signature d'un accord de réadmission serait lourde de conséquences, tant pour la communauté marocaine en Europe que pour les relations du Maroc avec les pays africains concernés.

Précisons par ailleurs que le projet d'accord de réadmission UE/Maroc qui s'inscrit dans le cadre des logiques d'internement et d'enfermement des étrangers dans des camps en Europe, souffre à notre sens de nombreuses lacunes en matière de droits humains. Ce qui pose problème, c'est d'abord la charge de la preuve. Concernant cet aspect, le texte se contente d'avancer qu'une déclaration de l'Etat requérant selon laquelle la personne a été trouvée sans les documents de voyage, l'autorisation de visa ou le permis de séjour, doit fournir le commencement de preuve de l'entrée ou du séjour irrégulier. Et le texte de préciser qu'une preuve sera mutuellement reconnue par les Etats contractants sans qu'aucune enquête supplémentaire ne soit exigée. Or sur ce point, l'administration de la preuve est visiblement insuffisante. La lacune est d'autant plus importante que la place du juge est totalement absente, le projet n'ayant prévu aucune garantie juridictionnelle, en permettant notamment les recours.

Par ailleurs, et sans pouvoir bénéficier d'aucun recours, une personne qui avait auparavant un statut légal, peut se retrouver dans l'illégalité, si entre temps la politique du pays concerné en matière d'immigration change dans un sens restrictif, ce qui est le cas actuellement de nombreux pays européens.

Peut-on dire à partir de tout ce qui précède, que les nouveaux rapports euro-marocains ne sont plus fondés sur la logique de l'assistance, mais sur le partenariat voire le voisinage dans le cadre d'un « cercle d'amis », avec ce que cela suppose comme parité dans le processus décisionnel ? On peut observer, par le chantage exercé (non prise en considération de l'autre et imposition de certains points à débattre par la partie européenne), que c'est la logique de l'usure qui prévaut...

Bien entendu, sur d'autres aspects et principalement dans le domaine de la pêche, les velléités européennes en général et espagnoles en particulier ont été infructueuses. Si le Maroc a commencé à céder en matière migratoire, insistons sur le facteur suivant. La question migratoire concerne l'ensemble de l'Europe qui l'appréhende fondamentalement sous l'angle sécuritaire. Depuis septembre 2001, les interférences avec la lutte contre le terrorisme sont de plus en plus mises en avant comme argument de persuasion... Dans un document datant du 2 juin 2004, la Commission européenne reconnaît que « l'Union a démontré qu'elle était capable d'agir de manière efficace et rapide, lorsque la situation l'exige. Cette sensibilité à des situations de crise, telles que les événements tragiques du 11 septembre 2001 et du 11 mars 2004, a pu donner lieu à des critiques sur le caractère déséquilibré des avancées relatives à la sécurité »62. Les conclusions du sommet européen tenu à Bruxelles les 4 et 5 novembre 2004 sont encore plus nettes dans ce domaine de la politique de retour et de réadmission : « les migrants qui n'ont pas ou plus le droit de séjourner légalement dans l'UE doivent retourner dans leur pays d'origine volontairement ou, si nécessaire, y être contraints »63. Dans cet esprit, le Conseil européen a préconisé notamment « la conclusion en temps opportun d'accords communautaires de réadmission » et « la désignation rapide par la Commission d'un représentant spécial pour une politique commune de réadmission »64.

Le Maroc : glacis migratoire, « no migrant's land » et pays-impasse ?

L'offre de services sécuritaires à l'UE

Dans le domaine migratoire, la Commission européenne a fait avec le Programme Indicatif National pour le Maroc (PIN-Maroc) d'une pierre trois coups, en essayant de balayer de la sorte les critiques formulées contre sa politique fondamentalement sécuritaire et d'appliquer la politique « équilibrée » dégagée depuis le Conseil européen de Tampere. Celui-ci avait en effet arrêté qu'« [il fallait] pour les domaines distincts, mais étroitement liés, de l'asile et des migrations, élaborer une politique européenne commune »65et en énumérait ses éléments, à savoir le partenariat avec les pays d'origine, un régime d'asile européen commun, un traitement équitable pour les ressortissants de pays-tiers et la gestion des flux migratoires.

En incluant le projet sur la zone nord dans sa démarche concernant l'émigration, alors que ce programme est déjà ancien, Bruxelles a voulu montrer que l'environnement socio-économique de l'émigration est pris en compte, et qu'elle reste préoccupée par l'impératif du développement du pays d'origine. En accolant à un second projet l'appellation de circulation des personnes, la Commission a voulu démontrer qu'elle n'est pas du tout prisonnière de l'obsession du contrôle, de l'enfermement, des retours, de la réadmission, mais qu'au contraire, elle est animée par un esprit d'ouverture, qu'elle favorise l'échange, la mobilité des personnes et la promotion des droits humains dans les pays d'accueil, dans le cadre d'une politique d'intégration généreuse.

Il ne restait plus alors qu'à faire passer « en douceur » le projet sur le contrôle frontalier, en le diluant dans un cadre présenté comme équilibré, alors qu'il constitue l'ossature même de la démarche sécuritaire qui reste fondamentalement dominante. Ce sont d'ailleurs les auteurs du « Pin-Maroc » qui reconnaissent eux-mêmes que « la priorité concernant l'émigration correspond aux résultats des travaux du Groupe de haut niveau asile migration et du Conseil de Tampere ainsi qu'à la nouvelle approche de l'émigration proposée par la Commission dans sa communication sur une politique communautaire en matière d'immigration »66. On ne peut être plus clair sur les motivations et les visées. L'aveu est de taille et suffisamment parlant ! Dès lors, l'attitude que voudrait faire adopter l'Europe au Maroc tendant à réduire ou à supprimer les facilités d'accès au territoire marocain et à renforcer les mesures de contrôle, d'éloignement et de réadmission, est une démarche d'enfermement qui s'inscrit parfaitement dans la philosophie de Schengen, au niveau des mesures compensatoires.

Mais les autorités marocaines ont manifestement donné les premiers signes de capitulation, s'inscrivant à leur manière, sur le plan migratoire, dans le cadre d'une vision qui ressemble étrangement à celle que développait en 1999 l'ancien ministre d'Etat à l'Intérieur Driss Basri en offrant ses services à l'UE. Son attitude exprimait la volonté délibérée, avec force arguments, de faire du Maroc un protagoniste actif du laboratoire Schengen et d'associer ce pays à la politique sécuritaire européenne de l'immigration. Le but est d'assumer la fonction de sous-traitance sécuritaire, en faisant du Maroc un poste avancé de contrôle des flux migratoires dans la logique de la forteresse Europe.

L'offre de service a été formulée clairement comme suit : « l'objectif principal pour le Maroc, consiste à être partie prenante de la politique européenne de l'immigration consécutive à l'instauration de l'espace Schengen. Le Maroc est en effet conscient de la communauté des valeurs des deux parties et des intérêts mutuels à défendre. Au niveau méditerranéen, nous sommes par notre situation géographique et nos liens économiques, culturels et sociaux, partenaires à part entière de la sécurité européenne... La défense de l'espace européen ne peut être efficace que si le Maroc y apporte sa contribution »67. Est-ce une manière pour l'ancien ministre du tout sécuritaire de faire « adhérer » le Maroc à l'UE, mais en oubliant toutefois que les préoccupations de l'Union européenne ne concernent pas uniquement les Subsahariens et autres étrangers mais les Marocains eux-mêmes ?

Le sens de l'adoption de la loi 02-03 sur l'im(é)migration

L'alignement sur les partisans les plus orthodoxes de Schengen au sein de l'UE est encore plus clair après l'adoption, le 26 juin 2003 par le Parlement marocain, de la loi n°02-03 sur l'entrée et le séjour des étrangers au Maroc, l'émigration et l'immigration irrégulière dont le projet avait été déposé par le gouvernement le 5 février 2003, au même moment qu'un projet de loi contre le terrorisme68.

Certes, la loi 02-0369 a été une nécessité pour décoloniser la législation marocaine sur l'im(é)migration dont les éléments épars de textes remontaient à la période du Protectorat. De même qu'elle a constitué un pas en avant dans l'établissement de l'Etat de droit, en permettant d'asseoir les pratiques administratives marocaines concernant l'im(é)migration sur la base de règles juridiques précises. Sur un autre plan, les peines infligées dans la loi aux responsables du trafic d'êtres humains et à leurs complices, se justifient dans leur principe et sévérité. C'est ainsi que la loi augmente la peine maximale applicable à l'encontre des fonctionnaires ou de membres de forces de sécurité qui facilitent l'émigration ou l'immigration irrégulière70. Elle inflige également une peine importante à toute personne qui facilite l'entrée ou la sortie de nationaux ou d'étrangers d'une manière clandestine et aux organisations créées dans ce but71.

Mais la loi 02-03 n'est pas équilibrée, les mesures prévues étant exclusivement répressives. Parmi ses défauts, on peut relever le fait que dans sept de ses articles, elle évoque la notion vague et imprécise de « troubles à l'ordre public » pour dénier des droits aux étrangers même lorsqu'ils sont régulièrement établis au Maroc. Par ailleurs, la loi 02-03 criminalise les migrants et instaure la pénalisation des immigrés illégaux, ces derniers étant traités comme de véritables criminels liés aux terroristes et aux trafiquants de drogue. Dans le préambule de cette initiative gouvernementale, l'aveu était explicitement énoncé et reconnu. Il s'agit de « permettre au Maroc d'assumer pleinement ses engagements envers ses partenaires notamment en matière de lutte commune contre la migration clandestine transfrontière, dans sa double composante nationale et étrangère »72.

Procédant à un clonage sécuritaire et à un « copier-coller » littéral de l'Ordonnance modifiée du 2 novembre 1945 en France dans sa version révisée la plus répressive, la nouvelle loi marocaine sur les étrangers73, a prévu notamment la création de zones d'attentes (comme à Roissy) et la mise en place de centres de rétention pour immigrés illégaux. Dans la perspective de l'aboutissement des négociations sur l'accord de réadmission UE/Maroc74, ces zones ne risquent-elles pas de constituer de réels camps destinés notamment à « accueillir » une bonne partie des illégaux subsahariens renvoyés de l'UE à travers des « vols charters communs sur une base bilatérale ou multilatérale »75 comme le recommandait déjà la Commission européenne à l'automne 2002, avant que des Etats membres ne passent à l'acte au niveau des « vols groupés » suite à une décision dans ce sens du Conseil européen ?76 Ceci ne serait-il pas également à relier avec ce que la Commission européenne avait proposé dans son « Livre vert » (10.04.2002), à savoir la possibilité de signer des accords de transit, comme celui conclu à Dakar le 8 janvier 2003 entre le Conseil Fédéral Suisse et le gouvernement de la République du Sénégal en matière de migration (accord de transit concernant notamment les ressortissants des Etats de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest [CEDEAO])77 ?

Dans son rapport sur le Maroc, la rapporteuse spéciale sur les droits de l'Homme, Gabriela Rodriguez Pizarro « a constaté que cette politique en matière de migration fondée principalement sur le contrôle fait pression sur le Maroc pour qu'il joue le rôle de 'gendarme'. Elle a aussi reçu des renseignements sur les pressions exercées sur le Maroc par ses partenaires européens pour qu'il établisse des centres d'accueil suivant le modèle des CETI (centres de séjour temporaires de migrants) espagnols conçus comme dispositifs de premier accueil pour les migrants dans l'attente qu'une décision soit prise à leur sujet »78.

Par ailleurs, les centres de rétention ont été définis par ce qui était encore un projet de loi comme des « locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pendant le temps strictement nécessaire au départ de l'étranger »79. Après la discussion du projet à la première Chambre du Parlement, il a été précisé à l'article 34 ce qui constitue maintenant une loi, que la localisation des centres indiqués, les conditions de leur gestion et les modalités de leur organisation seront déterminées par un texte d'application ou par voie réglementaire80. La formule reste encore très floue et nécessite par conséquent toute la vigilance requise pour le suivi de ces nouveaux types de camps, conçus très certainement au coup par coup ou « à la carte », en fonction des besoins du moment et des souhaits ou des « innovations » de l'UE et particulièrement de son laboratoire Schengen. En d'autres termes, cette disposition fait jouer en quelque sorte à la loi 02-03 le rôle d'une loi-cadre permettant d'adopter de manière très flexible, simple, et de moduler de façon fluide des mesures au gré de la fluctuation des exigences qui s'imposent.

Parmi les questions qui se posent, on peut relever les suivantes. Si la nouvelle loi marocaine sur l'im(é)migration 02-03 parle dans l'article 38 de maintien de l'étranger dans la zone d'attente durant « l'examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée » sans d'ailleurs définir cette dernière notion, elle reste muette sur le cas des étrangers maintenus dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. Ces derniers peuvent-ils formuler pareilles demandes ? Si la réponse est oui, quels sont les délais d'examen de ces demandes ? Les personnes « maintenues » pour ne pas dire internées ou emprisonnées, auront-elles la possibilité de circulation ? Les associations et les organisations de défense des droits humains auront-elles un droit de regard sur le fonctionnement de ces zones d'internement ? Quel serait le statut des migrants hébergés ou retenus dans ces zones ? Les personnes maintenues auront-elles la possibilité d'introduire des demandes d'asile ? De quelles garanties disposent-elles ?81

L'appellation des centres : au-delà des mots, l'enfermement...

