CIAO DATE: 05/2014
Volume: 77, Issue: 0
Spring 2010
Le monde britannique, une société impériale (1815-1919) ? (PDF)
Christophe Charle
Cet article propose une interprétation nouvelle des relations entre histoire interne et histoire externe du monde britannique, qui permet d’aller au-delà des analyses centrées sur la domination impériale. Cette approche repose sur la notion nouvelle de société impériale, qui est un enjeu permanent de confrontation entre différentes forces sociales et idéologiques, à la fois au Royaume-Uni et dans les régions sous influence britannique. Cette perspective constructiviste et polémique permet de discuter et de clarifier les principales controverses qui animent l’historiographie récente relative aux notions d’Empire, de culture impériale, de stratégie de domination, et à une prétendue “britishness”.
Valider la guerre : la construction du régime d'expertise stratégique (PDF)
Christophe Wasinski
L’ambition de cet article est d’apporter une contribution en matière d’analyse interprétative du phénomène guerrier. Dans cette optique, il s’interroge sur les mécanismes de la pensée stratégique qui ont contribué à faire de la guerre moderne une pratique sociale jugée techniquement faisable et, partant de là, légitime pour les militaires. Pour ce faire, l’analyse proposée s’inscrit dans les champs, très proches sur le plan théorique, de la sociologie pragmatique (en s’inspirant d’auteurs tels que Luc Boltanski, Nicolas Dodier et Francis Chateauraynaud) et de la sociologie des sciences (en s’appuyant surtout sur les travaux de Bruno Latour). D’une part, la sociologie des sciences a développé un très fertile questionnement portant sur la construction des faits scientifiques dont la présente étude s’inspirera largement. D’autre part, la sociologie pragmatique a élaboré un cadre de compréhension des actions collectives qui s’articule à l’enquête sur la construction sociale des faits. Grâce à ces deux approches, nous nous proposons d’enquêter sur la formation d’un régime d’expertise stratégique qui soutient la légitimité technique de l’emploi de la force militaire. Ensemble, la sociologie des sciences et la sociologie pragmatique apportent un éclairage particulièrement pertinent à la question de la guerre.
Différenciation culturelle et stratégies de coopération en milieux militaires multinationaux (PDF)
Joseph Soeters, Delphine Resteigne
Le présent article s’intéresse aux milieux militaires opérationnels multinationaux et s’attache à montrer combien les organisations militaires sont, avec quelques années de décalage, occupées à suivre la même voie d’internationalisation croissante qui a débuté dans les organisations privées au cours des années quatre-vingt-dix. Cet article se penche plus particulièrement sur les dimensions culturelles liées à ces milieux professionnels et se propose de revenir sur la notion même de culture pour avancer une approche pragmatique et différenciée de la culture militaire. Ensuite, dans une perspective plus empirique basée sur des études de cas menées in situ, différentes stratégies de coopération relevées entre militaires étrangers seront analysées.
Vancouver n'est pas là où il devrait être... (PDF)
Loncon Mackenzie, Dider Bigo
Didier Bigo (DB) : Landon, à travers votre peinture vous remettez en cause la représentation traditionnelle du monde, en tant que monde constitué d’Etats (absence de frontières nationales), mais aussi la conception de géographie naturelle (sans distinction aucune entre terres et mers), et les effets de cette remise en question sont surprenants. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette éradication des frontières au sens traditionnel du terme ? Landon Mackenzie (LM) : Il s’agit ici d’une pièce particulière intitulée « Vancouver as the centre of the world », dont l’idée m’est venue en pensant à la manière dont on pourrait réorganiser le monde en un espace rectangulaire dont Vancouver serait le centre ; et cette géographie semblait vraiment inhabituelle. Cela impliquait de placer la Russie au-dessus du Canada et par-dessus le pôle Nord, le tout sans utiliser d’ordinateur pour le représenter. J’ai commencé par me procurer certaines des cartes les plus vendues et les plus couramment utilisées. C’est-à-dire celles où le Groenland est long et étroit, celles où il est grand et large, et alors que je m’apprêtais à les acheter le vendeur du magasin m’a dit « vous savez, le Groenland est en fait plus petit que le Zaïre ». Bien que cela soit quelque chose que l’on sait, c’est tout de même un réel choc d’entendre parler de cette déformation, car en fait nous commençons à croire en ce que nous disent les cartes !
Sorties de guerre : reconfigurations des normes et carrières combattantes (PDF)
Celine Jouhanneau
Il est des domaines de recherche où l’interdisciplinarité ne reste pas un vœu pieux, comme en témoignent deux récents ouvrages relatifs aux sorties de conflits armés. Souvent dominés par des visions linéaires formulées en termes de pacification inexorable ou de transition de la guerre à la paix, les travaux sur les périodes d’après conflit ont récemment connu de remarquables avancées, tant en histoire que dans les sciences sociales du politique – or ces évolutions sont longtemps restées parallèles. Depuis une dizaine d’années des spécialistes des conflits contemporains ont finement montré la porosité des frontières entre le temps de la guerre et celui de la paix 1. De la sociologie politique et de la sociologie du droit ont en outre émergé des analyses des politiques de sortie de la violence attentives aux jeux d’échelles et d’acteurs qui sous-tendent la circulation internationale des modèles de « résolution de conflit » 2. En histoire, c’est le développement de l’histoire culturelle de la guerre qui a inspiré les travaux sur les sorties de guerre. Cette dernière a en effet offert à l’investigation historique de nouveaux objets et questionnements sur « les outillages mis en œuvre par les hommes et les femmes pour donner sens au monde en guerre » 3 et suscité des réflexions sur « la persistance, en temps de paix, des constructions idéologiques forgées en temps de guerre » 4. Quoique parallèles, ces chantiers de recherche ont montré les continuités et les discontinuités de certaines pratiques et représentations entre l’avant-guerre, la guerre et l’après-guerre. La lecture croisée des ouvrages dirigés par les historiens Bruno Cabanes (Yale University) et Guillaume Piketty (IEP de Paris), d’une part, et par la politiste Nathalie Duclos (Université François Rabelais de Tours), d’autre part, révèle toute la fécondité de questionnements interdisciplinaires pour comprendre la complexité et la fragilité des processus à l’œuvre après la cessation des hostilités.
Violences nationalistes au Pays Basque (PDF)
Xavier Crettiez
À propos de : Massey J., ETA. Histoire secrète d’une guerre de cent ans, Paris, Flammarion, 2010, 387 p. Guittet E. P., Antiterrorisme clandestin, antiterrorisme officiel. Chroniques espagnoles de la coopération en Europe, Paris, Athéna, 2010, 153 p. 1Alors que l’actualité ne cesse d’égrener son lot d’arrestations de militants nationalistes basques et que chaque prise policière est l’occasion d’annoncer la mauvaise santé de l’organisation ETA en même temps que de poser un regard enthousiaste sur l’efficacité de la coopération franco-espagnole, paraissent deux ouvrages de bonne facture sur la violence au Pays Basque.