CIAO DATE: 09/2014
Volume: 88, Issue: 0
Winter 2012
Des migrants environnementaux aux migrants climatiques : un enjeu définitionnel complexe (PDF)
Chloe Ann Vlassopoulos
Aperçu du début du texte Réfugiés environnementaux/climatiques, migrants forcés de l’environnement/du climat, migrants environnementaux/climatiques, éco-migrants… Les termes pour qualifier les personnes forcées de quitter leur lieu habituel de vie en raison d’une dégradation de l’environnement ne manquent pas et reflètent la difficile construction de cet enjeu en tant qu’objet de recherche et problème nécessitant l’intervention des autorités publiques. L’histoire de l’humanité peut être représentée comme un processus continu de déplacements et d’adaptations à des conditions environnementales toujours changeantes. En ce sens, on pourrait soutenir a priori que nous sommes aujourd’hui face à une situation « normale » et non pas face à un « problème » nécessitant l’élaboration de mesures ad hoc à différentes échelles territoriales. L’article de S. Bronkhorst dans ce numéro montre comment des populations nomades au Soudan ont appris progressivement à s’adapter aux conditions climatiques changeantes et comment la...
Du climat au changement climatique : chantiers, leçons et défis pour l'histoire (PDF)
Jean-Francois Mouhot
Cet article s’interroge sur la manière dont l’histoire peut nous aider à réfléchir – et offrir des éclairages nouveaux – sur le problème climatique. Après une présentation des domaines d’investigation de l’histoire en matière de changement climatique, il retrace la façon dont les hommes ont appréhendé le rapport au temps qu’il fait et à ses variations au cours des siècles et montre que, loin d’être un phénomène récent, la préoccupation des sociétés envers le climat est ancienne. Mais la prise de conscience contemporaine du réchauffement anthropique traduit un changement d’échelle dans les peurs puisque, pour la première fois, se pose la question de la survie de nos civilisations. Une seconde partie établit ce que le passé peut nous apprendre de la vulnérabilité des sociétés humaines face aux chocs climatiques. Enfin, l’article propose quelques pistes de réflexion sur les défis auxquels les historiens travaillant sur ces questions doivent faire face, et aussi sur les blocages qui continuent à freiner les recherches historiques en ce domaine.
Karen Elizabeth McNamara, Chris Gibson
Les Nations Unies occupent une place prépondérante dans la protection de l’environnement aussi bien que des personnes déplacées. Cependant, ces deux rôles demeurent mutuellement exclusifs. À l’heure actuelle, il n’y a pas aux Nations Unies de cadre unifié pour répondre à la mobilité humaine générée par le changement climatique - y compris comme un facteur parmi d’autres. Plus précisément, cet article décompose différentes descriptions textuelles de personnes déplacées suite au changement climatique, dans une sélection de documents des Nations Unies ces quarante dernières années. Sur la base d’une analyse de ces documents, il apparaît que des catégories de personnes déplacées par le changement climatique ont été construites de sorte à modifier les termes du débat, éluder une réponse légale, et détourner le blâme des responsables du changement climatique. Cette analyse textuelle historique fournit ainsi une explication de l’absence de politique internationale explicite destinée à protéger les personnes déplacées par les changements environnementaux.
Migrations climatiques : quel rôle pour le droit international ? (PDF)
Michel Morele, Nicole de Moor
Ce papier analyse le rôle des différentes branches du droit international concernées par les migrations climatiques : le droit international de l’environnement, le droit international des droits de l’homme, le droit international des réfugiés et le droit international des migrations. Même s’il ne porte formellement qu’une attention limitée aux migrations climatiques, le droit de l’environnement joue implicitement un rôle significatif dans leur prévention en assurant la protection de l’environnement naturel. Les droits de l’homme, bien qu’ils nécessiteraient une application plus rigoureuse, jouent un rôle important tant d’un point de vue normatif que préventif dans la protection des migrants climatiques et ce de trois façons (dans le pays d’origine, dans le pays de destination et pour ce qui concerne le refoulement). Le droit des réfugiés est un « palliatif », assurant la protection des migrants forcés dont les droits ont été violés. Enfin, le droit de la migration, dans son état actuel, est particulièrement pertinent en ce qui concerne les droits que les migrants climatiques, devenus travailleurs migrants dans un pays étranger, sont en mesure de faire valoir dans le pays où ils sont employés. Malgré leurs défauts respectifs, ces quatre branches du droit international ont un rôle spécifique et important eu égard à la problématique des migrations climatiques. Isolément, leur fonction est limitée, mais envisagées conjointement, elles forment un dispositif satisfaisant.