Ces centres de rétention pourraient-ils se rapprocher des « detention centers » britanniques ou des « centres de transit » hors de l'UE qui furent à l'ordre du jour lors du Conseil européen de Thessalonique82 et auxquels Londres s'est déclaré toujours attaché, incluant le Maroc dans la liste83 ? La question des demandes d'asile avait en effet fait l'objet d'une proposition britannique de traitement à l'extérieur des frontières de l'UE. Présentée d'abord au Conseil informel Justice et Affaires Intérieures (JAI) des 28 et 29 mars 2003, cette proposition visait deux objectifs :

- établir des « zones de protection régionales » (regional protection areas) où on pourrait transférer les demandeurs d'asile afin d'y voir leur demande examinée ; ces zones de protection peuvent être installées dans des régions de provenance de réfugiés (comme le Maroc, la Turquie ou l'Iran)84.

- créer des « centres de transit et de traitement » (transit processing centers) extra territoriaux qui géreraient les demandes d'asile avant l'entrée en Europe des réfugiés potentiels afin de décourager et de diminuer le nombre de ceux qui pénètrent de manière illégale et font des demandes d'asile « manifestement infondées ». Ces centres seraient situés aux frontières extérieures de l'Union, dans des pays comme la Roumanie, la Croatie, l'Albanie ou l'Ukraine.

Le but officiel de cette proposition est de réduire progressivement le nombre de demandeurs entrant au Royaume-Uni et de dissuader les « faux demandeurs » pour l'ensemble de l'UE. En externalisant les demandes d'asile et en délocalisant leur procédure, ceci revient en fait à « tenir à l'écart et mettre à distance »85 des demandeurs d'asile en les empêchant d'entrer en Europe. En procédant de la sorte, on se dérobe en fait aux obligations du droit international des droits humains, en contournant notamment la Convention de Genève du 28 juillet 1951 que Tony Blair considère « largement dépassée » et qui n'oblige pas, selon lui, les Etats à examiner les demandes dans le pays « les faux demandeurs d'asile » qui « abusent du système » en étant des migrants « économiques ». L'Angleterre a réussi à changer l'ordre du jour du Conseil européen de Thessalonique, en ajoutant l'examen de sa proposition. Si celle-ci ne fut pas formellement retenue, le Conseil a néanmoins laissé la possibilité d'engager des projets pilotes pour lesquels, outre l'Angleterre, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas ont manifesté un grand intérêt pour les mener entre eux.

Comme exemple flagrant d'instrumentalisation à cette fin d'organisations internationales, que nous évoquions plus haut, on peut citer le cas du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Invité le 28 mars 2003 par les ministres de l'Intérieur des pays de l'UE à donner à Véria son avis sur la suggestion de T. Blair, le Haut Commissaire a apporté de l'eau au moulin des défenseurs de ce projet, en déplorant que le système d'asile soit détourné par « les faux demandeurs d'asile » qui « abusent du système » en étant des migrants « économiques ». Abondant dans l'esprit de la proposition anglaise d'externalisation des demandes d'asile, il leur a proposé de les aider à établir des normes et critères pour identifier les personnes n'ayant pas besoin de protection internationale et d'instaurer pour celles-ci un système commun - et allégé - d'accueil et d'examen de leurs demandes d'asile, afin de les traiter avec plus de célérité et d'alléger le « fardeau » des pays européens, en proposant l'extension de l'usage des notions de « pays d'origine sûr » et de « pays-tiers sûr » pour des pays où « il est clair que les flux sont composés de personnes sans fondement de demander une protection internationale ».

Le recours au concept de « pays d'origine sûr » est fait pour restreindre l'accès à la procédure d'asile ordinaire. Pour parvenir à cette fin, certaines interprétations vont jusqu'à ne pas faire mention du bénéfice du doute, dans la mesure où c'est au demandeur qu'il incombe de prouver que le pays n'est pas « sûr » pour lui. De même, l'appel à la notion de pays-tiers sûr a pour objectif de transférer la responsabilité de l'examen de la demande d'asile à un pays-tiers, alors que, selon les normes du droit international des réfugiés, c'est à l'Etat dans lequel une demande d'asile est déposée qu'il revient en premier lieu d'assumer le devoir d'accorder la protection internationale, le transfert à un pays-tiers ne pouvant être envisagé que de façon exceptionnelle. Nous constatons ainsi qu'il y a un véritable détournement et dévoiement du droit humanitaire.

Le recours aux notions de « pays d'origine sûr », et de « pays-tiers sûr », constitue une volonté non seulement de « responsabiliser » les pays d'origine pour garder leurs ressortissants, mais aussi d'impliquer de manière plus forte des pays-tiers dans le premier accueil et le transit, afin d'éviter aux dispositifs nationaux des pays européens de supporter l'accueil des demandeurs d'asile et d'examen de leurs demandes. Les avantages des centres d'asile ou de transit extra-européens autorisant un traitement à distance des demandes d'asile seraient en effet de deux ordres selon le Haut commissaire Lubbers. D'abord, ils seraient plus économiques, en raison de l'utilisation de l'infrastructure et des moyens existants : partage des ressources, des assesseurs, des interprètes et des conseillers juridiques. Ensuite, cela favoriserait une diminution des flux irréguliers. Un an plus tard, le 12 août 2004, affolée par l'arrivée de trente sept personnes en Italie sur le Cap Anamur, l'Allemagne qui s'était opposée à Thessalonique à l'Angleterre, a changé d'avis et initié une démarche commune avec l'Italie, avec le soutien sans réserve de Londres. De manière concrète, les ministres de l'Intérieur allemand et italien, Giuseppe Pisanu et Otto Schily, reprirent l'idée de créer des centres d'asile ou centres d'accueil pour les immigrés clandestins dans les pays d'Afrique du Nord, dont la Libye et le Maroc, afin d'empêcher la traversée des migrants et des demandeurs d'asile subsahariens qui tentent de gagner l'Europe. Appelés « portails d'immigration », il s'agirait selon les propos du ministre de l'Intérieur allemand, de créer une « institution européenne » chargée de sélectionner, dans des camps situés hors des frontières de l'Union, des demandeurs d'asile et des migrants souhaitant accéder au territoire européen. Dénommés par la suite centres d'« accueil » à vocation humanitaire, ces espaces constituent en fait des lieux d'internement, d'enfermement pour parquer, trier et renvoyer des personnes qui gênent en Europe avant qu'elles n'atteignent les territoires européens.

Cette nouvelle initiative italo-allemande avait déjà eu l'assentiment de Rocco Buttiglione, pressenti en tant que nouveau commissaire européen en charge de la Justice, de la Liberté et de la Sécurité, avant d'être récusé par le Parlement européen, obligeant José Manuel Barroso à le retirer de la liste des titulaires de portefeuille dans la Commission européenne qu'il préside86. Buttiglione avait qualifié la création de ces camps de « bonne idée ». La proposition fut également discutée par les ministres de l'Intérieur du G5 (Italie, Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne, France) réunis à Florence le 17 octobre 2004. La France et l'Espagne ont récusé la conception italo-allemande, estimant que des centres de ce genre engendrent des effets « pervers », par exemple de regrouper des personnes qui ne tarderont pas à réagir comme une minorité « détestant l'Europe » que d'aucuns pourraient exploiter à d'autres desseins, en les utilisant comme des centres de contamination terroriste aptes à devenir des « bombes à retardement ». Mais, comme solution alternative, Paris et Madrid n'ont-ils pas préféré ce qu'ils appellent des « points de contact » ou « points d'accueil » où pourraient être examinées et traitées les demandes d'asile, en donnant notamment la possibilité aux réfugiés de se renseigner sur leurs droits et de trouver aussi « éventuellement », les moyens de retourner chez eux si leurs demandes apparaissent comme irrecevables ? Comme on le constate, la différence n'est pas sur le principe même de ce genre de structures, mais sur la nécessité de les « humaniser ». Ainsi du côté espagnol, José Antonio Alfonso, le numéro deux du gouvernement à Madrid avait précisé : « Nous ne soutiendrons pas un projet qui ne respecterait pas l'aspect humanitaire et les droits de l'Homme »87. En d'autres termes, si « l'humanisation » est assurée, alors l'objection pourrait être levée.

Voilà pourquoi la plus grande vigilance s'impose. L'idée des « centres » n'a nullement été définitivement enterrée, mais momentanément écartée. Elle risque de revenir à l'ordre du jour à la moindre nouvelle opportunité qui se présente, sachant qu'elle constitue un point stratégique dans la démarche des partisans de la fermeture des frontières de l'UE comme nous l'avons montré tout au long de nos développements, et que la position des capitales maghrébines est ambiguë et manque de cohérence. En effet, même si cela n'a été fait que tardivement, le ministre marocain de l'Intérieur s'est déclaré opposé à l'idée de créer au Maghreb des centres de rétention pour les clandestins originaires de pays d'Afrique subsaharienne qui tentent de gagner l'Europe : « Le Maroc n'est pas convaincu de la création de ces centres de rétention dans les pays maghrébins »88 comme le suggèrent certains pays européens. Mais le ministre n'a-t-il pas oublié que, pour le Maroc, la loi 02-03 sur l'im(é)migration, votée fin juin 2003, a prévu dans la pratique dans son article 34 l'existence de « locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pendant le temps strictement nécessaire au départ de l'étranger »? Cette formulation pudique ne renvoie-t-elle pas en réalité aux centres de rétention ?

Par ailleurs, Tunis, Alger et même Tripoli ont clairement et officiellement manifesté leur opposition à ces centres : « L'Algérie ne pourra pas accepter d'avoir sur le territoire d'un pays du Maghreb un camp où seront parqués les immigrants clandestins en attendant que leurs dossiers soient régularisés dans un pays européen »89, avait averti le ministre algérien des Affaires Etrangères Abdelaziz Belkhadem. Auparavant, le projet de camp en Afrique du Nord avait trouvé un opposant en la personne du Premier ministre libyen, Choukri Ghanem : « Cela ne nous parait pas une bonne idée de mettre les immigrés illégaux dans des camps dans certains pays. Il faut les aider à rester où ils habitent en favorisant la création d'emplois »90. Mais Tripoli n'adopte-t-elle pas dans la réalité une politique qui s'inscrit dans la pratique dans cette logique de l'enfermement et de la répression des immigrés subsahariens avec notamment l'emprisonnement d'une partie d'entre eux, leur refoulement et/ou leur expulsion par charters ?

En revanche, un large mouvement s'est développé au sein de la société civile en Europe contre ce genre de projets. Comme l'a souligné une déclaration de la Coordination française pour le droit d'asile en date du 24 août 2004, l'externalisation des procédures d'immigration et d'asile, associée à la gestion centralisée des candidats réfugiés dans des camps hors d'Europe, est inacceptable. Affichée comme la solution aux « problèmes complexes et dramatiques de l'immigration clandestine et du trafic des êtres humainselle n'est en réalité que l'expression renouvelée d'une politique restrictive de l'accès au territoire européen, elle-même première cause de ces drames et appliquée sans nuance aux demandeurs d'asile en recherche de protection comme aux migrants »91.

Un peu plus tard et concernant la même initiative italo-allemande, un autre collectif d'ONG participant au réseau Migreurop, avec le soutien de députés européens, réagit avec la même grande fermeté : « Si elle venait à se concrétiser, cette proposition consacrerait une régression sans précédent dans la façon dont l'Europe entend assumer ses responsabilités à l'égard des populations fuyant les conflits, les violations des droits de l'Homme et la misère. Elle serait le prolongement d'une logique cynique, qui, loin de prendre en compte les causes de ces migrations pour y apporter des réponses, ne cherche depuis dix ans qu'à protéger l'Europe des victimes des désordres mondiaux, au risque de voir resurgir comme dans les années 1930 ou pendant la guerre de Bosnie des camps de réfugiés de sinistre mémoire »92.

A l'approche du Conseil européen des 4-5 novembre 2004, le mouvement de contestation s'était amplifié. C'est ainsi qu'un communiqué de presse du 2 novembre 2004 annonçait, liste des signataires à l'appui, que plusieurs centaines d'ONG et d'élus européens s'opposaient à la création de camps : « L'Europe, au moment de franchir une nouvelle étape vers l'intégration politique, ne doit pas s'engager dans la voie dangereuse de l'externalisation des procédures d'asile et d'immigration : ce serait renoncer aux responsabilités qui lui incombent en application des engagements internationaux auxquels elle a souscrit. L'idée de créer des camps à nos frontières, qu'on leur donne le nom de 'portails d'immigration' ou de 'points de contact', doit être définitivement abandonnée par l'Union européenne, et ne plus resurgir à chaque fois qu'un naufrage dramatique ou une arrivée médiatisée de migrants démontre l'échec des politiques en matière de maîtrise des flux migratoires »93.

Or le « recul » tactique opéré par les Etats concernés après le lancement de leurs ballons d'essai, n'est pas un renoncement à ces camps. La Commission européenne avait en effet débloqué auparavant un million d'euros pour étudier - avec l'apport du HCR et/ou de l'OIM - la faisabilité de ce genre de camps et le développement d'un système d'asile national. Cinq projets pilotes ont été retenus, couvrant chacun un des cinq pays maghrébins suivants : Maroc, Mauritanie, Algérie, Tunisie, Libye94. Un débat au Parlement européen tenu en novembre 2004 le confirme. Répondant à une question parlementaire sur les projets de camps de réfugiés aux frontières de l'UE, le représentant à la Commission européenne a en effet déclaré :

« Ces suggestions présentées par certains Etats membres n'ont pas été agréées au niveau de l'UE. Néanmoins, il est certain que pareilles propositions continueront à être formulées aussi longtemps que subsisteront les problèmes à résoudre. Toutefois, les idées auxquelles nous venons de faire référence, ne doivent pas être confondues avec les récentes propositions de la Commission, validées par le Conseil, visant à renforcer la protection des réfugiés dans les régions d'origine, en établissant par l'UE des programmes de protection régionale.(...) L'objectif de ces programmes qui devraient traduire l'expression concrète de notre responsabilité dans l'assistance des pays-tiers dans leurs efforts pour mieux gérer l'asile, est de permettre aux pays de la région d'origine d'assurer une protection effective des personnes demandant une protection internationale et ce, le plus rapidement possible et aussi près des pays où il y a des troubles. Le partenariat avec les pays-tiers concernés, l'étroite coopération avec le HCR et le respect des instruments légaux internationaux, en particulier la Convention de 1951 sur l'asile, constitueront les principes qui guideront l'application de ces programmes »95.

L'allusion aux décisions du Conseil européen du 4-5 décembre 2004 renvoie à l'invitation à la Commission « d'élaborer des programmes de protection régionaux de l'UE en partenariat avec les pays-tiers concernés et en étroite consultation et coopération avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Ces programmes s'inspireront de l'expérience acquise lors de la mise en œuvre des programmes de protection pilotes qui seront lancés avant la fin de 2005 »96. Relevons ici que l'Union européenne a déjà convaincu les pays maghrébins d'adhérer à cette vision. Ceci ressort notamment des conclusions de la présidence de la Conférence euro-méditerranéenne des ministères des Affaires Etrangères tenue à La Haye du 29 au 30 novembre 200497. A notre sens, derrière cette décision de financer des centres « pilotes » dans les pays du Maghreb, y compris le Maroc, et de lancer une étude de faisabilité concernant le traitement des demandes d'asile à l'extérieur de l'UE, l'objectif doit être clarifié. Il s'agit moins d'assurer la protection des demandeurs d'asile que de développer les capacités en matière d'asile dans les pays d'Afrique du Nord afin de protéger l'Europe et de lui éviter l'arrivée de demandeurs d'asile. En d'autres termes, au lieu de protéger les réfugiés, l'Europe se protège d'eux en lançant un processus de « sacralisation » des frontières extérieures et du territoire de l'UE et en renforçant l'idée d'une Europe en danger.

Ainsi, après avoir été déclaré coupable d'émigration et de transit, de manière explicite par le Groupe de Haut Niveau Asile-Migrations ou implicitement par le Conseil européen de Séville (juin 2002), le Maroc reçoit l'injonction de retenir désormais les siens et toutes les personnes qui s'y trouvent et de les soumettre (pour les nationaux) à une sorte d'assignation à résidence, et pour les étrangers en transit vers l'Europe à l'obligation de retourner chez soi. Dans l'ambiance de guerre migratoire qui prévaut en Méditerranée, le Maroc n'est-il pas en train d'être transformé par l'UE en un « no migrant's land », par rapport à l'Europe, un « glacis migratoire » et un « cul-de-sac » ou un pays-impasse ? Le Maroc semble en effet aller vers l'adoption d'une position comportant deux volets complémentaires répondant à la même logique. La première est de permettre une cogestion relative avec les sécuritaires de l'UE des contrôles frontaliers au Maroc. La seconde est d'assumer les responsabilités sécuritaires que lui a partiellement transférées l'UE, ce qui exige de lui en particulier la signature d'accords de réadmission avec les pays subsahariens et l'inflexion profonde de sa politique extérieure au niveau du continent africain pour payer son tribu à la mondialisation sécuritaire. Un des indices patents est l'accomplissement par le Maroc de cinq « opérations de rapatriement » de Nigérians depuis le 30 novembre 2003, effectuées tour à tour à partir de l'aéroport d'Oujda (416 personnes), Nador (le 3 décembre 2003 pour 207 ressortissants nigérians), Fes-Saïs (groupe de 480 clandestins le 20 décembre 2003 composé de 311 hommes, 160 femmes, 9 enfants), puis Tanger et Rabat. Il est significatif de relever que ces opérations ont été bien appréciées par la Commission européenne, étant qualifiées de « succès »98 et encouragées implicitement pour leur renouvellement.

Le ménage pour le compte de l'UE

Pour les autorités marocaines, chacune de ces cinq opérations qui ont concerné au total près de 2 000 personnes, s'est « basée sur le principe du retour volontaire » et s'est faite « dans le respect des droits de l'Homme et de la dignité des personnes rapatriées »99. Ayant pris goût à ces opérations massives de refoulement, ces mêmes autorités ont déclaré à la troisième occasion qu'elles « se félicitent de la réussite de cette opération et souhaitent consolider avec tous leurs partenaires cet esprit de coopération constructive, pour une gestion conjointe, responsable et concertée en matière de lutte contre la migration clandestine »100. En effet, le ministère marocain de l'Intérieur a tenu à préciser lors de l'opération de Fès-Saïs, que celle-ci s'est déroulée « dans le cadre de la responsabilité régionale partagée en matière de lutte contre la migration clandestine et dans la continuité de la dynamique de coopération étroite dans ce domaine entre les autorités marocaines et nigérianes »101, signifiant par là qu'un accord de réadmission a été signé entre le Maroc et le Nigeria, celui-ci étant déjà lié par un accord similaire avec l'Espagne102.

En fait, l'appellation de « rapatriement par voie aérienne » n'est qu'un euphémisme pour ne pas parler d'expulsions par charters. Comme pour les charters de l'humiliation organisés par l'Europe et nommés pudiquement « vols groupés », ces « opérations [volontaires !] de rapatriement » ne sont en réalité que des renvois collectifs prohibés par le droit international et notamment par la Convention des Nations Unies pour la protection des travailleurs migrants et de tous les membres de leurs familles, entrée en application le 1er juillet 2003 et à laquelle le Maroc a adhéré dès 1993. Son article 22 stipule en effet que l'expulsion ne doit jamais être collective, qu'elle doit être dûment motivée et examinée sur une base individuelle. Selon la même disposition, l'étranger a également le droit de faire valoir ses raisons contre cette mesure, de faire examiner son cas par une autorité compétente et d'en demander la suspension, sauf circonstances exceptionnelles liées à « des raisons impératives de sécurité nationale »103. L'invocation de cette convention internationale ratifiée par le Maroc est très importante, car elle prime sur le droit interne, d'autant plus que les articles 25 à 33 de la loi marocaine 02-03 sont très loin des nécessités précédentes, ne prévoyant aucun droit de recours face à une décision d'expulsion, aucune obligation de motivation, ni aucune des causes qui engendrent la prise d'une décision d'expulsion. D'ailleurs, dans ses observations finales en date du 5 novembre 2004, le Comité des Droits de l'Homme, relevant des Nations Unies, n'a pas manqué de condamner le Maroc concernant son cinquième rapport périodique en matière de droits de l'Homme, présenté à Genève fin octobre 2004104. Parmi les principaux sujets de préoccupation et recommandations soulevés en direction du gouvernement marocain, figure en effet la dimension suivante : « Le Comité est préoccupé du fait que l'article 26 de la nouvelle loi sur le séjour des étrangers permet le renvoi sans délai d'un étranger qui est considéré comme représentant une menace pour la sûreté de l'Etat, alors même qu'il pourrait être victime de torture ou de mauvais traitements ou risquerait la peine capitale dans le pays de réception. L'Etat partie devrait mettre en place un système permettant à tout étranger qui prétend que son renvoi l'exposerait à la torture, à de mauvais traitements ou à la peine capitale, d'interjeter appel qui aurait un effet suspensif sur son renvoi »105. Insistons pour dire, comme l'ont déjà exprimé des ONG africaines et européennes contre les charters de l'humiliation, que ces moyens de renvoi collectif symbolisent et encouragent une logique incontrôlable et dangereuse tant pour le respect de l'intégrité des individus, pour la démocratie dans les pays qui recourent à ce genre de pratique, que pour l'avenir des relations entre les peuples106. Les expulsions collectives par charters amènent nécessairement les autorités qui en sont responsables à négliger l'examen de la situation de chaque personne concernée, au risque de mal estimer les conséquences individuelles du renvoi et de porter ainsi atteinte à l'institution de l'asile et des droits fondamentaux des personnes concernées. De plus, loin d'être fondée sur le principe du retour volontaire, du respect des droits de l'Homme et de la dignité des personnes concernées, l'exécution de ces renvois collectifs par la contrainte est irréalisable sans l'utilisation de moyens et de techniques policières particulièrement coercitives, pouvant à tout moment déraper dans les brutalités, les violences et l'atteinte à l'intégrité physique des expulsés.

Le symbole des charters que le gouvernement marocain utilise comme signal de dissuasion à l'égard des populations tentées par l'immigration est une traduction de la politique sécuritaire européenne qui véhicule un message d'humiliation et de mépris à l'égard de l'ensemble des populations concernées par l'im(é)migration. C'est le sens de la pétition lancée le 23 janvier 2004 à l'initiative de l'Association des Travailleurs Maghrébins de France (Atmf) : « Les associations d'immigrés marocains d'Europe impliquées dans une campagne européenne contre les charters de l'humiliation qui touchent, entre autre, des marocains migrants en Europe, s'insurgent contre le sort réservé aux migrants africains au Maroc. Nos associations appellent le gouvernement marocain à respecter ses engagements internationaux et à arrêter immédiatement ces charters de la honte qui nous rappèlent l'histoire sombre des caravanes d'esclaves, d'autant que l'ONU a décidé que 2004 soit l'année de commémoration de l'abolition de l'esclavage »107.

Mais les autorités marocaines ont utilisé d'autres méthodes de répression contre les subsahariens en transit vers l'Europe, en s'attaquant aux camps qui les abritent. Déjà, en 2002, deux camps de clandestins pouvaient être identifiés au nord du Maroc : Bel Younech, forêt dans la province de Tétouan (300 km au nord de Rabat), dont la population ne dépassait pas 300 personnes, et Gourougou, forêt dans la province de Nador (500 km au nord est de Rabat) dont la population ne dépassait pas 150 personnes. En automne 2004, ces deux camps informels ouverts, regroupent plus de 3 000 personnes de différentes nationalités vivant dans des conditions très précaires et subissant des assauts répétés des forces de l'ordre marocaines108. Le 21 juillet 2002, une première attaque d'envergure fut menée par les autorités de Tétouan, occasionnant plusieurs blessés parmi les subsahariens de Bel Younech. La nuit du 25 au 26 février 2004, le camp Gourougou fut en deuil, à la suite de la mort de deux victimes nigériennes, les forces auxiliaires de Nador étant pointées du doigt selon des témoignages concordants109. Le 24 avril 2004, au moment de la première visite au Maroc du président du gouvernement espagnol J.L. Zapatero, à qui on voulait transmettre le « message » selon lequel le Maroc ne pratique pas le « laxisme » ou le « laisser-faire », mais assure au contraire le ménage pour l'UE en général, et l'Espagne en particulier, deux autres assauts violents ont été déclenchés contre les deux camps de Gourougou et Belyounech, avec l'usage pour la première fois de chevaux et d'un hélicoptère. Les forces de l'ordre ont incendié le premier camp en brûlant toutes les affaires confisquées (principalement l'aide humanitaire) et en détruisant totalement le patrimoine du camp. Au bilan, on relève 8 blessés, 116 personnes de diverses nationalités arrêtées et environ 500 personnes sans abri, ni nourriture.

Ces violences contre les migrants subsahariens en transit vers l'Europe ont suscité l'organisation le 18 mai 2004 d'une manifestation de protestation devant l'ambassade du Maroc à Paris. Dans l'appel à rassemblement, les ONG concernées soulignent en particulier le fait que « cette tragédie humaine pose notamment la question de la responsabilité de l'Union européenne qui, par le biais de sa coopération Nord-Sud, tente d'imposer à ses partenaires du Sud un rôle de gardien de son territoire contre les migrants, érigeant ainsi à sa périphérie extérieure un mur protecteur. Elle pose également la responsabilité de l'Etat marocain qui s'est prêté à être le gardien de ce nouveau rideau de fer et le sous-traitant de la répression des migrants subsahariens »110.

Voila pourquoi, « les organisations signataires condamnent fermement les autorités marocaines qui pratiquent la maltraitance, la violence, l'emprisonnement, les expulsions comme un mécanisme de dissuasion ; les autorités européennes qui, pour étancher leurs frontières, conditionnent leur aide aux Etats du sud à des contraintes de répression de l'immigration »111.

La rapporteuse spéciale sur les droits de l'Homme des migrants, Gabriela Rodriguez Pizarro, a également manifesté sa vive inquiétude et préoccupation à ce propos et demandé des explications à ce sujet au gouvernement marocain en l'invitant « à mettre fin à la dichotomie existant entre ce que le pays[le Maroc] demande pour ses migrants à l'étranger en termes de protection et le degré de protection et d'assistance et le traitement qu'il offre aux migrants étrangers relevant de sa juridiction »112. La précédente remarque pourrait s'adresser au ministre marocain des Affaires Etrangères et de la Coopération pour le reproche adressé à l'Union européenne, mais qu'il oublie très vite s'agissant de la politique marocaine à l'égard de l'immigration subsaharienne : « alors que les politiques sociales et de migration se communautarisent, il importe que ces questions ne soient pas abordées sous le seul prisme sécuritaire ni sous le seul angle de l'émigration clandestine. Elles doivent être traitées dans leurs aspects global et régional »113.