Jeanette Schade
Le discours sur les migrations climatiques est dominé par une inquiétude au sujet des conséquences du changement climatique sur les dynamiques migratoires et les déplacements forcés, c’est-à-dire le fait que certaines populations soient obligées de quitter leur région d’origine à cause d’un climat hostile et des conditions de vie. Du point de vue de la recherche sur les migrations, les limites de cette conceptualisation du changement climatique sont déjà visibles. De plus, cette approche ignore le fait que les migrations et les déplacements forcés peuvent également être le résultat de politiques climatiques. À partir d’une analyse de la répercussion des politiques de relocalisation liées au changement climatique, cet article suggère qu’une perspective micro et le cadre des droits de l’Homme pourraient permettre de renforcer les populations locales vis-à-vis du régime climatique et de cette nouvelle « menace climatique ».
Rareté de ressources et conflit entre pasteurs et agriculteurs au Sud-Kordofan, Soudan (PDF)
Salome Bronkhorst
Il est aujourd’hui largement admis que le changement climatique aura des conséquences considérables et posera des problèmes de sécurité et de développement d’une ampleur inédite, en particulier pour l’Afrique où la majorité de la population dépend de l’environnement pour sa subsistance. Forme de migration saisonnière, le pastoralisme au Soudan est à la fois motivé et affecté par le changement et la variabilité climatiques. Cependant, certains chercheurs ont suggéré que le pastoralisme offrait des possibilités d’adaptation intéressantes dans les zones à forte variabilité climatique, et serait peut-être plus résilient que d’autres systèmes de subsistance où la mobilité est limitée ou inexistante. En s’appuyant sur les fondements théoriques des rapports entre migration, changement climatique et conflit, cet article examine les conflits entre éleveurs et agriculteurs de l’État du Sud Kordofan, au Soudan, dans un contexte de raréfaction des ressources. Tout d’abord, nous soutenons que la rareté structurelle des ressources résulte de l’établissement d’une législation sur la terre et de l’introduction de l’agriculture mécanisée qui alimentent les conflits. Nous arguons ensuite que les politiques gouvernementales ont sapé une institution (l’administration traditionnelle autochtone), qui avait pourtant démontré sa capacité non seulement à gérer les ressources et les pénuries, mais aussi à atténuer les conflits liés à la concurrence pour l’accès aux ressources rares. Il s’agit là, selon nous, des principaux facteurs explicatifs des conflits relatifs à l’agriculture pastorale dans le Kordofan méridional, et donc des obstacles déterminants à la promotion du pastoralisme comme forme d’adaptation au changement climatique dans ce pays.
Tommaso Venturini, Francois Gemenne, Marta Severo
Si les dégradations de l’environnement apparaissent aujourd’hui comme un facteur majeur de migrations, le débat concernant la définition du lien entre environnement et migration reste profondément ouvert. Un très grand nombre de termes occupent aujourd’hui l’espace public pour désigner ceux qui doivent se déplacer à cause de dégradations de leur environnement, générant ainsi une controverse sur l’usage des différents termes. Cet article essaie d’éclaircir cette controverse en étudiant les usages de ces termes dans le débat public sur Internet. Pour ce faire, nous avons employé une nouvelle méthode numérique qui nous a permis, à travers l’interrogation du moteur de recherche Google.com, de collecter les pages web où la discussion autour des différentes définitions de ces migrations était la plus visible. Grâce à une analyse des expressions contenues dans ces pages, nous avons obtenu des cartes sémantiques qui ont nous permis de voir quels termes étaient associés les uns aux autres : en particulier, à quels acteurs, lieux ou concepts les différents termes étaient les plus connectés. Ces cartes révèlent la réalité polymorphe de ces migrations, mais aussi le vide catégoriel qui les entoure.
Une artiste sans galerie (PDF)
Sanja Ivekovic
Aperçu du début du texte Rada Iveković (R. I.) : Lors de ta résidence au MAC/VAL en 2012, tu t’es présentée comme née à Zagreb, Yougoslavie, résidant à Zagreb, Croatie. Tu as résisté avec véhémence à la récupération par l’État (en l’occurrence croate) de ton travail : tu n’as pas souhaité faire partie du programme « La Croatie, la voici ! » pour ta performance, et tu ne t’es pas présentée à ton propre vernissage pour ton installation « Visages du langage », qui montrait des écrans avec des animaux, autant d’appellations injurieuses des femmes ; ces animaux se transformaient en visages de femmes battues. Tu as présenté une performance intitulée « Pourquoi un(e) artiste ne peut représenter un État-nation », à propos de laquelle tu t’es distanciée du programme officiel de la Croatie en France. On peut dire que dans l’ensemble, ton travail a toujours invité à la réflexion politique. Voici la question : depuis quand refuses-tu d’être identifiée à la nation et à l’État-nation ?