On constate ainsi que l'Europe cadenasse ses frontières, délègue le contrôle, exporte et sous-traite la répression supposée dissuasive vis-à-vis des migrants. Ce faisant, on devient au niveau des officiels du Nord moins regardant sur le non respect par le Sud des droits de l'Homme à l'égard des migrants, puisque le service rendu arrange d'abord les autorités du continent européen qui se voient débarrassées du travail besogneux et de bas étage et, surtout, protégées de la venue des populations du sud indésirables. Dans cet esprit, une question se pose : la nouvelle direction des migrations et de la surveillance des frontières ainsi que l'Observatoire des migrations, dont la création au sein du ministère marocain de l'Intérieur a été officialisée le 22 décembre 2004, orienteront-ils leur action, comme nous l'avons déjà analysé, dans un esprit purement sécuritaire ? Le conseil de gouvernement tenu à Rabat le 23 septembre 2004, ne s'est-il pas félicité de cette politique sécuritaire au point qu'à l'issue de ses travaux, le ministre de la Communication, porte parole du gouvernement, a tenu à préciser que ceci « a permis à notre pays d'occuper une place de choix dans le rapport annuel de l'administration américaine relatif à la lutte contre l'immigration aux cotés de pays avancés tels l'Espagne, l'Angleterre et l'Allemagne »114. Le même jour, les forces de l'ordre marocaines procédaient à de vastes « coups de filet », arrêtant 603 subsahariens, dont 530 uniquement à Rabat pour les acheminer directement par autocars réquisitionnés vers Oujda et les expulser vers l'Algérie, sans même les présenter à la justice115.

Or cette pratique, renouvelée à Rabat à la veille de la tenue du « Forum pour l'Avenir » (10-11 décembre 2004 sous la présidence américano-marocaine), tient-elle compte du fait qu'un certain nombre de personnes reconduites aux frontières est en droit d'invoquer le droit d'asile, conformément à la législation internationale sur les réfugiés ?116

Renforcer au Maroc le statut des réfugiés, mais...

L'interpellation nous paraît être de la plus haute importance car, outre la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au Statut des Réfugiés117 et son Protocole du 31 janvier 1967, le Maroc a ratifié un autre instrument important, à savoir au niveau régional « la Convention de l'Organisation de l'Unité Africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique » adoptée le 10 septembre 1969118. La convention de Genève est précise. Est réfugié celui qui a quitté son pays avec une crainte légitime d'être persécuté ; cette crainte peut être fondée sur ce qui a eu lieu dans le passé ou qui aura lieu dans le futur ; cette crainte doit provenir de la race, de la religion, de la nationalité, de l'appartenance à un groupe politique spécifique, des opinions politiques. Cette crainte est la raison qui rend le demandeur d'asile incapable de retourner dans son pays d'origine.

Par ailleurs, pour les Etats contractants, une autre obligation de protection découle de cette même convention de Genève, notamment ses articles 33 et 31. Ce dernier indique que : « Les Etats contractants n'appliquent pas des sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leurs séjours irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l'article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières »119.

La Convention de l'OUA est plus en avance sur l'instrument précédent, dans la mesure où, outre l'incorporation de l'acquis de Genève, est considérée comme réfugiée toute personne qui doit abandonner son pays « du fait d'une agression, d'une occupation extérieure, d'une domination étrangère ou d'évènements troublant gravement l'ordre public dans une partie ou dans la totalité » de ce pays. Autrement dit, dans le cadre de cette définition large du terme de réfugié, l'asile peut être donné à toute personne qui fuit des conflits armés, des coups d'Etats, une situation d'instabilité politique et sociale, de désordre civil, ou bien qui est forcée de se déplacer. Or justement, ceci n'est-il pas le cas pour de nombreux subsahariens qui viennent au Maroc à travers l'Algérie essentiellement (d'autres se dirigent vers la Libye et, moins nombreux vers la Tunisie) et qui sont ressortissants de pays connaissant une guerre inter-étatique, des conflits meurtriers de toutes sortes, ou bien de graves troubles à l'ordre public comme le Congo-Brazaville, la République Démocratique du Congo, la Sierra Leone, le Nigeria, la Somalie, la Côte d'Ivoire... ? Le respect de cette convention est d'autant plus indispensable que le Maroc n'a pas dénoncé cet instrument, bien qu'il ait quitté l'OUA pour des raisons politiques liées à la défense de l'intégrité territoriale du pays, après l'admission illégale de la République Arabe Sahraouie Démocratique à l'OUA le 12 novembre 1984120. Cette absence de procédure équitable et transparente de détermination du statut de réfugié interpelle non seulement les autorités marocaines et la société civile marocaine, mais également le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et particulièrement sa représentation à Casablanca...

Parmi les points pressants à prendre en considération, on peut citer les suivants :

- instaurer une procédure d'asile nationale transparente, équitable et clairement identifiée, dans le respect des textes internationaux ratifiés par le Maroc, notamment la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut de réfugiés et son Protocole du 31 janvier 1967 et de la Convention de l'OUA, adoptée le 10 septembre 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique ;

- s'assurer du plein respect du droit des personnes à demander l'asile, en respectant notamment les dispositions de la Convention de Genève qui précisent qu'il ne sera pas reproché à un réfugié d'être démuni des documents de voyage (article 31) et qu'il convient de retenir en leur faveur le principe de non expulsion ou non refoulement (article 33) ;

- s'abstenir de toute mesure collective d'expulsion, chaque cas d'expulsion devant être examiné et tranché par une décision de justice sur une base individuelle ;

- veiller à ce que les « garanties » existant dans le cadre de la loi 02-03 relative à l'entrée et au séjour des étrangers soient appliquées : notification à l'intéressé de la décision de reconduite à la frontière dans une langue qu'il comprend ; pour toute décision de reconduite à la frontière, informer les concernés des voies de recours offertes, en particulier la possibilité de former un recours suspensif devant le tribunal administratif ; s'assurer que ni femme enceinte ni mineur ne soit éloigné du territoire ; pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat, d'un médecin ainsi que de la protection et de l'assistance des autorités consulaires ou diplomatiques des Etats d'origine ;

- engager les moyens humains et financiers nécessaires à la réalisation effective du mandat du HCR par sa délégation accréditée au Maroc (Casablanca), en concertation avec les ONG spécialisées.

Procédons de nouveau à une clarification très importante pour dissiper toute ambiguïté. Le besoin d'établissement d'un statut des réfugiés au Maroc et la nécessité de respecter les garanties qui lui sont liées ne doivent pas être confondus avec les différents projets de l'UE tendant à l'externalisation des procédures d'asile. Or, si l'implication du HCR est incontournable, celui-ci ne doit pas être instrumentalisé ou être « complice » en inscrivant son action dans une logique qui se préoccuperait aussi du « contrôle frontalier », de gestion sécuritaire et de « maîtrise des flux migratoires » au lieu de ne s'intéresser qu'à la protection des réfugiés et des demandeurs d'asile. En effet, la position du HCR est de dire qu'une meilleure coopération internationale doit avoir pour objectif aussi bien la protection des réfugiés et la recherche de solutions durables que le contrôle des frontières. Avec une telle approche, telle que reflétée dans l'initiative « Convention Plus » qu'il a lancée, le HCR estime nécessaire d'instaurer des accords globaux de coopération qui facilitent la coopération tout en tenant compte d'une « bonne gestion des frontières ». Celle-ci suppose notamment des accords « efficaces » pour le retour de ceux qui n'ont pas besoin d'une protection internationale, y compris des accords de réadmission avec le pays d'origine.

Par ailleurs, les chefs d'Etat et de gouvernement européens ont bien réaffirmé, lors du Conseil européen tenu à Bruxelles le 5 novembre 2004, que leur priorité restait la lutte contre l'immigration illégale. Dans ce sens et à l'adresse de la Commission, le Conseil a décidé qu'« une étude, qui devrait être menée en étroite concertation avec le HCR, devrait évaluer le bien-fondé, le caractère opportun et la faisabilité d'un traitement commun des demandes d'asile en dehors du territoire de l'UE »121. Les mêmes conclusions de la Présidence précisent plus loin que la politique de l'UE devrait viser, dans le cadre d'un partenariat, à « soutenir les efforts déployés par les pays-tiers pour améliorer leur capacité à gérer les migrations et à protéger les réfugiés, pour régler la situation des réfugiés en leur offrant un meilleur accès à des solutions durables, pour renforcer les moyens de surveillance des frontières, pour améliorer la sécurité des documents et pour s'attaquer au problème de retour »122.

S'agissant de l'interprétation qu'il donne à l'amélioration de l'accès à des solutions durables, le Conseil européen « invite la Commission à élaborer des programmes de protection régionaux de l'UE en partenariat avec les pays-tiers concernés et en étroite consultation et coopération avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Ces programmes s'inspireront de l'expérience acquise lors de la mise en œuvre des programmes de protection pilotes qui seront lancés avant la fin de 2005 (et) utiliseront différents instruments pertinents, centrés essentiellement sur le renforcement des capacités »123. Le but est par conséquent très clair. Pour l'Union européenne, il s'agit de développer des « programmes de protection des réfugiés » près des régions d'origine et dans les pays de transit pour aider les pays du Maghreb à contrôler leurs frontières et à renforcer leur capacité d'accueil de réfugiés d'Afrique subsaharienne, en mettant en avant notamment la notion de « pays-tiers sûr », telle que nous l'avons analysée précédemment...

Par la suite, mettant en avant les promesses de récompense en termes financiers et/ou en possibilité d'émigration, le Conseil européen précise s'agissant du partenariat avec les pays et régions de transit : « Les pays qui font preuve d'une réelle volonté de s'acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, se verront offrir une aide visant à renforcer les capacités de leur régime national d'asile et les contrôles aux frontières ainsi qu'une plus vaste coopération en matière de migration »124. Dans le même domaine, le Maroc est invité à gérer le flux migratoire subsaharien, en contrepartie de l'opportunité de bénéficier « des possibilités offertes par les programmes de l'Union relatifs à la migration »125. L'allusion est faite ici notamment aux fonds européens importants (250 millions d'euros pour la période allant de l'année 2004 à fin décembre 2008) destinés au renforcement des Etats-tiers, pour les inciter à répondre aux volontés sécuritaires de l'Union : conclusion d'accords de réadmission, application de politique de retour, renforcement du contrôle frontalier, gestion des flux migratoires...126.

Peut-on dire maintenant qu'à l'intérieur de l'UE, les pays euro-latins ont une sensibilité plus grande à la question migratoire dans le sens d'une plus grande ouverture et de l'adoption d'une politique équilibrée en ce domaine ? Les euro-latins jouent-ils réellement sur cette thématique un rôle de lobbying, de champions et d'avocats des intérêts des pays du Maghreb concernés auprès de Bruxelles ?

Les « 5+5 » ou l'obsession de réadmission des frères maghrébins par les sœurs latines

Prédominance de la vision sécuritaire

En dépit du « Dialogue 5+5 »127, aucun réel rééquilibrage de la politique européenne en matière d'immigration n'a eu lieu, l'aspect sécuritaire restant dominant chez les gouvernements de la rive nord. Cette tonalité a été même plus vivace lors de la rencontre du même groupe à Oran (23-24 novembre 2004) sur la problématique de la lutte contre le terrorisme et l'immigration clandestine, entretenant ainsi un amalgame dangereux et pernicieux en la matière. L'attitude de l'Espagne a connu des changements en matière de politique migratoire, depuis le retour des socialistes au pouvoir en mars 2004. Ils se sont notamment concrétisés par l'opération de régularisation-normalisation décidée par le décret adopté le 30 décembre 2004, ouvrant la voie à la régularisation des travailleurs « clandestins » qui ont déjà un contrat d'au moins six mois et qui ont séjourné en Espagne au moins six mois avant la date de publication du décret128. Mais Madrid qui voulait déjà punir les pays coupables d'émigration et de transit vers l'UE lors du Conseil européen de Séville (juin 2002), maintient et intensifie son forcing à l'égard des pays comme le Maroc, qui connaissent une forte pression migratoire et ne collaborent pas, de son point de vue, malgré les promesses de « récompense » cette fois-ci, annoncées lors du Conseil européen de Thessalonique (19 juin 2003).

Au « Forum des 5+5 » à Rabat, l'intervention de la délégation espagnole était caractérisée par l'obsession sécuritaire, insistant sur l'urgente nécessité d'adopter des mesures entre les pays d'origine, de transit et de destination, avec comme objectif notamment de :

- Organiser de manière plus adéquate les frontières, en renforçant les contrôles et la surveillance pour freiner l'immigration illégale, en particulier, celle qui arrive par voie maritime ;

- Etablir des mécanismes de lutte contre les réseaux qui s'adonnent au trafic illicite et à la traite des êtres humains ;

- Promouvoir la négociation et la signature des Accords de réadmission entre les pays concernés, afin de faciliter le rapatriement des immigrés illégaux et des demandeurs d'asile refusés et veiller à la réalisation effective des dits Accords ;

- La mise en place de ce mécanisme, cité précédemment, demande une étroite coopération pour l'identification et la reconnaissance des ressortissants qui entrent, de manière irrégulière, dans un autre pays, en vue de leur réadmission par le pays de provenance ;

- Finalement, renforcer la collaboration pour la détention et le retour des embarcations se consacrant à l'immigration irrégulière dans la Méditerranée et de leurs occupants.

Ce faisant, l'Espagne ainsi que d'autres pays euro-latins, n'ont fait à Rabat puis à Tunis en décembre 2003 et même à Alger (15 et 16 septembre 2004) et à Oran (23-24 novembre 2004), qu'exposer des positions dans le sens de celles prises par les instances européennes.

Rappelons d'abord Séville (juin 2002) où les quinze chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'UE ont concrètement exigé que « tout futur accord de coopération » signé avec un pays-tiers contienne une clause sur la « réadmission obligatoire » en cas d'immigration illégale, mais aussi sur la gestion commune. Cette obligation serait « non négociable ». Les pays visés doivent s'engager à réadmettre non seulement leurs propres nationaux en situation irrégulière, mais également les ressortissants des pays-tiers ayant transité par leur territoire. Afin d'assurer la coopération des pays-tiers comme le Maroc, les Etats membres ont également prévu « une évaluation systématique » des relations avec ceux d'entre eux qui « ne coopèrent pas dans la lutte contre l'immigration illégale ». A Séville, le Conseil a certes renoncé à punir et à prendre des « sanctions » contre ces pays, préconisées par l'Espagne, dirigée à l'époque par J.M. Aznar, et appuyées notamment par la Grande-Bretagne et l'Italie, mais il a tout de même prévu de prendre des « mesures ou positions »129.

Par la suite, en novembre 2002, le Conseil a désigné le Maroc avec huit autres pays avec lesquels la coopération dans le domaine de la gestion des flux migratoires, dans un sens sécuritaire, serait renforcée dans un premier temps : Albanie, Chine, ex-République de Serbie et Monténégro, Russie, Tunisie, Ukraine, Libye et Turquie, liste qui sera complétée en adjoignant l'Algérie pour lui faire signer également un accord de réadmission.

Par ailleurs, au sommet de Thessalonique de juin 2003 et dans la lignée de Séville, les chefs d'Etat et de gouvernement européens ont reconnu qu'il importait d'élaborer un mécanisme « d'évaluation » pour assurer le suivi des relations avec les pays-tiers « qui ne coopèrent pas avec l'UE dans la lutte contre l'immigration clandestine »130 et établi une liste de thèmes « d'une importance primordiale » comprenant la coopération des pays-tiers dans le domaine de la politique des visas, ainsi qu'en matière de réadmission et de retour, « les efforts de contrôle des frontières et interception des immigrés clandestins »131. Le Conseil européen de Bruxelles, tenu les 16 et 17 octobre 2003, a confirmé cette option, en s'engageant « à mobiliser tous les instruments appropriés des relations extérieures de l'UE, dans le cadre de l'approche globale définie à Thessalonique, y compris les partenariats renforcés avec les pays-tiers concernés, en vue de mettre en œuvre la stratégie de l'UE pour lutter contre les migrations illégales »132. Dans ce cadre, le Conseil européen demande à la Commission, au Conseil et aux Etats membres de « tout mettre en œuvre pour faciliter la conclusion par la Communauté d'accords de réadmission ». Par ailleurs, le même Conseil réunissant les chefs d'Etats et de gouvernement européens « réaffirme qu'une politique commune en matière de retour est un élément capital pour la mise en œuvre d'une politique d'immigration globale et efficace »133. Certes, dans le cadre d'une approche qui se veut globale et équilibrée, la conférence ministérielle de Rabat des « 5+5 » a abordé également l'axe migration et co-développement, ainsi que celui des droits et obligations des migrants et processus d'intégration. S'agissant du dernier volet, le relevé des conclusions de la Présidence précise même que les ministres des dix pays ont approuvé notamment la recommandation consistant à « promouvoir l'amélioration des conditions de vie, de séjour, de travail et de mobilité professionnelle des immigrés maghrébins en situation régulière installés en Europe »134.

L'intégration des immigrés, une notion sans consistance

Lorsqu'on étudie les propositions concrètes qui ont été arrêtées dans ce domaine par le Groupe des 5+5, on constate toutefois que la conférence de Rabat, préparant la conférence de Tunis des chefs d'Etat des pays de la Méditerranée Occidentale (5-6 décembre 2003) et indirectement la conférence d'Alger (mi-septembre 2004), s'est limitée à des généralités et que la notion d'intégration des immigrés n'avait pas de consistance. On reste en effet au niveau du simple échange d'informations, de points de vue et d'expérience sans aucun engagement réel, à l'inverse des aspects sécuritaires où les pays européens ont avancé et insisté sur des choses très concrètes. La raison fondamentale vient du fait que si les pays de l'UE sont d'accord sur les aspects contrôle, répression et réadmission des immigrés, ils n'ont pas encore, en dépit du passage de l'UE à 25, une réelle politique commune équilibrée en matière d'immigration, malgré certaines velléités et de multiples déclarations dans ce domaine.

Les euro-latins des « 5+5 » étant engagés dans le cadre de l'UE, leur position tient nécessairement compte de l'évolution du débat en la matière au sein de l'UE et des décisions prises. Or en matière de politique d'intégration des immigrés, les choses sont encore très imprécises. Certes, lors du Conseil européen de Bruxelles du 16 et 17 octobre 2003, le Conseil « confirme que la question de l'immigration figure au premier rang de ses priorités politiques et réaffirme son attachement à une approche équilibrée entre la nécessité impérieuse d'arrêter l'immigration illégale et de lutter contre la traite des êtres humains, d'une part, et l'accueil et l'intégration des immigrants légaux, d'autre part, conformément aux principes et priorités énoncés lors des Conseils européens de Thessalonique de Séville, de Lacken et de Tampere »135. Près d'un an après (4 juin 2004), la Commission européenne abonde dans le même sens : « le renforcement de l'intégration des ressortissants de pays-tiers résidant légalement dans les Etats membres constitue l'un des principaux objectifs de la politique d'immigration de l'UE »136.

Mais, n'est-ce pas une pure fuite en avant ? De quel « renforcement de l'intégration » s'agit-il ? Il ne faut pas en effet s'arrêter aux deux énoncés précédents. Il convient de revenir aux décisions antérieures des sommets européens pour évaluer exactement ce qui a pu être décidé en matière d'intégration. On constatera en fait l'absence de consistance et de mesures pratiques et concrètes.

S'agissant de cette dernière dimension, le Conseil européen de Tessalonique tenu les 19 et 20 juin 2003 admet que « la question de l'intégration harmonieuse des immigrants légaux dans les sociétés de l'UE devrait aussi être étudiée en profondeur »137. Tout comme il « estime nécessaire de mettre au point une politique globale et pluridimensionnelle sur l'intégration des ressortissants de pays-tiers en séjour régulier auxquels il convient, conformément aux conclusions du Conseil européen de Tampère et en vue de la mise en œuvre des dites conclusions, d'accorder des droits et obligations comparables à ceux des citoyens de l'UE »138. Le même document officiel identifie les raisons des lacunes dans ce domaine et décline la démarche qui devrait être suivie, si l'on veut avoir une véritable politique d'intégration commune : « Si les Etats membres demeurent responsables au premier chef de l'élaboration et de la mise en application de telles politiques, celles-ci devraient être élaborées dans un cadre cohérent au niveau de l'Union européenne, en tenant compte de la diversité juridique, politique, économique, sociale et culturelle des Etats membres. Afin de stimuler la mise en place d'un tel cadre, il conviendrait d'envisager la définition de principes de base communs »139.

Par conséquent, tout comme déjà dans les conclusions du Conseil européen de Tampere (Finlande, 15-16 octobre 1999) où l'Union européenne s'était proposée, dans une formule floue d'« assurer un traitement équitable aux ressortissants des pays-tiers qui résident légalement sur le territoire des Etats membres », de même qu'« une politique plus énergique en matière d'intégration devrait [et non pas doit]avoir pour ambition de leur offrir des droits et obligations comparables à ceux des citoyens de l'Union européenne »140, cinq années plus tard à Thessalonique, puis à Bruxelles (16-17 octobre 2003, 12-13 décembre 2003, 17-18 juin 2004 et 4-5 novembre 2004), on reste encore aux vœux pieux, aux déclarations incantatoires et à l'énoncé de principes généraux et vagues.

Le « programme de La Haye » adopté au sommet européen tenu à 25 Etats membres, les 4 et 5 novembre 2004, concernant la politique européenne d'immigration et d'asile montre, qu'en dehors des aspects sécuritaires qui se sont renforcés pour la maîtrise des flux migratoires, l'UE n'a pas assuré d'avancées significatives dans la réalisation d'une politique équilibrée, englobant également les volets intégration des immigrés et développement des régions d'origine... La règle du vote à la majorité qualifiée n'a pas été acquise en raison de l'opposition de l'Allemagne. Par ailleurs, les domaines de l'intégration, du recrutement, des conditions de séjour et bien d'autres aspects ne font pas encore partie de la politique commune. En effet, ce programme pluriannuel couvrant les cinq prochaines années (2005-2010) reste encore en matière d'intégration, au stade des principes généraux et des vœux « pour réaliser l'objectif d'intégration réussie des ressortissants de pays-tiers en séjour irrégulier et de leurs descendants (...) il est essentiel d'élaborer des politiques efficaces et de prévenir l'isolement de certains groupes. Une approche globale associant les acteurs concernés aux niveaux local, régional, national et de l'UE est dès lors indispensable (...). Le Conseil européen insiste sur la nécessité d'une meilleure coordination des politiques nationales d'intégration et des initiatives de l'UE dans ce domaine. A cet égard, il conviendrait de fixer les principes de base communs sur lesquels doit reposer un cadre européen cohérent en matière d'intégration »141.

La réadmission, une idée fixe

La Commission européenne saisit par ailleurs toutes les opportunités pour inciter les Etats membres ainsi que le Parlement européen à exercer des pressions sur les pays-tiers afin que ces derniers collaborent comme il se doit, en signant notamment les accords communautaires de réadmission. Ainsi en est-il de la communication (en date du 3 décembre 2002) de la Commission au Conseil au Parlement européen intitulée : « Intégrer les questions liées aux migrations dans les relations de l'Union européenne avec les pays-tiers ». Dans ce document, il est énoncé que le dialogue avec les pays-tiers doit être « fondé sur des facteurs d'incitation visant à encourager ces pays à adhérer à de nouvelles disciplines »142.

Il en est de même de la communication (en date du 3 juin 2003) de la Commission au Parlement européen et au Conseil en vue du Conseil européen de Thessalonique, sur le développement d'une politique commune en matière d'immigration clandestine, de trafic illicite et de traite des êtres humains, de frontières extérieures et de retour des personnes en séjour irrégulier. Dans cet esprit, le document énonce que « la Commission fournit tous les efforts nécessaires pour négocier des accords satisfaisants, mais il lui faudrait bénéficier pour ce faire d'un soutien politique et diplomatique plus vigoureux de la part des Etats membres (...). C'est pourquoi, la Commission estime que la question des 'moyens de persuasion' - autrement dit, des mesures d'incitation visant à s'assurer la coopération des pays-tiers dans la négociation et la conclusion d'accords de réadmission avec la Communauté européenne - devrait être envisagée pays par pays »143.

Précisons ici qu'en plus du Maroc, le Conseil a accordé à la Commission européenne des mandats pour négocier des accords communautaires de réadmission avec dix autres pays/entités tiers : Sri Lanka, Russie, Pakistan, Hong Kong, Macao, Ukraine, Albanie, Algérie, Chine et Turquie. Il y a lieu de mentionner que jusqu'à maintenant, la Commission n'est effectivement parvenue à un accord qu'avec quatre partenaires : Hong Kong, Macao, Sri Lanka, Albanie, et seuls les accords conclus avec les deux premiers pays sont entrés en application144.

La raison de cette situation provient de la résistance des Etats concernés qui ne tirent aucun avantage de la conclusion de tels accords. C'est la Commission européenne elle-même qui admet que « la signature d'accords de réadmission est généralement plus avantageuse pour les Etats membres (de l'UE)que pour les pays-tiers »145. Voila pourquoi, selon ce même document, les Etats d'origine réclament « une meilleure intégration de leurs ressortissants dans les Etats membres, la levée des restrictions en matière de visa, l'assouplissement de l'octroi du visa pour certaines catégories de personnes et des quotas de travailleurs permanents et saisonniers »146.

Ainsi, faute de parvenir à une politique d'harmonisation positive et constructive en matière d'immigration, l'UE travaille dans le sens de l'harmonisation des restrictions dans le cadre d'une Europe non pas démocratique et sociale, mais policière et bureaucratique. Puisque aucune orientation politique précise ne se dessine en matière de politique européenne commune dans le domaine de l'immigration, si ce n'est « le plus petit dénominateur commun », c'est le volet répressif et coercitif qui est privilégié147. Insistons pour dire que, de manière paradoxale, l'immigration clandestine qui est la face cachée du problème de l'immigration, mobilise toute l'attention, alors qu'elle n'en est pas la composante majeure et qu'il y a une face invisible bien plus importante que la face cachée. En effet, la focalisation sur l'immigration clandestine, abordée dans une démarche essentiellement répressive et policière à travers un discours éminemment politique et sécuritaire, fait passer sous silence deux éléments essentiels. En premier lieu, la nécessité de traiter la question migratoire de manière globale et intégrée, en tenant compte prioritairement des aspects socio-économiques des régions de départ et en plaçant la gestion des flux migratoires dans un cadre de développement socio-économique, par un renforcement de la contribution de l'Union européenne aux efforts des pays d'origine pour un développement social durable et pour un appui conséquent aux mécanismes de lutte contre la pauvreté.

Prenons comme exemple le cas du partenariat entre l'Union européenne et les pays africains. La déclaration finale du sommet euro-africain du Caire (3-4 avril 2000) insiste sur l'adoption d'une approche positive, globale, intégrée et conséquente du partenariat euro-africain, en intégrant les aspects de politique de développement, de politique commerciale, sociale, etc. Elle reconnaît en effet « qu'il faut une approche globale et intégrée pour s'attaquer au problème des migrations et à la question, distincte mais connexe, de l'asile ». Elle souligne aussi notamment « la nécessité de coopérer pour s'attaquer aux causes profondes des migrations tant dans les pays d'origine et de transit que dans les pays de destination », de « coopérer en ce qui concerne l'intégration réciproque des immigrés, ainsi que les droits des immigrés et la xénophobie » et de « prendre des mesures visant à garantir le respect et la dignité des immigrés »148.

Certes, la Commission européenne elle même semble consciente de la nécessité d'une approche prenant en considération les différents maillons de la chaîne migratoire : « les efforts de gestion des mouvements migratoires ne sauraient être pleinement efficaces si les mesures ne sont mises en oeuvre au début de la chaîne de migration, par la promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l'Homme, des principes démocratiques ainsi que d'un développement social et environnemental durable dans les pays d'origine. A cette fin, il conviendrait d'insérer les questions d'immigration dans les partenariats existants, qui constituent le cadre général de nos relations avec les pays-tiers »149.

Mais cette préoccupation aurait été crédible si l'exécutif européen, dans le cadre d'une démarche cohérente, l'appliquait dans toutes ses décisions politiques, en particulier dans les relations avec les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), tel l'accord de partenariat ACP-CE signé à Cotonou le 23 juin 2000. Relevons en effet que cet accord aborde bien la question des migrations. Mais l'article 13 qui lui est consacré, insiste plus sur les aspects sécuritaires et la nécessité de la réadmission que sur la dimension intégration des ressortissants ACP au sein de l'UE, ou bien sur la prise en compte réelle de l'environnement socio-économique des pays d'origine pour résoudre le problème de l'émigration à la source.

Dans l'alinéa c du paragraphe 5 de l'article 13, il est stipulé que « chacun des Etats ACP accepte le retour et réadmet ses propres ressortissants illégalement présents sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne à la demande de ce dernier et sans autres formalités (...) Les Etats ACP fourniront à leurs ressortissants des documents d'identité appropriés à cet effet ». Il est précisé plus loin qu'« à la demande d'une partie [il s'agit ici de la partie européenne c'est-à-dire soit la Communauté, soit un des Etats membres de l'UE], des négociations sont initiées avec les Etats ACP en vue de conclure, de bonne foi et en accord avec les principes fondamentaux du droit international, des accords bilatéraux régissant les obligations spécifiques de réadmission, et de retour de leurs ressortissants. Ces accords prévoient également, si l'une des parties l'estime nécessaire, des dispositions pour la réadmission de ressortissants des pays-tiers et d'apatrides. Ces accords précisent les catégories de personnes visées par ces dispositions ainsi que les modalités de leur réadmission et retour »150.

En second lieu, la focalisation sur l'immigration clandestine occulte la nécessité de promouvoir et de protéger les droits humains des immigrés marocains déjà présents légalement dans les pays de l'Union européenne. Sur ce plan, il nous paraît important de faire appel à la clause de l'accord d'association, conclu entre le Maroc et l'Union européenne le 26 février 1996, et qui stipule que : « Le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l'Homme tels qu'énoncés dans la Déclaration Universelle des droits de l'Homme, inspire les politiques internes et internationales de la Communauté et du Maroc et constitue un élément essentiel du présent accord »151. Sur le même registre et, comme l'observe une communication de la Commission européenne elle-même, « l'UE doit également être prête à débattre des questions intéressant les droits de l'Homme, au sein de l'Union européenne, par exemple la situation des immigrants dans l'UE »152. Encore faut-il, bien entendu, que les gouvernements des pays comme le Maroc fassent de cette préoccupation centrale une priorité, au lieu de se limiter à une attitude utilitariste et mercantile en concevant l'émigration comme une « poule aux oeufs d'or » et la première « industrie » nationale lucrative d'exportation... Cette vision rentière et marchande se retrouve depuis fort longtemps chez les responsables marocains. Elle avait fait dire aux auteurs du plan quinquennal marocain 1973-1977 que l'émigration représente « l'équivalent au plan économique global à une exportation d'une production réalisée au Maroc »153 et fait exulter un ancien ministre marocain du Travail en ces termes : « c'est un motif de fierté pour nous et un orgueil de constater que les transferts vers le Maroc des travailleurs marocains à l'étranger, dépassent de très loin les rentrées de devises au titre du tourisme et des phosphates »154.

Plus près de nous, le document de stratégie proposé par la ministre déléguée auprès du ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, chargée de la communauté marocaine résidant à l'étranger, et approuvé par le conseil de gouvernement à Rabat le 13 mars 2003, ne s'éloigne pas fondamentalement de cette vision. Ainsi, au niveau national, les objectifs de la « stratégie », au nombre de quatre, mettent l'accent exclusivement sur l'amélioration de l'opération transit durant la période estivale et surtout sur l'apport matériel et financier de l'émigration, à travers une conception purement « économique » ou pécuniaire de la citoyenneté, à l'exclusion des droits civiques :

« - Soutenir les efforts déployés pour l'amélioration des conditions d'accueil de la communauté marocaine à l'occasion de son retour au pays.

- Promouvoir et orienter les investissements des Marocains émigrés afin d'en constituer un levier pour dynamiser le développement économique durable.

- Transférer les connaissances et les expertises scientifiques et technologiques nécessaires au développement du Maroc.

- Inciter le tourisme national destiné à la communauté marocaine en lui consacrant des offres compétitives à travers des méthodes novatrices adaptées aux aspirations et aux ambitions des jeunes émigrés »155.

En 1987, le Maroc avait demandé l'adhésion à l'Europe. Aujourd'hui, c'est l'Union européenne qui se déplace vers lui, avec le début de l'instauration d'un contrôle (commun) des frontières marocaines et la mise en place de la sous-traitance sécuritaire, qui est le pendant de la politique de sécurisation des frontières extérieures de l'UE avec la prolifération des lieux d'enfermement au-delà de l'Europe... Ironie de l'histoire, serait-ce là la réponse concrète européenne à une revendication marocaine d'obtenir un « statut avancé », consistant en « plus que l'association et moins que l'adhésion » ?

Certes, selon R. Prodi, alors Président de la Commission européenne et dans une vision de proximité, le Maroc peut avoir « tout, sauf les institutions ». Mais derrière ce tout, les lectures divergent. Traduit dans le domaine migratoire, y compris dans le « Plan d'action UE-Maroc » adopté par le Conseil européen du 16-17 décembre 2004 dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV), les sécuritaires de l'UE ne signifient-ils pas plutôt une association plus poussée du Maroc aux « mesures compensatoires » de Schengen, synonymes de rétention, d'assignation à résidence, d'enfermement dans une vaste zone d'attente, de mise à l'écart derrière une « ligne Maginot » et d'expulsion des migrants en transit... !? Est-ce un pur hasard si, au même moment, était signé à Rabat un accord euro-marocain relatif à la gestion des contrôles frontaliers, d'une enveloppe de 40 millions d'euros ?156 Mais ne soyons pas sévères. Dans leur esprit, les sécuritaires de l'UE ne sont-ils pas disposés à pratiquer plus d'ouverture, en permettant à Rabat d'être un Schengen (bis) pour l'Afrique subsaharienne, grâce à un jumelage avec la petite bourgade du Luxembourg, dont le laboratoire sécuritaire appliqué aux migrations, porte le label Schengen ?


Notes

1. Une première version de ce texte a été présentée au colloque organisé par Migreurop sur « les camps d'étrangers en Europe » les 25-26 juin 2003 au Parlement européenLe titre était : « Le Maroc à l'épreuve du laboratoire Schengen et champ d'expérimentation « JAI » ou les logiques UE de l'enfermement comme statut avancé »Tel qu'il est publié dansCultures & Conflits, le présent article doit beaucoup au niveau de sa forme et de son organisation à la précieuse collaboration du coordinateur de ce numéroNos sincères remerciements à Jérôme Valluy.

2. « Justice et Affaires Intérieures » (JAI) dénomination officielle de ce secteur de politiques publiques dans les institutions européennesCe secteur a été récemment rebaptisé « Justice, Liberté et Sécurité » (JLS).

3. Avant son adoption le 17 décembre 2004 par le Conseil européen tenu à Bruxelles, ce plan d'action avait fait l'objet le 9 décembre 2004 d'une présentation par Benita Ferrero Waldner, commissaire européen aux relations extérieures et à la politique de voisinage, à une délégation de journalistes marocainsVoir le compte rendu notamment dans La vérité, n° 190, Al Ittihad Al Ichtiraki et La Vie Economique, Casablanca, 10 décembre 2004.

4Selon La Gazette du Maroc, Casablanca, 20 décembre 2004.

5Voir Aujourd'hui le Maroc, 20 décembre 2004.

6Alaoui Hin Le Matin du Sahara et du Maghreb, 20 décembre 2004.

7Mouaffak S., « Le Maroc aux avant-postes », in Maroc Hebdo International, n° 633, du 24 au 30 décembre 2004.

8. Commission européenne, Document de travail du 18 mai 1995 concernant le rapport relatif à la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen intitulé « Le renforcement de la politique méditerranéenne de l'Union européenne : propositions pour la mise en œuvre d'un partenariat euro-méditerranéen », DOC FR/DT/273/273079/F3, voir le site : http://europa.eu.int/abc/doc/off/bull/fr/9503/p104057.htm

9CK4 - 27 - ASIM 170, 1er juillet 1998.

10. « Document de stratégie sur la politique de l'Union européenne en matière de migrations et d'asile », ibid.

11. Ibid.

12. Cette citation est issue de la première version du Plan d'Action en date du 7 juillet 1999.

13. Conseil de l'Union européenne, « Plan d'action pour l'Albanie et la région limitrophe », docn° 7886/1/00JAI40 A 641.

14. Voir également l'intervention de Nicholas Busch, « Politique d'asile et d'immigration de l'Union européenne : un moyen efficace de maintenir la sécurité et la stabilité en Europe ? », présentée lors du séminaire international « Union européenne ; havre de justice ou cauchemar orwellien ? », Université de Tampere, 13 octobre 1999.

15. Elorza J., Ambassadeur, représentant permanent de l'Espagne auprès de l'UE, Union européenne.

16. Conseil de l'Union européenne, « Plan d'action pour le Maroc », Docn°11426/99 ; JAI 75AG30 du 30 septembre 1999.

17. Voir l'intervention de De Miguel R., in « Maroc-Union européenne : un destin commun »Actes du colloque de Bruxelles du 21 octobre 1999 édités par le Cercle d'Amitié euro-Marocain, Paris, février 2000, p19.

18. Masson P., « Europe face à l'immigration : quels objectifs ? Quels moyens ? », Rapport au Sénat français, n° 438, annexe au procès-verbal de la séance du 22 juin 2000, p36.

19. Rappelons que le Maroc a signé des accords de réadmission avec l'Espagne (13 février 1992), l'Allemagne (22 avril 1998), l'Italie (27 juillet 1998 et son protocole additionnel du 18 juin 1999)A cela il faut ajouter le protocole de réadmission avec la France, entré en vigueur le 10 janvier 1993 et les protocoles d'identification ou P.V liant le Maroc à la Belgique et aux Pays-Bas, en particulier pour permettre le retour des illégaux marocains sans papiers.

20. C'était déjà, avant le Conseil européen de Séville (juin 2002), la volonté exprimée d'utiliser l'aide au développement comme un moyen de pression et de chantage pour amener les pays d'émigration à coopérer en matière de réadmissionDans cet esprit également, on peut ranger la communication de la Commission en date du 15 novembre 2001 concernant une politique en matière d'immigration clandestine : « L'Union européenne devrait faire usage de son poids politique pour encourager les pays-tiers qui se montrent peu enclins à remplir leurs obligations en matière de réadmission », COM (2001) 672 final, paragraphe 4.7.7, p27

21. MEDA est le principal instrument financier de la coopération économique et financière du partenariat euro-méditerranéen

22. Cette pratique se retrouve également dans les rapports entre les Etats-Unis d'Amérique et les pays limitrophes. Voir sur ce point les travaux de Delphine Nakache.

23. Commission européenne, communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen en vue de préparer la réunion des ministres euro-méditerranéens des Affaires Etrangères à Valence les 22 et 23 avril 2002, SEC (2002) 159 final, 13 février 2002, disponible sur le site suivant :http://europa.eu.int/comm/external_relations/euromed/sec02_159_fr.pdf, chapitre « Liberté, justice et gouvernance », pp6-7.

24Ibid.

25. Document d'encadrement de la Conférence de Valence les 22-23 avril 2002, intitulé « Programme régional de coopération en matière de justice, de lutte contre la drogue, contre le crime organisé et contre le terrorisme, et de coopération en matière d'intégration sociale des migrants, de migrations et de circulation des personnes ».

26Ibid.

27. Ministère marocain des Affaires Etrangères et de la Coopération, « Pour une dynamisation du partenariat euro-méditerranéen », Rabat, 5 avril 2002.

28. Voir le texte de la convention-cadre signée le 24 janvier 2002 à Rabat concernant le programme MEDA.

29. Maroc-UE, Conclusions de la réunion du Comité d'association, Rabat 13 mars 2002, reproduites dans la « Lettre d'information » de la Délégation de la Commission européenne au Maroc, janvier-mars 2002

30. Ibid.

31Interview de Sean Doyle à La Gazette du Maroc, Casablanca, 25 mars 2002, p. 36.

32. Entretien avec Aïcha Belarbi, alors ambassadrice du Maroc auprès de l'UE, publié sous le titre « Nous oeuvrons pour un partenariat équilibré » (Propos recueillis à Valence par Amina Talhimet), Libération, Casablanca, 24 avril 2002

33A partir de la communication COM (2001) 672 final.

34. Partenariat euro-méditerranéen, Maroc : document de stratégie (2002-2004), Programme Indicatif National (2002-2004).

35. Pour l'Europe, il s'agit de la signature par le Maroc de conventions de sélection et de recrutement de travailleurs avec les pays suivants : Allemagne (28 mai 1963), France (1er juin 1963), Belgique (17 février 1964), Pays-Bas (14 mai 1969)A cela, il faut ajouter l'accord administratif en date du 30 septembre 1999 entre l'Espagne et le Maroc, relatif aux travailleurs saisonniers marocains en EspagneMentionnons également les accords de main-d'œuvre signés par le Maroc avec la Libye (août 1965), Qatar (17 mai 1981), Emirats Arabes Unis (22 décembre 1981), l'Irak (25 mai 1982), Jordanie (20 avril 1983).

36. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'affaire « Annajat » dans laquelle quatre vingt mille jeunes, dont trente mille étaient destinés à travailler sur des bateaux de croisière, ont été floués, ayant fait l'objet d'une « arnaque » par la société émiratie, après paiement des frais médicaux de sélection.

37. Voir Holleweg W., Rambier A., « Diagnostic institutionnel et organisationnel de l'Anapec », Projet Appui à la création de l'emploi au Maroc MAR/B7-4100/1B/990130, Aide mémoire de fin de mission, octobre 2004Rapport établi pour le compte de l'Union européenne.

38. Bensmaïn A., « Un rapport d'experts pour le compte de la Commission européenne met en émoi l'Anapec », Le Matin du Sahara et du Maghreb, Casablanca, 4 novembre 2004.

39. En prévision du Conseil d'Administration de l'Anapec prévu initialement pour le 8 novembre 2004 (et reporté), l'aide mémoire avait même préparé toute une série de résolutions à faire avaliser obligatoirement : « Il est recommandé que le projet d'intermédiation internationale sous Méda 2 à l'Anapec soit conditionné par les décisions relatives à sa restructuration, au niveau institutionnel et organisationnel ».

40. Voir Partenariat euro-méditerranéenMaroc, document de stratégie (2002-2004), Programme indicatif national (2002-2004), 24 octobre 2001, p25Le descriptif de ce projet figure dans le point 7.2.2.2.2sous le titre « Gestion des contrôles frontaliers », pp40-41.

41. Commission européenne, Programme Meda-Maroc, « Gestion des Contrôles Frontaliers »Mission d'identification au Maroc, juillet-octobre 2002, Rapport final, novembre 2002.

42. Mansouri M.Y., directeur général des Affaires IntérieuresIl a été, avec Abdellatif Loudiyi (secrétaire général du ministère des Finances et de la Privatisation), signataire du côté marocain de cette conventionLa partie communautaire été représentée par Christian Leffler, directeur de la Méditerranée à la Commission européenneLa citation figure dans une dépêche de l'agence officielle Maghreb Arabe Presse en date du 20 décembre 2004.

43. Voir notamment Le Matin du Sahara et du Maghreb, édition du 21 décembre 2004.

44. Voir la déclaration faite à l'issue de ce conseil, par Hassan Aourid, porte parole officiel du Palais Royal, publiée notamment dans Le Matin du Sahara et du Maghreb du 23 décembre 2004.

45. Voir le communiqué de l'agence officielle Maghreb Arabe Presse du 11 novembre 2003.

46. Voir le préambule du projet d'accord sur la réadmissionDes formulations similaires se retrouvent, en adaptant bien entendu le contexte géographique, dans l'accord de réadmission déjà signé par l'UE avec Hong Kong (novembre 2002) ou bien dans les projets en coursPour une analyse concernant la fonction sécuritaire des accords de réadmission pour l'UE, voir notamment Intrand C., « La politique du donnant-donnant », Communication à la journée d'étude du GISTI du 22 janvier 2003 sur le thème « L'Europe face à l'asile et l'immigration : quelles politiques communes ? ».

47. Alinéa 1, article 2, projet d'accord de réadmission.

48. Alinéa 2, article 2 du projet d'accord.

49. JO 1996 C 274, p18.

50. Livre vert COM (2002) 175 final (10.04.2002) et Communication de la Commission relative à une politique communautaire en matière de retour des personnes en séjour irrégulierCOM (2002) 564 final du 14.10.2002.

51. Alinéa 1 de l'article 3 du projet d'accord de réadmission.

52Voir l'annexe 3 du projet de réadmission.

53Voir l'annexe 4 du projet de réadmission.

54. Article 13.3.

55. Point 4 de l'article 13.

56. Déclaration du Royaume du Maroc, deuxième session du conseil d'association Maroc-UE, Bruxelles, 9 octobre 2001.

57. Commission des Communautés européennes, « Livre vert relatif à une politique communautaire en matière de retour des personnes en séjour irrégulier », Bruxelles, le 10 avril 2002, COM (2002) 175 finalDisponible sur le site Internet suivant :http://europa.eu.int/scadplus/leg/fr/lvb/l33192.htm

58. Voir l'Economiste, 13 mars 2003.

59. Il est significatif de relever que dès son lancement le 18 décembre 2003, le site du département chargé de la communauté marocaine résidant à l'étranger www.marocainsdumonde.gov.ma a tenu à mettre en avant ces points concernant le « dossier réadmission » pour signifier par ce nouveau message, que Rabat s'est bien installé dans ce domaine dans la logique JAI.

60. Mais aucune information n'a filtré jusqu'ici (janvier 2005) sur le contenu exact du document marocain...

61Interview réalisée par Ahmed Oubari, Libération, Casablanca, 26 mai 2004

62. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen « Espace de liberté, de sécurité et de justice : bilan du programme de Tampere et futures orientations »SEC (2004) 680 et SEC (2004) 693, Bruxelles, le 2 juin 2004, COM (2004 401 finalDisponible sur le site suivant : europa.eu.int/comm/justice_home/ doc_centre/intro/docs/com_2004_401_fr.pdf

63. Conseil de l'Union européenneConclusions de la Présidence du Conseil européen de Bruxelles du 4 et 5 novembre 2004, Ref. : 14292/04.

64. Voir le point 1.6.4des conclusions de la Présidence.

65. Point n° 20 des conclusions de la Présidence du Conseil européen de Tampere.

66. Programme indicatif national, p25.

67. Basri D., L'opinion, 24 février 1999Ceci ne veut pas dire que dans les aspects extra-migratoires, il y eut retour du tout sécuritaireEn effet, « le nouveau concept de l'autorité », mis en avant dans le cadre du nouveau règne, a permis de réelles avancées en matière d'Etat de droit.

68. Voir Belguendouz A., Le Maroc non africain gendarme de l'Europe ? Alerte au projet de loi n°02-03 relative à l'entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l'émigration et l'immigration irrégulières !, Beni Snassen, Salé, mars 2003.

69. Publiée au Bulletin Officiel n°5162 en date du 20 novembre 2003, le texte a été inséré dans les publications de la Revue Marocaine de Droit des Affaires et des Entreprises, série « Textes législatifs et réglementaires », n°25, décembre 2003, ainsi que dans Publications de la Revue marocaine d'administration locale (REMALD), collection « Textes et documents », n°123 consacrée à « La condition juridique des étrangers au Maroc », Première édition, Rabat, 2005. 

70. Emprisonnement de deux à cinq ans.

71. De 10 à 20 ans de prison ; de 15 à 20 ans en cas de préjudice corporel d'un candidat transporté, la perpétuité en cas de décès

72. Note de présentation du projet de loi n°02-03 relative à l'entrée au séjour des étrangers au Maroc, à l'émigration et l'immigration irrégulièreLe projet avait été élaboré par le ministère de l'Intérieur.

73Voir la note 69.

74. Une autre réunion formelle sur le projet d'accord de réadmission a eu lieu à Rabat, fin novembre 2004.

75. COM (2002) 564 final, 14.10.2002.

76. Plusieurs ONG notamment le Réseau ouest africain pour les personnes déplacées et les réfugiés (WARIPNET), la Commission des Eglises pour les migrants en Europe (CCME), la CIMADE, le GISTI, la LDH, la FIDH, se sont mobilisées contre la politique d'expulsion des étrangers en France, en organisant des pétitionsVoir « contre les charters de l'humiliation », novembre 2003.

77. Devant les protestations suscitées, le président de la République du Sénégal a dénoncé cet accord, en avançant qu'il n'avait pas été informé de son existence par le gouvernement...

78. Nations Unies, Conseil Economique et Social, Rapport soumis à la 60ème session de la Commission des droits de l'Homme, E/CN.4/2004/76/Add3 du 15 janvier 2004.

79Ibid.

80. Mais, en dépit de l'organisation à Marrakech les 20 et 21 décembre 2003 par le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur de journées d'études sur la nouvelle loi, les textes d'application ne sont pas encore connus à l'heure de l'impression de la présente contribution au débatLes travaux de cette journée ont été publiés par le ministère de la Justice sous le titre « La problématique de la migration à la lumière de la loi 02-03 », Rabat, mai 2004.

81. Voir également le rapport sur la situation des migrants subsahariens en transit au Maroc en 2004Rapport rédigé par Khalil Jemmah (président de l'Association des Amis et Familles des Victimes de l'Immigration Clandestine) et Hicham Rachidi (coordinateur de la Plateforme migrants), Khouribga, septembre 2004, 22 pages.

82. Voir le lien Internet suivant :http://statewatch.org/news/2003/apr/blair-stimilis-asile.pdf

83. « Londres ne renonce pas à des 'centres' hors de l'UE », Le Monde, 21 juin 2003.

84Voir sur le site suivant : http://news.bbc.co.uk/1/h/uk-politics/278491.stm

85. Morice A., « L'Europe enterre le droit d'asile », Le Monde diplomatique, mars 2004Voir aussi Cultures & Conflits, La mise à l'écart des étrangersLa logique du visa Schengen, n°49, printemps 2003 ; etCultures & Conflits, La mise à l'écart des étrangersLes effets du visa Schengen, n°50, été 2003.

86. Annonce faite le 30 octobre 2004L'opposition des euro-députés à sa nomination n'était pas liée fondamentalement à ses positions sur l'immigration, mais en raison notamment de sa vision très « chrétienne » de la famille et du mariageSon remplaçant retenu, l'italien Franco Fratteni s'est dit, en matière d'immigration et de partenariat avec les pays d'origine, partisan d'une « approche défensive mais équilibrée »Cité dans le quotidien L'Opinion, Rabat, 20 novembre 2004.

87Cité par Afrik.com, du 20 octobre 2004.

88. Déclaration de Mostapha Sahel, ministre de l'Intérieur lors d'un débat parlementaire sur cette thématique tenu le 14 décembre 2004 à la Chambre des ConseillersLa question orale avait été posée par un groupe de conseillers du syndicat C.D.T(Confédération Démocratique du Travail)Voir le compte rendu paru notamment dans L'OpinionAl Bayane etAujourd'hui le Maroc du 16 décembre 2004.

89Dépêche AFP en provenance d'Alger, 22 novembre 2004.

90. Déclaration au quotidien italien Corrière della Sera, rapportée par une dépêche AFP, 17 octobre 2004.

91. Voir le texte intitulé « L'externalisation des demandes d'asile par la création de camps aux frontières de l'Europe est inacceptable », en date du 24 août 2004, signé notamment par ACAT Act-Up Paris, Amnesty International section française, Cimade, Fasti, Gisti, LDH, Association Primo LéviDe même, une réunion publique a été organisée le 28 septembre 2004 au C.I.C.Pà Paris par la CIMADE, ATMF, Réseaux Migreurop, GISTI, CEDETIM, IDD, sur le thème « Les nouvelles frontières de l'Europe : quand l'Europe sous-traite la répression ».

92. Daté du 12 octobre 2004, cet appel contre la création de camps aux frontières de l'Europe a été signé notamment par CCME, FIDH-AE, FIDH, Human Rights Watch, Pro-Asyl, MRAX, JCWI, Liberty, ARCI, FCEI... Parmi les députés européens, on relève Daniel Cohn-Bendit et Hélène Flautre (Verts), et Adeline Hazan (PSE).

93Ce communiqué est disponible sur le lien :http://www.cimade.org/actus/comm82.html

94. Compte rendu de la réunion informelle du Conseil JAI regroupant les ministres de l'Intérieur des 25 Etats membres de l'UE, communiqué de presse, Justice et Affaires Intérieures, 3 octobre 2004Début 2005, il semblait acquis que c'est le HCR qui a été retenu en définitive par l'U.Epour mener ces projets pilotes.

95Voir Meyer Pleite W., Speaking note Schems for refugee camps at the EU's external bordersOral question H- 0384/04 Parliamentarians : Willy Meyer Pleite, novembre 2004, Bruxelles.

96Point 1.6.2des conclusions de la Présidence du Conseil européen de Bruxelles des 4 et 5 novembre 2004, Réf : 14292/04 du 5 novembre 2004.

97. Voir Conseil de l'Union européenne 14869/04 (presse 331), point : 32, Bruxelles, 30 novembre 2004.

98. Commission des Communautés européennes, Document de travail des services de la CommissionPolitique européenne de voisinageRapport sur le Maroc COM (2004) 373 final, Bruxelles, 12 mai 2004.

99. Ces formulations se retrouvent dans les communiqués du ministère marocain de l'Intérieur diffusés par l'agence de presse officielle MAP, le troisième ayant été publié notamment dans Aujourd'hui le Maroc et Le Matin du Sahara et du Maghreb du 30 décembre 2003.

100Ibid.

101. Dépêche de l'agence officielle MAP reprise en première page sans autre commentaire du journal L'opinion, 30 décembre 2003

102. Une dépêche d'Angola Presse en provenance de Lagos et datée du 4 décembre 2004 indique par ailleurs que le gouvernement du Niger avait également décidé d'entamer des négociations bilatérales et de conclure des accords de réadmission, notamment avec la Libye et l'Algérie, pays considérés comme des zones de transit des migrants clandestins se rendant en Europe.

103. Il est regrettable que cette convention qui engage le Maroc ne figure pas parmi les documents sur « La condition juridique des étrangers au Maroc », REMALD, n°123, Rabat, Première édition, 2005Pourtant, ce numéro s'est proposé comme objectif de réunir pour la première fois dans l'histoire de la documentation juridique au Maroc, l'ensemble des textes législatifs et réglementaires ainsi que les normes internationales relatives à la condition des étrangers au Maroc.

104CCPR/C/MAR/2004/5.

105. Nations Unies, Pacte International relatif aux droits civils et politiques, « Observations finales du Comité des droits de l'Homme : Maroc », CCPR/CO/82/MAR/Rev.1, 5 novembre 2004, articles 6, 7 et 10Disponible sur le site Internet suivant :

http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/CCPR.CO.82.MAR.Rev.%201.Fr?Opendocument

 

106. Les mêmes arguments ont été repris à son compte par l'association Amis et familles des victimes de l'immigration clandestine (AFVIC basée à Khouribga)Voir la position sous le titre « Quand le Maroc expulse... », publiée dans Le Journal du 20 au 26 décembre 2003.

107. Outre l'ATMF, les premiers signataires en Europe sont de France (UJM, IDD, FTCR), des Pays-Bas (KMAN, EMCEMO), d'Espagne (CODENAF, Amal Andaluza)Texte disponible sur le site suivant :http://www.atmf.ras.eu.org/article.php3?id_article=167

108. D'autres camps existent à Tanger (camp de Messanana), Tarfaya et Laâyoune (sud du Maroc)Voir la carte « des camps d'étrangers en Europe et dans les pays méditarranéens » publiée dans le présent numéro deCultures & Conflits.

109. Voir notamment le rapport réalisé par l'AFVIC, sur les événements du camp de Gourougou, avril 2004.

110. Cet appel à signatures est disponible sur le site Internet suivant :

http://www.gisti.org/doc/actions/2004/maroc/

 

111Ibid.

112Interpellation officielle adressée au gouvernement marocain, avril 2004.

113. Banaïssa M., ministre des Affaires Etrangères et de la coopération, « Du bon voisinage » et « Quelques réponses au 'tout sauf les institutions' », Le Matin du Sahara et du Maghreb, 29 novembre 2004.

114. Déclaration de Nabil Benabdallah, ministre de la Communication, porte parole du gouvernement, lors d'un point de presse tenu au terme du conseil de gouvernement réuni à Rabat le 23 septembre 2004 sous la présidence du Premier ministre Driss JettouVoir « Figurant parmi les priorités de l'exécutif, la lutte contre l'émigration clandestine examinée en conseil de gouvernement », Le Matin du Sahara et du Maghreb, 24 septembre 2004S'agissant du rapport lui-même, se référer au « Trafficking in persons report » élaboré par le Département d'Etat américain, juin 2004.

115. Statistiques publiées notamment dans le journal Al Ittihad Al Ichtiraki du 25 septembre 2004, p. 3et Jeune Afrique / L'Intelligent, 25 septembre 2004Pour une analyse du vécu des Subsahariens au Maroc et de leur traitement par les autorités marocaines, voir notamment Alioua M., « Réseaux, étapes, passages, les négociations des subsahariens en situation de migration internationaleL'exemple de leur étape marocaine à Rabat », Mémoire de maîtrise de sociologie, Université Toulouse Le Mirail, septembre 2003Se référer aussi à Wender A.-S., « La situation alarmante des migrants subsahariens en transit au Maroc et les conséquences des politiques européennes », Rapport établi pour la CIMADE et présenté à la presse par cette ONG à Paris le 30 octobre 2004.

116. La remarque avait déjà été faite notamment dans le rapport soumis par la Rapporteuse spéciale sur les droits de l'Homme des migrants, Gabriela Rodriguez Pizarro, à l'issue de sa mission officielle effectuée au Maroc du 19 au 31 octobre 2003Voir Conseil économique et social des Nations Unies, Commission des Droits de l'Homme, E/CN.4/2004/76/Add.3, 15 janvier 2004.

117. Voir le Dahir n° 1-57-271 du 29 moharrem 1377 (26 août 1957) relatif à l'application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, publié au BO n° 2341 du 6 septembre 1957Voir aussi le décret du 2 Safar 1377 (29 août 1957) fixant les modalités d'application de cette convention.

118. Voir Kimbimbi S., « La protection des réfugiés en Afrique : défis et perspectives », Etudes Internationales, n°79, Tunis, février 2001Voir également Elmadmad K., « Asile et réfugiés dans les pays afro-arabes », Casablanca, éditions Eddif, 2002.

119. Le texte de la convention est publié notamment dans Publications de la Revue marocaine d'administration locale et de développement, n° 123, 2005, pp323-345.

120. L'admission de la RASD (République Arabe Sahraouie Démocratique) au sein de l'OUA se fit de manière illégale : initiative personnelle du secrétaire général de l'OUA, Edem Kodjo ; la RASD ne remplit pas, selon le droit international, les critères constitutifs d'un EtatVoir notamment Boughdadi M., « Le conflit saharien, une nouvelle lecture dans un nouveau contexte international », Rabat, éditions Arrisala, 2001.

121. Voir le point 1.3 de l'annexe I des Conclusions de la Présidence du Conseil européen de Bruxelles du 4 et 5 novembre 2004Références : 1492/04

122Ibid, point 1.6.1.

123. Voir le point 1.6.2 du Partenariat avec les pays et régions d'origineCette option a été reprise également par le « Plan d'action UE-Maroc » adopté par le Conseil européen le 17 décembre 2004 dans le cadre de la politique européenne de voisinage (P.E.V.).

124. Point 1.6.3.

125. Voir le « Plan d'action UE - Maroc » adopté dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV) par le Conseil européen (Bruxelles), le 17 décembre 2004.

126. AENEAS - Regulation of the European Parliament and of the Council establishing a programme for financial and technical assistance to third countries in the areas of migration and asylum (AENEAS), 2003/0124 (COD), Bruxelles, 6 février 2004.

127. Rappelons que ce processus avait été initié à la fin des années 1980Il a été gelé en raison de la crise libyo-occidentale (Affaire Lockerbie) et la relance n'a eu lieu que fin janvier 2001 à LisbonneDevant l'inertie de l'Union du Maghreb Arabe (UMA), il vaut mieux parler du Dialogue des « 5+1+1+1+1+1 »... Il regroupe d'un côté les « soeurs latines » à savoir l'Espagne, la France, l'Italie, le Portugal et Malte, et de l'autre côté les « frères maghrébins », à savoir l'Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la TunisieIl s'est réuni d'abord à Rabat les 22 et 23 octobre 2003 (deuxième conférence ministérielle sur la migration en Méditerranée occidentale), puis à Tunis les 5 et 6 décembre 2003 (première conférence au sommet des pays des pays de la Méditerranée occidentale), puis à Alger les 15 et 16 septembre 2004.

128. Le nombre de personnes potentiellement concernées est estimé à 800 000, dont près de 100 000 MarocainsVoir L'Economiste et Aujourd'hui le Maroc, Casablanca, 31 décembre 2004.

129Voir les conclusions de la Présidence du Conseil européen de Séville, juin 2002.

130. Les extraits sont tirés des conclusions de la Présidence du Conseil européen de Thessalonique des 19 et 20 juin 2003, document SN 200/03.

131. Ibid.

132. Conseil européen de Bruxelles du 16 et 17 octobre 2003, extraits des conclusions n°30 et 31 de la Présidence.

133. Conseil européen de Bruxelles du 16 et 17 octobre 2003, extraits des conclusions n°30 et 31 de la PrésidenceLe Conseil « Affaires générales » du 8 décembre 2003 a établi, quant à lui, un « mécanisme de contrôle et d'évaluation » pour assurer le suivi des relations avec les pays-tiers qui ne collaborent pas avec l'UE en matière de lutte contre l'immigration clandestine.

134Conseil européen de Bruxelles du 16 et 17 octobre 2003, extraits des conclusions n°30 et 31 de la Présidence.

135Conclusion n°30 de la Présidence du Conseil européen de Bruxelles, 16 et 17 octobre 2003.

136. Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, « Etudes sur les liens entre immigration légale et immigration clandestine », COM (2004) 412 final, 4 juin 2004.

137. Conseil européen de Thessalonique des 19 et 20 juin 2003, conclusions de la Présidence, extrait du point 9, document SN 200/03.

138Ibid., voir le paragraphe 28.

139Conseil européen de Thessalonique, extraits de la conclusion n°31.

140. Point III, alinéa 18 des conclusions du Conseil européen de Tampere, 16 octobre 1999.

141. Conseil européen, Conclusions de la Présidence du Conseil européen de Bruxelles des 4 et 5 novembre 2004, Référence : 14292/04, 5 novembre 2004.

142COM (2002) 703 final, p5.

143. Commission européenne, Communication de la Commission européenne du 3 juin 2003 sur le développement d'une politique commune en matière d'immigration clandestine, de trafic illicite et de traite des êtres humains, de frontières extérieures et de retour des personnes en séjour irrégulierCom (2003) 323 final.

144Cette entrée en vigueur date du 1er mars 2004.

145. Communication de la Commission « Etude entre les liens entre l'immigration légale et l'immigration clandestine », COM (2004) 412 final, 4 juin 2004, disponible sur le site Internet suivant : http://europa.eu.int/eur-lex/fr/com/cnc/2004/com2004_0412fr01.pdf

146Ibid.

147. Les travaux du troisième congrès des juristes spécialisés dans les questions d'immigration et d'asile (Assemblée Nationale, Paris, 10-11 juin 2004) confirment cette interprétationVoir notamment une synthèse des travaux de ce congrès organisé par le Réseau académique d'études juridiques sur l'immigration et l'asile en Europe en collaboration avec l'université de Paris SudVoir Piazza P., « Politique européenne d'immigration et d'asileEvaluation 1999-2004 », Les Cahiers de la Sécurité intérieure, n° 55, 1er trimestre 2004, pp259-273.

148. Déclaration du Caire, Sommet Afrique-Europe sous l'égide de l'OUA et de l'UELe Caire, 3 et 4 avril 2000Voir les points 55, 57, 58.

149. COM (2001) 672 final du 15 novembre 2001Voir se site Internet suivant :http://europa.eu.int/comm/justice_home/doc_centre/asylum/printer/doc_asylum_intro_fr.htm

150. Voir « Accord de Partenariat ACP-CE signé à Cotonou le 23 juin 2000 », publié dans le Courrier ACP-UE, édition spéciale, Bruxelles, septembre 2000, p11.

151Article 2.

152. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « Donner une nouvelle impulsion aux actions menées dans l'UE dans le domaine des droits de l'Homme et de la démocratisation, en coopération avec les partenaires méditerranéensOrientations stratégiques », COM/2003/0294 final, 21 mai 2003.

153Volume I, p48.

154. Arsalane El Jadidi qui fut ministre du Travail pendant deux périodes différentes, lors d'une intervention à la Chambre des Représentants à Rabat, le 26 décembre 1978.

155. Document de stratégie proposé par la ministre déléguée auprès du ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, chargée de la Communauté marocaine résidant à l'étranger, approuvé par le Conseil de gouvernement à Rabat le 13 mars 2003Pour une analyse critique de cette politique, voir Belguendouz A., MRE : quelle marocanité ?, Beni Snassen, Salé, juillet 2004.

156Voir supra, le point intitulé Le contrôle frontalier, une ingérence manifeste.